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20 février 2016
Même le directeur général de la Banque des règlements internationaux, Jaime Caruana, met désormais en garde contre le danger de l’implosion de la bulle de la dette internationale. Lors d’un forum récent au London School of Economics, il a averti que ni l’assouplissement quantitatif ni les taux d’intérêt négatifs ne sauraient « maintenir le boom financier », sans ajustement majeur de l’endettement. En cela, Caruana fait écho aux mises en garde William White, l’ancien économiste en chef de la BRI.
En effet en Europe, une situation très inquiétante se présente dans les banques d’affaires au niveau de leurs actifs à haut rendement (junk bonds). Suite à l’effondrement des prix du pétrole et de matières premières, on estime que ces actifs à haut rendement ne valent plus que 40 à 50 % de leur valeur nominale. Le taux de rémunération a grimpé à environ 17 %, soit le niveau qu’une banque en difficulté comme Monte dei Paschi di Siena offrirait si elle pouvait trouver des acheteurs.
Les banques françaises sont les plus exposées aux marchés pétroliers et gaziers. Jonathan Tyce de Bloomberg Intelligence estime à plus de 100 milliards d’euros leur exposition totale. Le Crédit Agricole, BNP Paribas, la Société Générale et Natixis comptent parmi les sept plus grands prêteurs européens au secteur énergétique, selon des analystes à Nomura, et parmi les cinq premières sociétés de métaux et minières.
Or, ces banques n’ont pas mis de côté des capitaux pour couvrir les pertes et sont tout sauf transparentes en termes de leur exposition, de la qualité de nantissement des emprunteurs ou encore des risques posés par les sociétés en question. A titre de comparaison, les banques italiennes ont des réserves égales à 40 % de leurs créances douteuses.
La situation est également préoccupante aux Pays-Bas, le centre du marché spot du pétrole. Selon Bloomberg, la banque ING détient, à elle seule, un porte-feuille de 29 milliards d’euros dans le secteur énergétique, soit quelque 14 % de ses prêts totaux aux entreprises. Le 4 février, ING a annoncé son intention de constituer des réserves sur 3,8 milliards d’euros de prêts si les prix pétroliers restent au niveau actuel.
Crédit Suisse admet que ses prêts nets aux secteurs pétrolier et gazier se montent à 9,1 milliards de dollars, mais affirme qu’il n’y a pas lieu de s’en inquiéter.
Pour ce qui est de la Deutsche Bank, elle refuse de chiffrer son exposition à l’industrie énergétique, précisant simplement qu’elle est « dans les poids légers » du secteur. Toutefois, on sait que la Deutsche a le plus grand porte-feuille de produits dérivés au monde, s’élevant à 60 000 milliards en valeur nominale. Depuis le début de l’année, ses actions ont chuté d’un tiers, faisant suite aux pertes en 2015 de pas moins de 6,8 milliards d’euros. Ses obligations convertibles se rapprochent du seuil de défaut, suite à quoi elles seront converties de force en actions.
D’où le titre du Handelsblatt du 3 février : « La Deutsche Bank en chute libre ».