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Le Forum sino-africain de Pékin va-t’il amener une prise de conscience en France ?

Interview exclusive de notre représentant au Quotidien du Peuple

30 août 2018

A la veille du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) qui va se tenir les 3 et 4 septembre à Pékin, le Quotidien du Peuple a sollicité notre représentant, Sébastien Périmony, sur ce qu’il pense des perspectives offertes par cet événement et note qu’il est optimiste, tant sur le sommet lui-même que sur la collaboration tripartite sino-franco-africaine qui peut en sortir renforcée.

Interview à retrouver sur le site internet du Quotidien du peuple (en mandarin), à l’adresse suivante :
http://world.people.com.cn/n1/2018/0824/c1002-30248646.html

Paris, le 23 août 2018, par Ge Wenbo

Question : Que pensez-vous de la coopération sino-africaine de ces dernières années ainsi que de la situation de la connexion de l’initiative « Une ceinture, une route » avec les pays africains ? Les deux parties en ont-elles profité ?

S. Périmony  : La Chine a connu une grande réussite en ce qui concerne les projets de construction en Afrique. L’initiative chinoise « Une ceinture une route » est en train de connecter le monde entier avec beaucoup de rêves dans l’histoire humaine. Particulièrement, cette initiative a beaucoup de points communs avec des conceptions proposées par des économistes et des homme politiques qui veulent que l’Afrique joue un rôle plus important, c’est-à-dire que la Chine réalise leur rêve ; c’est d’une part parce que la Chine elle-même est devenue puissante, au point de pouvoir fournir des produits et services pour l’Afrique et le monde entier, et d’autre part, cette initiative s’accorde avec le consensus général en faveur du développement pacifique mondial et la tendance de notre époque.

L’Initiative chinoise « Une Ceinture une Route » est établie sur une base d’égalité et de bénéfice mutuel, c’est la raison pour laquelle elle est largement la bienvenue en Afrique. Du côté de la Chine, celle-ci aide le développement économique de l’Afrique, elle améliore l’environnement commercial, ce n’est pas parce que la Chine est un Père Noël, c’est parce qu’en fait, en Afrique, il y a énormément d’intérêts chinois. Du côté de l’Afrique, plus de 3000 entreprises chinoises qui s’y sont installées ont créé plus de trois millions d’emplois locaux ; ce faisant, l’Afrique a acquis des infrastructures et la mobilité de sa main d’œuvre etc, c’est ce qu’a fait la Chine pour elle-même dans les quarante dernières années de réforme et d’ouverture avec une croissance moyenne annuelle de 9%.

Simultanément, elle continue de satisfaire et renforcer les conditions matérielles de son développement. Pendant de nombreuses années, l’Afrique a stagné, par contre, pendant ces 15 dernières années, l’investissement et le travail de la Chine en Afrique a progressivement changé la situation et a stimulé l’économie africaine.

Q : Qu’attendez-vous du sommet à venir qui aura lieu à Pékin sur la coopération sino-africaine ?

S. P. : Considérant ce qui s’est passé dans les derniers mois précédant ce sommet, j’attends beaucoup de celui-ci. En mai de cette année, le Burkina Faso, de l’Afrique de l’Ouest, a rétabli les relations diplomatiques avec la Chine. D’une part, c’est une reconnaissance de la Chine ; d’autre part, c’est grâce à l’attrait économique important de l’initiative Une Ceinture Une Route. Le mois dernier, le Président Xi s’est rendu dans des pays africains, l’Afrique du Sud, le Sénégal, le Rwanda, et d’autres. Ses visites ont montré sa volonté constante par rapport aux idées et à la politique du développement commun sino-africain. De plus, le sommet des BRICS qui a eu lieu le mois dernier a prouvé que l’Afrique du Sud et l’Afrique que cette dernière représente, commencent à jouer un rôle de plus en plus important sur la scène économique mondiale et dans l’histoire économique mondiale ; pour ce sujet, le soutien de la Chine est indispensable.

