« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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Visioconférence internationale 12-13 décembre

Le cadre juridique de l’annulation des dettes face à la menace du Grand Reset

2ème session

24 décembre 2020

Marc-Gabriel Draghi, économiste

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Bonsoir à toutes et à tous.

D’abord je tiens à remercier l’Institut Schiller pour son invitation.
Je me félicite de participer à cette conférence internationale à vos côtés.

Le sujet que je vous propose de traiter ce soir s’intitule « le cadre juridique de l’annulation des dettes face à la menace du Grand Reset ». Préalablement je souhaite préciser que mon développement sur ces aspects juridiques et historiques d’une annulation des dettes ne peut pleinement être compris que dans une perspective de retour à nos souverainetés monétaires respectives.

Ce postulat étant posé, je vous propose de commencer mon exposé. Ainsi comme tout le monde le constate en cette fin d’année 2020, l’endettement mondial a atteint des niveaux records et une profondeur abyssale. Contrairement à ce que disent les médias aux ordres, ce n’est pas la faute du coronavirus, qui a certes aggravé la situation, mais qui a en vérité surtout joué un rôle d’accélérateur. Cette tendance folle du creusement des dettes souveraines entrepris par les grandes Banques centrales via leur politique de quantitative easing, appelé plus vulgairement la « planche à billets », était déjà bien présente il y a plus de 10 ans lors de la crise précédente, dite des « Subprimes », en 2008.

Depuis plus d’une décennie nous sommes dans une phase de décroissance et de destruction des richesses pour l’ensemble du monde occidental. En 2008, par le principe du Too big to fail (« trop grosse pour faire faillite ») l’oligarchie financière qui nous gouverne a fait le choix de maintenir ce système vicié de l’économie de la dette et de la toute-puissance des marchés. Cette ère, inaugurée quelques décennies avant avec le régime des changes flottants de 1971 promu par le président américain Nixon et entériné par la suite par les accords de la Jamaïque de 1976, n’est en réalité que prolongé et aggravé synthétiquement par l’establishment international pour servir son projet. Nous sommes donc depuis presque un demi-siècle dans l’ère de l’argent-dette. Mais qu’est ce que cela signifie concrètement pour nous ?

En réalité la chose est simple, il s’agit d’une prise de pouvoir progressive et presque totale des marchés et des banquiers apatrides sur les systèmes politiques des nations du monde. En effet, à partir des années 70, la grande majorité des dirigeants du monde ont choisi délibérément de se soumettre aux marchés et aux grands détenteurs de capitaux. La conséquence de ces phénomènes ? Elle est devant nous : c’est l’explosion totale de la dette mondiale en cette année 2020, à des niveaux jamais vus dans l’histoire de l’humanité – et nous n’avons pas encore vu l’impact et l’intégralité des mesures austéritaires et destructrices des protections sociales et économiques dans nos pays occidentaux. Après un triste record à 332 % du Produit intérieur brut fin 2019, la dette mondiale va atteindre cette année selon l’Institut international de finance les 277 000 milliards de dollars fin 2020, soit 365 % du PIB mondial. A la fin de cette année la dette avait déjà augmenté de 15 000 milliards de dollars. Cette forte hausse est évidement liée au financement des vastes plans de relance covidiens et à la soviétisation totale, ou du moins partielle, des économies en Europe et aux Etats-Unis.

Cette dette mondiale dont le remboursement semble illusoire va néanmoins encore une fois servir nos technocrates et nos dirigeants, à l’image de Jacques Attali, Klaus Schwab ou Henry Kissinger. Cette dette va leur servir à nous imposer l’ultime étape du plan d’asservissement des peuples, à savoir la « Grande Réinitialisation », pré-nouvel ordre mondial. Ainsi par l’intermédiaire de la vraie-fausse pandémie de coronavirus, l’hyper-classe souhaite nous imposer un monde totalitaire, conjuguant à la fois la fin de la petite propriété privée, la mort des activités indépendantes – et la montée en puissance des GAFAM le confirme – la numérisation des devises notamment de l’euro sous la forme de cryptomonnaie, un euro numérique, la surveillance de masse ou encore le malthusianisme écologique par le biais du « Green New Deal ». Ainsi par l’intermédiaire de la vraie-fausse pandémie du coronavirus, l’hyper-classe souhaite nous imposer un monde totalitaire.

