« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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Visioconférence internationale les 18 et 19 juin 2022

Les États-Unis conduisent le monde à la guerre nucléaire

1ere session

21 juin 2022

Richard Black

Merci de me permettre de me joindre à vous aujourd’hui.

J’aimerais commencer par préciser que je ne suis pas un pacifiste de gauche. J’ai porté l’uniforme pendant 32 ans, j’aime mon pays et j’ai risqué ma vie pour lui des centaines de fois. J’ai effectué 269 missions de combat en tant que pilote d’hélicoptère dans les Marines. A quatre reprises, mon appareil a été touché en vol par des tirs. Je me suis porté volontaire pour le combat terrestre avec la 1ère Division de Marines et j’ai effectué 70 patrouilles de combat. J’ai été blessé et mes deux opérateurs radio ont été tués en portant secours à un avant-poste de Marines encerclé.

J’ai d’abord été pilote chez les Marines, puis juriste de l’armée. A ma retraite, je suis devenu chef de la division du droit pénal au Pentagone, témoignant devant le Congrès, préparant des décrets avant la signature présidentielle et conseillant la commission des services armés du Sénat sur des questions d’intérêt national.

Plus tard, j’ai siégé comme chef de file conservateur à la Chambre et au Sénat de Virginie pendant vingt ans.

L’Ukraine a perdu la guerre. Bien sûr, la guerre n’est pas terminée, mais elle est perdue.
C’est devenu un duel d’artillerie. La Russie tire 50 000 obus par jour, dix fois plus que l’Ukraine. Selon le Washington Post, l’Ukraine est presque totalement à court de munitions et n’a aucune solution de remplacement pour son matériel datant de l’ère soviétique. Le 10 juin, le Post rapportait que l’Ukraine déplore 1000 victimes par jour, dont 200 tués. Le nombre de victimes a doublé en seulement 3 semaines.

Mettons cela en perspective. Le Vietnam a été la dernière guerre vraiment sanglante de l’Amérique. Nous avons perdu 60 000 hommes en 10 ans, soit environ 6000 par an. Pour une population beaucoup plus faible, l’Ukraine perd 6000 soldats par mois, soit un taux de pertes 12 fois supérieur à celui que nous avons connu au Vietnam.

Maintenant, comparez les populations des deux nations. Avant que des millions de personnes fuient le pays, l’Ukraine comptait 43 millions d’habitants. Il n’en reste plus que 38 millions aujourd’hui. A l’époque du Vietnam, la population américaine comptait environ 200 millions d’habitants. Du fait que notre population était environ cinq fois plus importante que la sienne, pour l’Ukraine, le nombre de victimes par habitant est 60 fois supérieur à celui que les États-Unis ont subi pendant leur guerre sanglante au Vietnam.

Les Ukrainiens ont combattu avec un immense courage, mais aucune nation ne peut supporter très longtemps de telles pertes. L’Ukraine est finie.

Le 12 juin, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a pratiquement admis que l’Ukraine serait bientôt obligée de demander la paix. Il a déclaré : « La seule question est de savoir quel prix vous êtes prêts à payer pour la paix. Combien de territoire, combien d’indépendance, combien de souveraineté (...) êtes-vous prêts à sacrifier pour la paix ? » Ces remarques suggèrent que l’OTAN reconnaît que la guerre est perdue. Elle est devenue une distraction désagréable qui a simplement besoin d’être bouclée.

La guerre des sanctions a échoué. Toute la puissance financière du monde occidental s’est déchaînée contre la Russie. L’administration Biden a juré de réduire le rouble russe en poussière. Ils se sont vantés de détruire l’économie russe et d’inspirer une révolution. On allait créer de telles difficultés que les Russes se révolteraient et renverseraient leur président.

Mais aujourd’hui, le rouble est plus fort qu’avant la guerre. Cette année, il a été la plus forte de toutes les monnaies. Après un pic d’environ 15 %, l’inflation russe devrait diminuer. Mais alors que leur inflation se stabilise, celle de l’Europe et de l’Amérique a commencé à monter dangereusement en flèche.

