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28 mars 2015
L’ancien gouverneur du Maryland Martin O’Malley, qui envisage de se présenter à l’investiture présidentielle démocrate en 2016, a intensifié sa campagne en faveur de la séparation des banques. Lors d’une tournée dans l’Etat de l’Iowa, où se tient habituellement le premier scrutin d’investiture, il a fait paraître le 20 mars un article dans le Des Moines Register, sous le titre « Empêchons un nouveau krach, réformons Wall Street ».
Il note que selon une étude récente, le krach de 2008-2009 a coûté à chaque Américain 120 000 dollars en plans de sauvetage pour les grandes banques. Autrement dit, ces sommes n’ont pas été investies dans l’économie réelle. Plus loin, il écrit que « la réforme structurelle la plus sérieuse que nous puissions entreprendre est le rétablissement du Glass-Steagall Act de 1933, qui séparait les banques commerciales des banques d’affaires. Grâce à la protection offerte par Glass-Steagall, notre pays n’a pas vu de grande crise financière pendant près de 70 ans. Si cette loi n’avait pas été abrogée en 1999, le krach aurait été limité. »
En effet, le secteur financier aujourd’hui compte 15 000 milliards de dollars d’actifs, mais la moitié environ est contrôlée par seulement cinq banques. Elles sont tout simplement trop grandes, conclut O’Malley, et constituent une menace pour l’économie.
Outre le Glass-Steagall, l’ancien gouverneur propose d’autres mesures : les directeurs de banque doivent être punis en cas de pratique frauduleuse ; les responsables d’organismes de régulation et du ministère de la Justice doivent être prêts à poursuivre ceux qui commettent ou laissent commettre des crimes ; et les banques à qui on inflige une amende ne doivent pas pouvoir soustraire la somme de leurs résultats, et éviter ainsi de payer l’impôt.
L’intervention de Martin O’Malley est d’autant plus remarquée qu’il explique publiquement ce que chaque Américain sait déjà : l’économie réelle des Etats-Unis, à la différence de ce que prétendent statisticiens et médias, n’a pas entamé de reprise. Des emplois ont peut-être été créés, mais ils sont surtout mal payés, temporaires et à temps partiel. Le niveau de vie n’a pas augmenté, contrairement aux inégalités : les 1 % les plus riches possèdent autant de richesse que les 90 % les plus pauvres.
Par ailleurs, la dette des sociétés a aussi augmenté, afin d’alimenter la bulle boursière et les profits après-impôt. De 5000 milliards de dollars en 2001, la dette des sociétés financières et non financières confondues est passée à 11 000 milliards en 2009, et à 15 000 milliards à la fin de 2014. Les profits après-impôt sont passés de 500 milliards en 2001 à 1400 milliards en 2009, pour atteindre 1750 milliards en 2014. Cela fait une augmentation moyenne de quelque 9 % par an dans les deux catégories.
Or, pendant la même période, les dépenses en capital des sociétés (pour l’achat de nouveaux équipements, logiciels, etc.) n’ont augmenté que d’un peu plus de 1 % par an (passant de 925 milliards de dollars en 2001 à 1140 milliards en 2014).
David Stockman, un ancien conseiller économique du président Reagan, a récemment écrit sur son blog que les sociétés américaines ont contracté, entre début janvier et début mars 2015, 214 milliards de dollars de prêts. Sur ce total, elles ont utilisé 128 milliards pour racheter leurs propres actions, plus 21 milliards pour une seule opération de fusion. Ainsi, les trois quarts de la dette contractée ont servi à gonfler la bulle boursière, et non pas à développer l’économie.
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