« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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Intervention de Leonid Kadyshev, Ministre-conseiller de l’Ambassade de Russie, Paris
13 février 2015
J’ai eu la chance et le privilège d’assister aux premiers sommets des BRICS. Je travaillais à l’époque au ministère des Affaires étrangères à Ekaterinbourg, puis à Brasilia l’année suivante.
C’est un phénomène qui, comme d’autres grandes questions de l’actualité internationale, est traité dans le document définissant la doctrine de politique étrangère de la Russie, intitulé « Le concept de la politique étrangère russe », dont la dernière version remonte à 2013.
Je vous propose à tous d’en prendre connaissance, parce que c’est la source directe de notre doctrine concernant les relations internationales et la politique étrangère, approuvée par le Président et à statut tout à fait officiel. Dans ce document, comme dans notre philosophie de politique étrangère en général, nous considérons les BRICS comme un nouveau phénomène propre à la période de transition du monde bipolaire, ou par la suite unipolaire, vers un monde, non pas multipolaire mais qu’on appelle plutôt polycentrique en Russie.
C’est un nouveau type de regroupement d’États, où il n’y a pas de vieille hiérarchie fossilisée propre aux chaînes de commandement ou à des alliances classiques, d’autrefois ou existantes. C’est-à-dire : « On ne se réunit pas contre quelqu’un, mais plutôt en faveur de quelque chose », en faveur d’intérêts qui, malgré les différences, sont communs à tous les BRICS, et d’objectifs qui pourraient nous rassembler avec un certain nombre d’autres partenaires, soit des économies émergentes, soit d’autres États qui sont intéressés dans les différents formats.
Ce phénomène de nouveaux regroupements, qui ne sont pas seulement les BRICS ou des regroupements avec la Russie, mais aussi, par exemple, des regroupements tels que l’ASEM, entre l’UE et les pays asiatiques, ou le G20, un autre phénomène de création d’un mécanisme de gestion globale, avec la participation des pays BRICS et autres grands acteurs sur l’échiquier économique mondial. Cela nous amène à faire le point sur cette volonté des BRICS de coopérer. La preuve en est que ce n’est pas par hasard qu’on se réunit chaque année. C’est quelque chose qui contribue à plus de stabilité et d’assurance en ce qui concerne les moyens de notre coopération et de notre développement économique et financier.
Après le sommet de Fortaleza au Brésil l’année dernière, les BRICS ont entamé une nouvelle étape de leur développement, fondée sur des décisions prises lors de ce sommet. Avant tout, la création de la Nouvelle banque de développement (NBD), avec un capital de 100 milliards de dollars, et pour un montant équivalent, on a décidé de créer un « pool » de devises. Il ne s’agit pas, bien sûr, de devises concrètes mais d’unités de compte dans des opérations financières. Ces institutions ne sont pas considérées comme une alternative au FMI ou à la Banque mondiale. Pourquoi ? Parce que d’un côté, elles contribuent à la stabilité du système financier international, et en même temps – et c’était ça le but primordial – elles donnent aux pays membres des BRICS un ancrage, un pilier indépendant, pour faire avancer les grands projets dans le domaine des infrastructures et du développement durable. Ce sont deux objectifs de base dans le document de fondation de la Nouvelle banque de développement : développer de grands projets d’infrastructures et contribuer au développement durable.
Le pool, c’est-à-dire la réserve de devises ou d’entités équivalentes aux devises, est destiné à soutenir la stabilité des balances de paiement des pays membres, surtout au cas où des déficits indésirables apparaissent dans ces balances. Actuellement, les tâches essentielles dans la gestation de la Nouvelle banque de développement et du pool, c’est la ratification de leurs documents fondateurs. On est en train, en Russie, de faire passer les procédures nécessaires de ratification. C’est aussi l’accumulation du capital initial et la formation d’un portfolio initial des propositions d’investissement.
Aujourd’hui, les partenaires sont en train de coordonner et d’élaborer la « stratégie du partenariat économique » des BRICS. Elle a pour vocation de déterminer les buts en commun et les axes de coopération, englobant la plupart des domaines économiques.
On est en train d’élaborer aussi, en annexe à cette stratégie, la feuille de route de la coopération dans le domaine des investissements. La Russie, à elle seule, a déjà contribué pour trente-sept propositions à cette feuille de route, comprenant des initiatives d’envergure comme la création d’une banque de réserve en combustible, par exemple, jusqu’aux projets multilatéraux basés sur le développement de notre système de positionnement satellitaire global (GLONASS, équivalent russe du GPS). Bien sûr, nous n’existons pas avec nos partenaires des BRICS dans un espace vide. Nous sommes sensibles aux développements de l’économie mondiale et s’il y a des conséquences conjoncturelles négatives, nous en éprouvons aussi les conséquences. C’est pour cette raison, et ce n’est un secret pour personne, qu’on a vu le volume de nos échanges économiques avec la Chine et le Brésil diminuer ces deux dernières années.
Malgré cela, nous pensons qu’il faut continuer à voir à quel point on peut utiliser le caractère complémentaire de nos économies, le seuil de développement et les avancées que chacun de nos pays a acquis dans tel ou tel domaine, et profiter de nos liens, en assurant leur diversification, en cherchant des projets multilatéraux et en utilisant des modèles de partenariat public-privé (PPP). Bien sûr, dans les cercles dirigeants et les élites économiques des pays membres des BRICS, on est conscient qu’il doit y avoir un environnement macro-économique favorable, notamment dans le domaine juridique. A cette fin, les membres des BRICS sont en train d’abaisser les barrières administratives dans le développement des relations d’affaires, de simplifier les formalités de visas dans les échanges, et nous examinons la possibilité de créer des agences de notation propres aux BRICS.
Un rôle important a été attribué au Conseil d’affaires des BRICS qui a été créé en 2013. C’est à vrai dire un vrai quartier général de notre regroupement en ce qui concerne les coopérations entre les milieux d’affaires.
Cinq grands patrons de chaque pays font partie de ce Conseil. La Russie est représenté par M. Iakounine, le directeur de la Société des chemins de fer russes, M. Vladimir Dmitriev, le président de la banque économique de développement VEB, une des plus importantes banques russes, le chef de l’Agence des initiatives stratégiques (Kirill Dmitriev), le représentant de la société Rostec Corp (Sergei Chemezov) et le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Russie (Sergei Katyrin). Une grande importance est attribuée à notre coopération dans le domaine de l’innovation et de la science. On a déjà déterminé ensemble onze directions avec de nombreuses perspectives, selon notre point de vue, englobant le domaine de l’aéronautique, les bio- et nanotechnologies, etc. Les BRICS ont quelques projets de création de « technoparcs » qui sont à l’étude.
Voilà un bref aperçu qui vous démontre sur quoi on se penche actuellement avec nos partenaires, qu’est-ce qu’on attend de notre coopération, et bien sûr, il y a des indices démontrant que notre regroupement, les BRICS, est un projet qui a un avenir prometteur, sinon il n’y aurait pas, comme c’est le cas actuellement, de pays désireux d’y adhérer en tant que membre de plein droit.
Je vous remercie.