La tentative de Biden d’étrangler le commerce russe a échoué. Loin de bloquer le commerce de la Russie avec les autres nations, l’Economist rapporte que la Russie génère un excédent commercial record, avec un milliard de dollars par jour provenant du pétrole et du gaz. L’excédent commercial russe de 250 milliards de dollars a plus que doublé par rapport à celui de 2021.

Malgré les sanctions, la Russie a tissé des liens commerciaux plus solides avec la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud, l’Iran, le Brésil et l’Arabie saoudite, qui continuent tous à commercer avec elle. D’importants pays du Sud refusent d’obéir à l’ordre de Washington d’imposer des sanctions. Les nations indépendantes craignent les États-Unis, mais elles n’aiment pas qu’on leur dise avec qui elles peuvent commercer ou non. Dicter ainsi la politique de sanctions à des nations souveraines diminue le respect du monde pour l’Amérique.

Depuis le début de la guerre, les Russes n’ont jamais connu de pénurie de nourriture, de logement, de combustible de chauffage ou d’essence. Ceux qui s’attendent à ce que les Russes craquent en raison de la pénurie de sacs à main Gucci1 ou de Big Macs ne comprennent pas la mentalité russe.

Tout espoir d’évincer le président Poutine est mort. Le 1er mars, le Premier ministre britannique avait prédit que les sanctions allaient « faire tomber le régime de Poutine ». Depuis, Boris Johnson a lui-même failli être évincé par une motion de censure parlementaire. Dans le même temps, la popularité de Poutine est passée à 83 %, soit plus qu’aucun de ses homologues occidentaux.

Entre-temps, la guerre de propagande s’effiloche. Au début du conflit, les États-Unis ont déclenché un barrage soigneusement orchestré de propagande antirusse ; toutes les voix dissidentes ont été bloquées. Les médias occidentaux ont rapporté à grand renfort de publicité les exploits spectaculaires du « fantôme de Kiev », un pilote si habile qu’il aurait abattu 40 avions à réaction russes avant de mourir héroïquement au combat. Mais le fantôme de Kiev était un véritable canular. C’était une concoction médiatique, une fiction, une fraude qui n’a jamais existé.

Il y a eu un autre faux rapport sur les gardes-frontières ukrainiens, piégés par la marine russe sur l’île aux Serpents. L’Ukraine a rapporté qu’ils ont refusé de se rendre, ont maudit leurs bourreaux et se sont battus jusqu’à la mort. Zelensky a annoncé qu’ils recevraient chacun la plus haute distinction de la nation, le titre de Héros de l’Ukraine. Cela aussi était une fraude et un canular. Confrontés à un navire de guerre russe, les gardes ont fait ce qu’il fallait et se sont rendus sans combattre. Ils ont été embarqués sains et saufs à bord d’un navire russe et renvoyés en Ukraine dans le cadre d’un échange de prisonniers.

L’utilisation par l’Ukraine d’histoires montées de toutes pièces comme celles-ci remet en question non seulement ces rapports, mais aussi d’autres faisant état de crimes de guerre ou de victoires sur le champ de bataille. Pourtant, jusqu’à récemment, les États-Unis et l’OTAN citaient sans hésiter les évaluations ukrainiennes inexactes de la guerre.

Récemment, cependant, les médias ont commencé à reconnaître la possibilité d’une défaite ukrainienne. Le 10 juin, Newsweek rapporta que même le chef adjoint du renseignement militaire ukrainien avait admis que l’Ukraine risquait de perdre la guerre au profit de la Russie. Les premières fissures se forment, et bientôt le monde devra se rendre à l’évidence. La guerre est perdue.

Les Américains se désintéressent de cette guerre. Le 13 juin, le média britannique Express a publié un sondage montrant que les Américains pensent que la pénurie de lait maternisé est cinq fois plus importante que la guerre en Ukraine. Seuls 5 % d’entre eux considèrent l’Ukraine comme une priorité absolue, contre 36 % qui s’inquiètent de l’inflation, de l’économie et de l’emploi. 56 % pensent maintenant que les sanctions ont fait plus de mal aux États-Unis qu’à la Russie. Les Américains sont inconstants, et ils sont passés à autre chose.

L’Europe est le grand perdant dans cette guerre. Les sanctions américaines l’ont empêchée d’utiliser du gaz et du pétrole russes fiables et bon marché, l’obligeant à importer des Etats-Unis du GNL bien plus cher. Les sanctions américaines ont mis à mal l’Europe, qui dépend fortement des importations de matières premières russes. L’engouement de l’Amérique pour les énergies alternatives a contraint les Européens à se reposer sur des énergies solaire et éolienne peu fiables. La restriction de l’accès au pétrole et au gaz russes a fait de l’hiver à venir une période de péril.

L’un des principaux objectifs militaires des États-Unis a toujours été d’empêcher l’Allemagne d’ouvrir son gazoduc Nord Stream 2, qui est vital. Ce gazoduc a été construit par plusieurs pays sur une période de 11 ans, afin de doubler le flux de gaz vers l’Allemagne et le reste de l’Europe. Mais après avoir dépensé une fortune pour ce gazoduc, les États-Unis ont rendu inutile cet énorme projet.
De telles actions montrent que l’Europe ne jouit plus d’une pleine souveraineté ; elle est désormais subordonnée aux caprices de Londres et de Washington.

Avant la guerre, l’Europe fonctionnait avec des budgets de défense modérés. La Russie ne représentait pas une véritable menace et la Chine était un partenaire commercial important. En sécurité avec ses voisins, l’Allemagne a choisi de ne maintenir que 200 chars opérationnels. Mais l’hystérie de la guerre a forcé une course aux armements inutile qui imposera à l’Europe d’énormes augmentations de ses coûts de défense, constituant un frein permanent pour les économies européennes.

Ironiquement, la marche vers la guerre a effectivement subordonné l’UE à l’OTAN, rétablissant ainsi la Grande-Bretagne dans une position de domination sur l’Europe continentale, malgré le Brexit.

La guerre nucléaire est toujours imminente. Des voix continuent de l’évoquer. Heather Conley, directrice de l’influent German Marshall Fund, n’exclut pas une nouvelle escalade, affirmant que l’Occident ne doit pas se laisser intimider par la Russie. « Nous devons nous préparer à l’utilisation d’armes nucléaires tactiques », a-t-elle déclaré. De son côté, un fonctionnaire de l’UE a suggéré de fournir des armes nucléaires à l’Ukraine pour qu’elle puisse se défendre, une action imprudente qui pourrait déclencher une réponse russe non conventionnelle.

L’Ukraine doit négocier la paix pour mettre fin à ce massacre inutile. Elle pourrait peut-être proposer un cadre rappelant le très réussi traité d’État autrichien de 1955, qui a vu l’Union soviétique et les puissances alliées retirer leurs forces de ce pays, en échange de la modification par l’Autriche de sa constitution pour en faire pour toujours une nation neutre et non alignée, et de l’interdiction pour les troupes étrangères de remettre jamais le pied en Autriche. L’Ukraine pourrait adopter des dispositions similaires.

L’OTAN devrait envisager un traité distinct visant à faire de l’Ukraine un tampon nucléaire permanent entre l’Est et l’Ouest. En acceptant que l’Ukraine ne soit jamais admise au sein de l’OTAN, elle pourrait réduire de façon permanente les tensions régionales et diminuer considérablement le risque de voir l’une ou l’autre des parties déclencher accidentellement un incident nucléaire mortel.

En agissant avant que ses lignes défensives ne s’effondrent, l’Ukraine pourrait exiger le contrôle des zones côtières entourant le port d’Odessa, elle pourrait insister pour contrôler entièrement Kiev des deux côtés du Dniepr et pour que la Russie retire toutes ses troupes à l’ouest de ce fleuve. Bien entendu, le contrôle de nombreuses autres zones devra également être négocié, mais cela pourrait constituer un cadre de départ pour la paix.

Voilà qui conclut mes remarques. Je remercie l’Institut Schiller pour ses efforts efficaces en vue de promouvoir la paix et d’empêcher la course insensée à la guerre nucléaire.

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