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Les dirigeants africains mettent la chancelière allemande devant la réalité

26 octobre 2016

La chancelière allemande Angela Merkel s’est rendue au Niger, au Mali et en Éthiopie du 9 au 11 octobre, pour discuter des flux migratoires vers l’Europe et des moyens d’y mettre fin. Juste après, elle a reçu à Berlin le président du Tchad Idriss Déby, le 12 octobre, suivi du président du Nigéria Muhammadu Buhari le 14.

Les offres avancées par Mme Merkel apparaissent toutefois comme des broutilles face aux besoins de cette région terrassée par le terrorisme et la pauvreté. Le président nigérien Mahamadou Issoufou a souligné que l’aide de 1,8 milliard d’euros, promise par les Européens lors du sommet EU-Afrique il y a un an, est loin d’être suffisante, alors qu’à lui seul, le Niger aurait besoin d’au moins un milliard rien que pour lutter contre la migration illégale. Ce qu’il faut, a-t-il souligné, est un « plan Marshall » pour assurer le développement économique, approche que la chancelière Merkel a rejetée.

Lors de sa rencontre avec Idriss Déby, la chancelière a promis 8,9 millions d’euros pour lutter contre les « problèmes d’eau et de nourriture » dans la région du Sahel. Le Tchad accueille actuellement quelque 700 000 réfugiés de pays voisins, qui ont dû fuir les attaques menées par le groupe terroriste Boko Haram. Déby a souligné qu’un « désastre humanitaire » menace de se répandre tout autour du lac Tchad, où la pauvreté due à l’assèchement du lac nourrit le terrorisme aussi bien que le flux migratoire vers l’Europe.

S’inspirer du « miracle économique » allemand

Lors d’une réunion publique avec des hommes d’affaires, organisée par l’association Afrika Verein à Berlin le 14 octobre, le président nigérian Buhari a insisté sur le manque cruel d’infrastructure dans son pays, notamment en termes de voie ferrées, routes, ports et énergie. Le développement de l’industrie, a-t-il fait remarquer, est essentiel pour ne plus dépendre uniquement du pétrole comme ressource économique, et aussi pour « sortir de la pauvreté les 70 % de notre population qui y vivent ». Son gouvernement étudie le « miracle économique » allemand et va créer sa propre banque nationale de développement, modelée sur la banque de reconstruction allemande Kreditanstalt für Wiederaufbau.

Face à la chancelière Merkel, Buhari a souligné l’urgente nécessité de remettre en eau le lac Tchad, où le niveau de vie de 30 millions de personnes se trouve menacé.

Lors de la même conférence à Berlin, le ministre nigérian de l’Agriculture, Audu Ogbeh, a expliqué que les gouvernements précédents n’avaient pas su utiliser les recettes du pétrole pour inciter à l’épargne et au développement, de sorte que le Nigeria doit importer de la nourriture pour quelque 20 milliards de dollars par an. Le gouvernement s’applique par conséquent à développer une véritable économie agro-industrielle. Il a insisté par exemple sur la très faible productivité de l’industrie laitière nigériane par rapport à celle de l’Europe, due en grande partie à la quantité d’eau consommée quotidiennement par les vaches.

Projet Transqua

Interrogé par un représentant d’EIR sur le Projet Transaqua de remise en eau du lac Tchad, Ogbeh s’est dit « ravi » de pouvoir aborder cette question. Du fait que ce projet exige des investissements bien supérieurs à ce que peuvent avancer les pays de la région, l’aide de l’Allemagne et de l’Europe est nécessaire. Puis il a ajouté :

Si le lac Tchad continue à s’assécher, comme on le prévoit dans les 10 ou 15 prochaines années, cela conduira à une émigration de masse, car 30 millions de personnes devront trouver refuge ailleurs. Je crois que vous vous doutez de où ils iront.

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