« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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30 mai 2016
Vladimir Poutine met en place son propre « pivot en Asie » rapprochant ainsi Moscou de l’initiative chinoise « Une ceinture, une route », tout en impliquant d’autres pays asiatiques dans ce grand changement de paradigme stratégique en cours.
En l’espace de seulement deux semaines, le président russe a rencontré le Premier ministre japonais Shinzo Abe, ouvrant la possibilité d’une coopération bilatérale à même de modifier le paysage de l’Asie du Nord-Est, et il a également reçu les dirigeants des pays membres de l’ASEAN, à Sotchi où les participants sont parvenus à d’importants accords politiques et économiques, dont la perspective de créer une zone de libre-échange entre l’Union économique eurasiatique (UEE) et les pays de l’Asie du Sud-Est.
La rencontre du 6 mai entre Poutine et Abe était particulièrement significative, sachant que Barack Obama lui avait personnellement demandé de l’annuler. Son refus s’est traduit par une nouvelle orientation dans les relations russo-japonaises. Suite à ce sommet, le gouvernement russe a offert aux investisseurs japonais des positions prioritaires dans plusieurs grands projets de développement dans l’Extrême-Orient russe, une offre qui devrait se préciser davantage d’ici le prochain Forum économique d’Asie orientale auquel Abe compte participer en septembre prochain à Vladivostok.
En outre, selon diverses sources russes et japonaises, les deux pays ont repris les négociations diplomatiques visant à résoudre le conflit territorial autour de quatre îles du Nord.
Quant au sommet entre la Russie et l’ASEAN, tenu le 19 et 20 mai à Sotchi, il a été de l’avis général un grand succès. Son thème – « Vers un partenariat stratégique mutuellement avantageux » – était clairement un rejet de la géopolitique. Il a abouti à de nouveaux accords s’élevant à plusieurs milliards de dollars, assortis de discussions approfondies sur une augmentation importante des échanges entre l’UEE et les dix pays de l’ASEAN (Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam).
Le président de la Banque asiatique pour l’investissement dans les infrastructures (BAII) Jin Liquin était également présent à Sotchi où il s’est entretenu avec Poutine. La Russie a soumis à la nouvelle banque des demandes de financement pour 16 projets dans son Extrême-Orient.
De son côté, le président Obama a entamé le 22 mai une visite au Vietnam et au Japon, dans le but de consolider son « pivot asiatique », qui est ouvertement orienté contre la Chine.
Au Vietnam, Barack Obama a annoncé la fin de l’embargo sur les armes américaines qui était en vigueur depuis la guerre du Vietnam, mais cela suffira difficilement à empêcher le gouvernement de poursuivre son récent rapprochement avec Moscou et Pékin.
En même temps, la politique du gouvernement japonais envers Moscou indique qu’il n’est plus disposé à servir de pion géopolitique de Washington. En témoigne aussi la nomination d’un nouvel ambassadeur à Beijing, un expert reconnu sur la Chine qui défend un rapprochement entre les deux pays dans tous les domaines, aussi bien de la défense qu’économique.
En revanche, les propos d’Obama à la veille de sa visite n’étaient pas de bonne augure pour les relations : dans une interview à une chaîne japonaise, il a déclaré qu’il pouvait comprendre pourquoi le président Harry Truman avait décidé de larguer la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki...