« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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Visioconférence des 26 et 27 juin 2021

Le point de vue russe d’une relance économique mondiale durable

4ème session

9 juillet 2021

Boris Meshchanov, conseiller auprès de la Mission de la Fédération russe aux Nations-Unies (New York).

Madame Helga Zepp-LaRouche, Présidente internationale de l’Institut Schiller, chers collègues et amis de la communauté des experts, chers participants à la conférence,

Nous vous remercions pour l’occasion qui nous est offerte de détailler certaines approches de la Fédération de Russie en vue de relancer la croissance économique mondiale.

Pour ceux qui pourraient l’ignorer, aux Nations unies, nous avons décidé de « mieux reconstruire » après la pandémie. Il faut savoir cependant que différents États ou même des groupes d’États ont adopté des approches différentes sur la meilleure manière de se rétablir et, plus important encore, de reconstruire le monde post-coronavirus.

1. Pour commencer, nous n’avons certainement pas le privilège de pouvoir oublier les leçons de l’histoire. Ce serait faire preuve de myopie et d’une extrême irresponsabilité. Le développement pacifique et une solidarité libérée de la contrainte des mesures coercitives unilatérales devraient être la base de la reconstruction mondiale. Notre pays a toujours défendu une vision équilibrée et durable basée sur le partenariat, le développement et l’innovation, en totale conformité avec la vision de l’Agenda 2030 adoptée à l’unanimité par les Nations unies en 2015. Notre pays a rejoint l’Alliance informelle des États qui défendent la Charte des Nations unies et ses principes intemporels définissant les relations interétatiques :
— égalité des États souverains ;
— non-ingérence dans leurs affaires intérieures ;
— droit des peuples à l’auto-détermination de leur destin ;
— non-recours à la force ou à la menace pour régler les différends.

Il faut reconnaître ici, à cette conférence, que ces principes ont beaucoup de points communs avec la doctrine présentée en 1984 par M. Lyndon LaRouche, dans le cadre de son projet de Protocole d’accord entre les États-Unis et l’URSS.

Il s’agit d’une autre preuve que les solutions politiques pragmatiques, scientifiques et fondées sur des preuves, ne sont pas soumises à des limites d’espace ou de temps ; elles reflètent la logique de l’histoire et sont promues par des leaders d’opinion exceptionnels, à chaque génération.

Espérons qu’une autre prophétie de M. LaRouche - celle d’un sommet entre les quatre grandes puissances - se réalisera. Pour l’instant, assumant sa responsabilité en tant que membre fondateur de l’ONU, la Russie a suggéré de convoquer un sommet P5 des cinq États, membres permanents du Conseil de sécurité.

2. Deuxièmement, parlons de l’idée d’une croissance « intégrative qualitative ». Le concept d’« intégration des intégrations » a été mis en avant pour la première fois sous les auspices de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Sur le plan régional, sa mise en œuvre est en cours puisque les consultations sur l’alignement de l’Union économique eurasiatique (UEEA) et de l’Initiative une ceinture, une route sont en cours. Plus largement, notre initiative a consisté à former un grand partenariat eurasiatique impliquant tous les pays asiatiques et européens sans exception. Elle est purement pragmatique et de plus en plus pertinente. On peut s’interroger sur la faisabilité des grands projets de coopération à notre époque. Permettez-moi de rassurer les critiques et de leur rappeler la première coopération réussie de l’après-Guerre froide sur le continent eurasiatique - le triangle Russie-Inde-Chine, initiative conçue ou plutôt formulée par un homme politique et académicien exceptionnel, Evgueny Primakov. Cette alliance s’est avérée fructueuse et a été complétée ultérieurement par le Brésil et l’Afrique du Sud, qui ont contribué à former le groupe des BRICS. On suppose que l’optimisation des chaînes de valeur mondiales peut également contribuer au processus de régionalisation de l’économie mondiale.

3. Parmi les nouvelles opportunités évidentes de développement mondial, citons le développement de l’Arctique et le lancement du projet de « Route maritime du Nord ». Cette année, la Russie préside le Conseil de l’Arctique et la devise de notre présidence est « Une gestion responsable pour un Arctique durable ». Il s’agit d’une question extrêmement importante et intéressante, car le développement de l’ensemble de la région arctique et de la Route maritime du Nord en particulier revêt une importance économique considérable pour de nombreux pays de la région et au-delà. Il s’agira avant tout de créer des conditions favorables à l’amélioration du niveau de vie, à la modernisation de l’économie, de garantir l’attrait de la région pour les investissements, tout en gérant efficacement le potentiel et les ressources scientifiques et d’innovation de la région et en adoptant une attitude très attentive à l’impact que l’activité humaine peut avoir sur l’environnement de la région.

La possibilité de naviguer sur la Route maritime du Nord va devenir pratiquement permanente en raison du changement climatique et du lancement de nos nouveaux brise-glace. La Russie dispose de la plus puissante flotte de brise-glace nucléaires, indispensable sur ce trajet.

4. Les principes de développement pacifique, de coopération et de responsabilité, mentionnés ci-dessus, nous conduisent à une autre priorité pour la reprise mondiale - je veux parler de la proposition du président russe de créer des « corridors verts », libérés des guerres commerciales et des sanctions, principalement pour le transit des biens essentiels, de la nourriture, des médicaments et des équipements de protection individuelle nécessaires pour lutter contre la pandémie de COVID-19. D’une manière générale, libérer le commerce mondial de toutes barrières, interdictions, restrictions et sanctions illégitimes serait d’une grande aide pour revitaliser la croissance mondiale et réduire le chômage. La levée des sanctions est la clé de la coexistence pacifique, du développement et, comme je l’ai déjà dit, des relations stables et prévisibles. Nous avons remarqué qu’en pleine pandémie, certains pays occidentaux ont introduit des exemptions humanitaires et commencé à accroître l’aide pour la COVID-19 destinée aux pays lourdement sanctionnés. C’est un petit pas en avant, mais insuffisant. Comme le dit le Secrétaire général des Nations unies nouvellement réélu, M. Antonio Guterres, l’heure est à la solidarité, pas à l’exclusion.

5. En ce qui concerne les soins de santé, tout comme en économie, nous devons maintenant supprimer, autant que possible, les obstacles aux partenariats. S’appuyant sur l’expérience scientifique, industrielle et clinique de ses médecins, la Russie a rapidement mis au point une série de systèmes de test et de médicaments pour détecter et traiter le coronavirus ; elle a aussi enregistré le premier vaccin au monde, le Sputnik-V. Nous sommes tout à fait ouverts aux relations de partenariat et prêts à coopérer. Dans ce contexte, lors de la 75e session de l’Assemblée générale des Nations unies, notre délégation a proposé d’organiser une visioconférence de haut niveau pour les pays intéressés à coopérer au développement de vaccins anti-coronavirus. Nous sommes prêts à partager notre expérience et à poursuivre notre coopération avec tous les États et les entités internationales, notamment en fournissant à d’autres pays le vaccin russe qui s’est révélé fiable, sûr et efficace. La Russie est convaincue que toutes les capacités de l’industrie pharmaceutique mondiale doivent être utilisées afin de fournir un accès gratuit à la vaccination pour la population de tous les pays, et ceci dans un avenir proche.

6. Les questions liées à la cybersécurité et à l’utilisation des technologies numériques avancées méritent également une sérieuse réflexion. Il est important d’écouter et d’évaluer les préoccupations des gens concernant la protection de leurs droits — droit à la vie privée, à la propriété et à la sécurité — dans cette nouvelle ère. Nous devons apprendre à utiliser les nouvelles technologies au profit de l’humanité, rechercher un juste équilibre entre l’encouragement au développement de l’intelligence artificielle et les restrictions légitimes pour la limiter, et travailler ensemble à un consensus dans le domaine de la réglementation, qui permettrait d’éviter les menaces potentielles pour la sécurité militaire et technologique, mais aussi pour nos traditions, pour le droit et la morale dans la communication entre les individus.

7. Le climat et l’énergie. Nous manquons encore de solutions véritablement globales, basées sur les meilleures données scientifiques disponibles, telles que formulées dans l’Accord de Paris. L’une des questions : le dioxyde de carbone est présent dans l’atmosphère depuis des centaines d’années. Par conséquent, il ne suffit pas de parler des nouvelles quantités d’émissions. Il faut absorber le dioxyde de carbone qui s’est déjà accumulé dans l’atmosphère. Deuxièmement, nous devons absolument prendre en compte toutes les causes du réchauffement climatique. À cette fin, nous avons exhorté tous les pays intéressés à participer à des recherches conjointes, à investir dans des projets climatiques pouvant avoir un effet concret et à redoubler d’efforts pour développer des technologies à faible émission de carbone afin d’atténuer les conséquences et de s’adapter au changement climatique.

Il est encore plus irresponsable de sacrifier des problèmes urgents de développement national, voire de survie pour de nombreux pays en développement, au nom d’objectifs climatiques lointains. La Russie part du principe qu’il faut maintenir un équilibre entre la nécessité de fournir aux économies et à la population des ressources énergétiques abordables et la résolution des problèmes climatiques. L’accès à des énergies abordables et fiables sera une dominante du développement économique. Le défi consiste à rendre leur utilisation aussi efficace et durable que possible. Nous considérons l’énergie hydraulique et nucléaire comme une composante du domaine énergétique, à la fois fiable, efficace et respectueuse de l’environnement. Selon les estimations de British Petroleum et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), dans les pays développés, l’augmentation de la production d’électricité à partir de l’énergie nucléaire va ralentir, voire décliner complètement ; la principale augmentation de la production d’électricité à partir de centrales nucléaires devrait provenir des pays asiatiques en développement, principalement la Chine et l’Inde. Ces deux pays définiront naturellement la situation de l’économie mondiale au XXIe siècle. La Russie a fourni et continue à fournir une assistance à de nombreux pays du monde dans le développement de l’énergie nucléaire nationale. Les turbines et les réacteurs nucléaires russes fonctionnent avec succès dans des dizaines de pays du monde entier.

En conclusion, cet événement fait suite au premier sommet post-pandémie pour les dirigeants de la Russie et des États-Unis, qui s’est tenu le 16 juin à Genève. Tout ce que j’ai dit précédemment crée un cadre propice au développement des relations entre la Russie et l’Amérique.

De bonnes relations ou, du moins, des relations équitables, entre nous, ont toujours été une garantie de stabilité et de calme dans le monde. Nous nous réjouissons de reprendre les consultations interministérielles sur un large éventail de questions, sous l’égide du Département d’État américain et du ministère russe des Affaires étrangères, afin de coordonner les règles de conduite dans tous les domaines mentionnés dans cette présentation : stabilité stratégique, cybersécurité, Arctique, commerce et règlement des conflits régionaux. La déclaration conjointe présidentielle sur la stabilité stratégique et le dialogue sur la stabilité stratégique en seront des piliers importants.

Ce que nous devons faire, c’est écarter toutes les théories du complot, nous asseoir entre experts et commencer à travailler dans l’intérêt de nos États. Comme le dit le président Poutine, « il ne peut y avoir de confiance familiale dans cette situation, mais je pense que nous en avons vu des éclairs ». Si je puis me permettre, la logique du processus historique impose une coopération plus étroite, en dépit de nombreux stéréotypes, préjugés et mythes. L’annonce d’un futur sommet avec la Chine a également été un signal positif du côté américain.

En ce qui concerne le titre d’une des tables rondes, la « coïncidence des opposés » est une chose à laquelle nous nous livrons tous les jours, c’est le domaine de l’alchimie de la diplomatie et des contacts personnels. Nous sommes fermement convaincus que le monde post-pandémique, aussi nouveau, numérique et durable soit-il, ne pourra pas se passer d’engagements personnels, tant au plus haut niveau politique qu’avec les gens ordinaires.

Je vous remercie, chers auditeurs, et souhaite à cette table ronde un débat ouvert et constructif.

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