« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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6 juillet 2012
Lors du sommet de la zone euro les 28 et 29 juin, les dirigeants ont créé ce que Helga Zepp-LaRouche a qualifié de « deuxième traité de Versailles ». En décidant de permettre au mécanisme européen de stabilité de financer directement les institutions bancaires, les gouvernements européens garantissent officiellement toute la dette du système bancaire, sacrifiant ainsi leurs nations et la vie de leurs citoyens au remboursement d’une dette de jeu illégitime et impayable.
Comme ce fut le cas du Traité de Versailles de 1919, cette politique mènera à l’implosion hyperinflationniste de toutes les économies transatlantiques, en accroissant d’autant le danger de guerre.
Selon la déclaration officielle du sommet, il a été décidé de créer un « seul mécanisme de supervision » pour les banques de la zone euro, suite à quoi les limites statuaires du MES seront levées de manière à lui permettre de recapitaliser les banques directement. Dans le novlangue orwellien de l’UE, cela s’appelle « découpler les pays souverains de la dette des banques ». Mais le capital du MES est fourni par les gouvernements ! Plus encore, le traité sur le MES, que les parlements sont en passe de ratifier, stipule que la direction pourra à tout moment dicter aux Etats de nouveaux montants de capital à lui verser, et ce sans limite.
Cela revient à un véritable « permis de tuer » – par le biais de l’hyperinflation – accordé au nouveau mécanisme, qui sera piloté par la Banque centrale européenne (BCE).
Il a également été décidé que les Etats membres de l’UE, pour qui les banques qui maintiennent des taux de refinancement élevés en dépit de leurs efforts de « discipline budgétaire » (c’est le cas de l’Italie et l’Espagne), bénéficieront du « soutien » du MES sous forme de l’achat des obligations souveraines. Là encore, l’aide va moins aux gouvernements, qu’aux banques vendant ces obligations.
Reste à savoir si les pays dans cette situation seront soumis à un régime du Troïka (BCE, UE, FMI). En attendant le sommet du 9 juillet où les détails seront décidés, les dirigeants allemand et italien ont un discours divergent, adapté à leur public. Angela Merkel assure les Allemands que « toute aide sera contrôlée par la Troïka », alors que Mario Monti affirme le strict contraire.
Tous ces dirigeants trahissent leur pays. C’est le cas de Mme Merkel, qui avait promis et juré que « tant que je vivrai », il n’y aura pas de mutualisation de la dette de la zone euro, et du fantoche de Goldman Sachs qu’est Mario Monti, ainsi que des autres qui ont joué un rôle décisif, notamment François Hollande et Barack Obama.
En effet, on a appris que Obama, Tim Geithner et d’autres responsables du département américain du Trésor s’étaient fortement impliqués dans les négociations avant et pendant le sommet. Obama a parlé personnellement au téléphone avec Monti et Hollande. Selon des médias français, Hollande avait pris Angela Merkel en « embuscade », car elle ne s’attendait pas à ce qu’il se range pleinement du côté d’Obama et de Monti.
Dans une courte déclaration le 29 juin, Lyndon LaRouche notait l’irrationalité de toute cette politique. Alors que les gouvernements et grandes institutions financières du monde transatlantique, surtout les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, crient à la nécessité de sauver les dettes des systèmes bancaire et financier, « ils exigent des actions qui vont faire sauter les principales institutions gouvernementales », et interdisent le recours aux seules actions susceptibles d’« empêcher un effondrement en chaîne quasi immédiat », à commencer par des réorganisations de type Glass-Steagall.
LaRouche conclut que ces gouvernements et institutions doivent pâtir de démence collective, ou alors qu’un mensonge monstrueux se cache derrière les conséquences dévastatrices qu’auront les renflouements.
Au moment où les dirigeants européens s’efforcent de consolider une dictature bancaire sur l’Europe, on vient nous rappeler que la monnaie commune était d’entrée de jeu conçue comme une stratégie pour démanteler la souveraineté nationale. Ce service a été rendu par Greg Palast, un journaliste d’investigation américain, dans le Guardian du 27 juin.
« L’idée selon laquelle l’euro a « échoué » est dangereusement naïve. L’euro fait exactement ce que son père spirituel — et les 1 % des richissimes qui l’ont adopté — prévoyait et planifiait qu’il ferait. » En fait, il était conçu comme « une arme qui pulvérise réglementations gouvernementales et régulations du travail ».
Le père spirituel en question est Robert Mundell, avec qui Palast s’est personnellement entretenu. Mundell n’a pas seulement gagné l’étiquette de « père théorique de l’euro », il défend aussi une « monnaie universelle » en dehors de tout contrôle national.
D’après Palast, Mundell pensait que l’euro s’avérerait vraiment efficace au moment des crises. « Enlever aux gouvernements le contrôle sur la monnaie empêcherait de méchants élus d’utiliser du jus monétariste et fiscal keynésien pour sortir une nation de la récession. « Cela met la politique monétaire hors de la portée des hommes politiques, dit-il. Sans politique fiscale, le seul moyen qu’une nation puisse conserver des emplois est la réduction concurrentielle des règles d’affaires. » Il citait les lois sur le travail, les régulations environnementales et, bien sûr, l’impôt. Tout cela serait balayé par l’euro. On ne permettrait pas à la démocratie de s’ingérer sur le marché. »
Mundell expliqua à Palast que, dans son optique, l’euro était tout un avec le « reaganomics », précisant que la « discipline monétaire oblige aussi les hommes politiques à une discipline fiscale », et que lorsque les crises éclatent, « les nations désarmées sur le plan économique n’ont guère de choix que d’éliminer les réglementations gouvernementales en bloc, privatiser les industries d’Etat en masse, sabrer les impôts et jeter l’Etat providence européen par la fenêtre ».
Le terme « réformes structurelles », écrit Palast, n’est qu’« un euphémisme pour des projets visant à écraser les travailleurs », ajoutant que « l’union monétaire est la guerre de classe par d’autres moyens ». Et de conclure : « Loin d’un échec, l’euro, le bébé de Mundell, a sans doute réussi plus encore que les attentes les plus folles de son père spirituel ».
Une approche similaire à celle de Mundell a été évoquée par Josef Ackermann, PDG de la Deutsche Bank encore récemment, qui, après avoir participé à la conférence de Bilderberg, a déclaré le 20 mai devant l’Atlantic Council à Washington que de nouvelles opérations de sauvetage de la part des grandes banques centrales seraient restreintes en attendant que la crise bancaire devienne extrême. Alors, en poussant jusqu’au « bord du gouffre », on obligerait les gouvernement à renoncer à la souveraineté nationale et à mettre leurs recettes et leur crédit dans les renflouements bancaires. Deux jours plus tard, le chef de la BCE Mario Draghi a répété la même ligne.