Comme d’habitude, la dette va jouer son rôle d’outil de servitude psychologique par l’intermédiaire de la culpabilisation des peuples, notamment via la responsabilités des débiteurs envers les créanciers et du fameux « il faudra payer l’addition ». Pourtant nous allons voir que cette exigibilité des dettes est véritablement scandaleuse. D’abord parce qu’elle part d’un postulat qui est faux. En effet, l’égalité qui est supposée entre le débiteur et les créanciers est en réalité inexistante. La dette est en cela supérieure et plus pernicieuse que l’esclavage qui avait cours dans l’Antiquité ou il y a quelques siècles. Cette dette fait croire au débiteur qu’il est à égalité au départ avec le créancier et que si celui-ci a des difficultés à honorer son engagement, c’est en raison de son manque de capacité et de sa faute en général. De plus, nos sociétés modernes font peser un poids moral important pour la personne ou le groupe de personnes qui ne parvient pas à rembourser sa dette. C’est décrit comme une faute terrible et nos médias nous expliquent toujours que les créanciers vont nous en vouloir de manière éternelle si nous faisons défaut sur nos dettes. Mais en réalité, surtout pour les dettes souveraines, il n’en est rien : c’est le système lui-même qui est vicié, pas le comportement de tel ou tel débiteur, pas le comportement de tel ou tel Etat.

En réalité les 2/3 de la dette mondiale, nous allons le voir, sont illégitimes. Et pas seulement les montagnes de dettes contractées à l’occasion de l’épidémie du COVID-19. En effet, depuis la toute-puissance des Banques centrales indépendantes que l’on peut situer pour nous Français à partir de 1815 et globalement dans l’ensemble du XIXème siècle, le système actuel qui est géré par les Banques centrales indépendantes va chercher à conquérir toujours plus de territoires et à vampiriser les richesses des nations du monde. Et nous pouvons voir que, au fil des décennies et à mesure que le XIXe siècle s’est écoulé, des critères juridiques ont été élaborés par plusieurs nations et par divers juristes internationaux – essentiellement par le monde anglo-saxon et plus particulièrement dans le monde américain. Nous allons voir que ces critères juridiques ont permis, et vont nous permettre, de démonter les arguments ou du moins la structure de pouvoir et de domination de l’establishment dont la base, le socle est la dette, et en particulier la dette souveraine. Ainsi pour nous sauver nous, peuples et nations, il est fondamental pour nous que nous répudions ces dettes d’une manière ou d’une autre, soit par une annulation via un audit et la mise en place de tribunaux spécialisés, soit par la répudiation pure et simple qui passe par un paiement de cette dette, un paiement de la valeur nominale de la dette, pas en monnaie de singe, par le phénomène de l’inflation, mais surtout, comme je l’ai dit en introduction, par la souveraineté monétaire.

Évidemment l’establishment actuel et les gens qui nous dirigent ne veulent pas entendre cette petite musique. Christine Lagarde nous explique qu’il est impensable d’annuler les dettes, même la dette COVID, c’est à dire que la directrice de la Banque centrale européenne nous explique qu’il est impensable d’annuler la dette COVID qui pourtant a résulté d’un événement exceptionnel. Et pour ce qui est du gouverneur de la Banque de France, Villeroy de Galhau, il nous explique que nous n’avons pas le droit de penser à une annulation des dettes. Moscovici, Pierre Moscovici, Commissaire européen aux finances et maintenant président de la Cour des comptes française, explique qu’une dette se rembourse toujours. Et notre cher Mario Draghi, ancien directeur de la Banque centrale européenne et ancien de Goldman Sachs, nous explique que ce sont les jeunes qui paieront la dette. Ainsi il est de la responsabilité de notre génération de ne pas rembourser cette dette, de le clamer haut et fort et d’essayer de convaincre les opinions publiques, malgré les médias de masse, que la dette ne peut pas et ne doit pas être remboursée. Ou du moins, elle doit l’être partiellement – parce qu’il y a une partie de la dette qui est quand-même légitime, notamment l’épargne des travailleurs, des gens normaux, et des gens qui font marcher les économies des pays, notamment les entreprises – il est possible de garder une partie de la dette, mais nous devons clamer que la grande majorité de la dette mondiale est illégitime et qu’elle ne sera pas remboursée et qu’elle ne doit pas servir d’instrument de domination par l’establishment.

Je vous propose d’examiner la doctrine juridique plus précisément qui a été élaborée au XIXe siècle. Donc cette doctrine juridique d’annulation des dettes repose en réalité sur 150 années de lutte des peuples libres contre la volonté d’asservissement des banquiers de la City. En effet, tout au long du XIXème siècle, la City et la Banque d’Angleterre ont cherché à sacraliser les dettes souveraines, et en 2020 il semble bien qu’elles soient en passe de voir leurs efforts couronnés de succès. Nos élites corrompues, comme nous l’avons vu, nous expliquent à longueur de journée que les dettes d’un Etat, débiteur immortel, doivent impérativement être remboursées. En réalité rien n’est plus faux. L’histoire nous enseigne le contraire. Pour citer le regretté David Graeber et son fameux ouvrage Dette, 5000 ans d’histoire, on le sait pour ceux qui s’intéressent à la question, les souverains les plus sages de l’Antiquité ont tous procédé à des annulations de dettes : d’Hammourabi à César, mais aussi après nos grands rois du Moyen-âge ou de la Renaissance et de l’époque moderne, comme Saint-Louis ou Louis XIV. D’ailleurs en France les exemples historiques de répudiation ou d’annulation de dettes sont très nombreux et le dernier épisode d’annulation de dettes sera le fait de Napoléon Bonaparte en 1808 par l’intermédiaire du décret dit « infâme ». Mais il est vrai que ces exemples français, en tout cas, ne sont pas forcément transposables à notre époque moderne où le souverain est beaucoup moins fort et « souverain » : même si n’importe qui succédait à Emmanuel Macron chez nous en France, il n’aurait peut-être pas la capacité de prendre à sa charge une annulation de dettes, en tout cas de la manière où les souverains le faisaient il y a 150 ans. Ainsi le Droit international va faire émerger au fil des décennies plusieurs jurisprudences foisonnantes qui nous viennent en particulier du monde américain, des Etats-Unis d’Amérique. En effet, ce sont les Américains, en premier, qui ont fait une Révolution pour se libérer de la tutelle financière de la Banque et du roi d’Angleterre, et ils vont donc être les plus prolixes pour réglementer les annulations de dettes.

Le premier cas symbolique est tout simplement celui du 11ème amendement qui, je cite, explique « Le pouvoir judiciaire des États-Unis ne peut mener aucun procès civil ou en équité à l’encontre de l’un des États des États-Unis intenté par un citoyen d’un autre État, ou par des citoyens ou sujets d’États étrangers. » Pour les non-initiés il est peut-être difficile de voir un lien avec la dette, mais en réalité ce texte fut la conséquence d’un refus lors des années 1830 de quatre Etats américains : le Mississippi, l’Arkansas, la Floride, le Michigan – les fameux swing States qui ont eu un rôle important et qui ont un rôle important dans la dernière élection américaine. Ces quatre Etats américains ont refusé de rembourser une dette qu’ils avaient contractée auprès de créanciers internationaux, britanniques pour la plupart, afin d’établir des banques commerciales sur leur territoire pour aider à la création de plusieurs lignes de chemin de fer. Le résultat fut catastrophique, donc dans les années 1830 toutes les banques firent faillites et les voies de chemin de fer ne furent jamais réalisées. Les Etats cités refusèrent en conséquence de payer ces emprunts et déclarèrent ces emprunts souscrits par des gouverneurs corrompus (ou en tout cas, des dirigeants corrompus) comme illégitimes. Et ce 11e amendement donna raison aux différentes décisions des cours de justice et il fut consacré par le 11ème amendement de la Constitution américaine. Ainsi l’acte unilatéral de répudiation des dettes par ces Etats américains fût couronné de succès et gravé dans le marbre dans la Constitution américaine. C’est le premier exemple que l’on a.

La meilleure expression de cette doctrine américaine de répudiation des dettes se trouve cependant dans le 14ème amendement de la Constitution, rédigé à la suite de la Guerre de sécession et de l ’action du président Abraham Lincoln. Le 14ème amendement stipule que « ni les États-Unis, ni aucun État n’assumeront ni ne payeront aucune dette ou obligation contractée pour assistance à une insurrection ou rébellion contre les États-Unis, ni aucune réclamation pour la perte ou l’émancipation d’esclaves, et toutes dettes, obligations et réclamations de cette nature seront considérées comme illégales et nulles. » C’est une consécration explicite du refus de payer une dette.

A la même époque qu’Abraham Lincoln, Benito Juárez au Mexique procédera lui aussi à plusieurs répudiations de dettes dans à peu près le même contexte politique, à savoir une ingérence étrangère et une déstabilisation du pays par des voies militaires, notamment chaperonnées par la City de Londres qui avait mandaté Napoléon III pour mettre Maximilien de Habsbourg sur le trône du Mexique afin que le Mexique honore plus facilement ses dettes. Donc vous voyez que la dette était un thème central. On peut aussi également citer le cas du Venezuela qui est très intéressant, car en refusant de rembourser les banquiers de la City – c’est toujours les mêmes – ce petit Etat du Venezuela permettra au juriste argentin Luis María Drago d’élaborer une première doctrine qui énonce un principe, qui est le suivant : « la dette publique ne peut donner lieu à une intervention armée et encore moins à l’occupation physique du sol des nations américaines par une puissance européenne. »

Le plus important, c’est de comprendre qu’une dette publique peut être déclarée comme illégitime et donc être annulée quand elle rassemble ces deux principes : l’absence de bénéfices pour la population et la complicité des créanciers, c’est à dire que les créanciers ont prêté et ils savaient qu’il y avait une absence de bénéfices de cet emprunt pour la population. Cette doctrine sera officiellement consacrée avec l’arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis, présidée par l’ancien président américain William Howard Taft qui opérera un arbitrage entre le Costa Rica et la United Fruit Company. C’est l’affaire du dictateur Tinoco qui renversa un régime élu démocratiquement au profit de cette firme, la United Fruit Company et en même temps de la Banque royale du Canada (les intérêts de la City). Cette affaire donnera lieu plus tard à une expression très connue, quand on qualifie un régime ou une république, de « république bananière ».

Tous ces points seront repris au XXe siècle dans leur ensemble par le juriste tsariste Alexander Sack, qui fut bouleversé par la révolution bolchevique de 1917 et qui chercha au maximum à protéger les créanciers, tout en acceptant ces cas cumulatifs d’annulation d’une dette. Donc sa doctrine réaffirma notamment la règle de continuité des obligations de l’État en droit international, tout en confirmant les deux points réglementaires vus précédemment et les qualifiant comme légitimes pour procéder à l’annulation des dettes. Ainsi le Droit international pose clairement des notions de limite à l’exigibilité des dettes.

Actuellement il n’est pas nécessaire de procéder à une démonstration complète pour constater que les emprunts étatiques ne servent pas les investissements productifs et la création de richesse concrète. Bien au contraire, les politiques des Banques centrales indépendantes (la Réserve fédérale, la Banque centrale européenne, la Banque d’Angleterre ou la Bank of Japan) ne visent qu’à soutenir les marchés dans leur course aux profits infinis. Le non-effondrement des marchés en 2020 et le record de valorisations boursières que l’on constate avec le dépassement des 100 000 milliards de dollars réalisé il y a quelques jours, ne servent qu’à enrichir l’hyper-classe, en attendant que le château de cartes ne s’effondre sous leur contrôle et dans leurs intérêts.

Ainsi, pour sortir de ce système, il nous faudra dans nos pays respectifs procéder obligatoirement à un audit, qui sera nécessaire pour d’abord connaître l’identité de nos créanciers et dans quelles conditions et dans quels objectifs nous avons souscrit ces emprunts. Nous ne devons pas oublier la souffrance de nos frères grecs qui, après avoir été saignés par la Troïka, ont vu leurs services publics détruits, leurs biens nationaux bradés et leur taux de mortalité exploser en seulement quelques mois, après les consignes et les « remèdes » formulés par la Troïka. Les Grecs sont en train de mourir parce qu’ils continuent à payer leur dette ! Nous ne parlerons même pas de l’Afrique et du continent sud-américain, qui subissent cet état de fait depuis des décennies et qui servent de laboratoires à l’hyper-classe.

Enfin, je souhaite conclure mon propos un peu long en paraphrasant le célèbre leader burkinabé Thomas Sankara, ayant lutté lui-aussi contre la dette du Tiers-monde imposée dans les années 1980 (notamment par les plans d’ajustement structurel du FMI) : « Si nous ne payons pas cette dette, nos créanciers ne mourront pas. Par contre si nous continuons à obéir et à tout faire pour la payer, nous, nous mourrons ! »

D’ailleurs, derrière le Grand Reset se joue véritablement notre survie. Dans les semaines et mois qui viennent, si les peuples ne prennent pas conscience que la dette est le problème fondamental qui nous est posé, nous sommes définitivement condamnés. Car ne nous trompons pas : les défauts, les faillites, les chômeurs et les vagues de suicides arrivent cette fois de manière certaine et pour surmonter tout cela, il est fort probable que l’on nous oblige à nous vendre – dans tous les sens du terme. Il revient donc à notre génération de briser ces chaînes de l’usure et de la dette. Notre liberté en dépend. Je vous remercie pour votre attention et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

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