Après tous ces préludes, nous allons finalement entrer dans l’apogée de ce mouvement – le sommet sino-africain de Pékin. Les chefs d’Etat et de gouvernements chinois et africains et des experts de haut niveau vont se réunir à Beijing pour apporter leurs idées pour la coopération sino-africaine. A mon avis, ce sommet va être très fructueux, ainsi, il aura sûrement deux effets positifs : premièrement, on pourra renforcer la force et la complicité de la coopération sino-africaine ; la planification des projets, les investissements et la connexion seront à long terme et vont continuer à croître. Ceux-ci vont aider à éliminer des phénomènes comme la pauvreté, la faim, la corruption, les conflits raciaux, dans une partie des pays africains, phénomènes qui sont liés à des problèmes historiques qui sévissent encore aujourd’hui ; cette coopération sino-africaine aidera le développement économique et la stabilité politique africaine. – deuxièmement le champ de coopération de l’initiative Une Ceinture Une Route avec l’Afrique sera de plus en plus vaste ; le mécanisme de la collaboration sera de plus en plus complet ; des projets de haut niveau et sur le long terme seront de plus en plus favorisés.

L’Initiative une Ceinture une Route aidera l’Afrique à réaliser son rêve de s’équiper en énergie nucléaire pour l’électricité, fournira une stimulation plus innovante et plus puissante pour la coopération sino-africaine à long terme.

Q : Que pensez-vous de la coopération tripartite sino-franco-africaine ? Y a –t-il une nécessité et des conditions pour accroître cette coopération ?

S. P. : Il y a plusieurs raisons qui encouragent la Chine, la France, et l’Afrique à lancer cette coopération tripartite de manière positive.

La politique de contrôle économique lancée par la France vis-à-vis de l’Afrique est entrée dans une impasse. La pauvreté mène toujours à des révolutions. Le mécanisme de contrôle par la France des économies africaines le plus efficace est de contrôler le Franc CFA. La gestion française contrôle fermement la Banque centrale nationale de l’Afrique de l’Ouest ainsi que la Banque nationale de l’Afrique centrale, décide de la direction des flux monétaires, limite les budgets, 180 millions d’Africains de 14 pays ont perdu leur autonomie monétaire. Le contrôle français rend la monnaie faible, l’Afrique francophone importe plus qu’elle n’exporte, ceci mécontente déjà plusieurs pays africains, de plus en plus de gens sont contre cette « monnaie coloniale ».

Néanmoins, le contrôle économique ne pourra pas diminuer la tendance de la chute de l’importance de l’économie française en Afrique ; par exemple au Sénégal, selon un rapport de l’ambassade de France dans ce pays, sur une enquête qui a été effectuée en 2016, la proportion de l’économie française dans l’économie sénégalaise est passée de 24,3% en 2002 à 15,9% en 2016. La raison du recul français au Sénégal et même en Afrique est que ces politiques en Afrique n’ont pas été efficaces ces dernières années, qu’elles ont manqué d’une vision globale, de planification, et du capital nécessaire ; la coopération manque de détails concrets, elle est difficile à réaliser, la raison fondamentale est le manque d’une volonté politique positive, qui s’est contentée de maintenir son influence. Actuellement, l’Afrique n’est pas la priorité de la France. Après son arrivée au pouvoir, le Président Macron a visité l’Afrique, mais il n’a prononcé que des paroles creuses, pleines d’une logique politique dépassée. Les pays africains se sont rendu compte que ces politiques-là n’ont pas fonctionné, ne fonctionnent pas aujourd’hui, et ne fonctionneront jamais dans le futur. La France a besoin d’une nouvelle solution en Afrique.

D’autre part, la coopération sino-africaine « prospère », elle connaît un effet de contagion. Contrairement à la France, la grande initiative « Une Ceinture Une Route » proposée par le Président Xi, non seulement fournit des technologies et le capital, elle montre aussi une volonté forte de développement commun. Les Chinois se focalisent sur la construction des infrastructures. Ceci a créé une base solide pour le développement économique africain, et a un effet de contagion. Reprenons l’exemple du Sénégal : la proportion de la participation économique chinoise dans l’économie sénégalaise est passée de 2,7% en 2003 à 10,3% en 2016. La Chine est devenue le plus grand investisseur étranger direct au Sénégal. La coopération sino-sénégalaise rend le marché sénégalais de nouveau plus dynamique ; elle a aussi incité les capitaux français à revenir au Sénégal, et a rapproché la France et ce pays. Des entreprises françaises ont aussi bénéficié des capitaux et des politiques de l’initiative « Une ceinture une route » via des co-entreprises. Ceci a souvent lieu en Afrique francophone.

La Chine et la France peuvent tout à fait lancer des coopérations en Afrique ; nous avons des intérêts communs, nous pouvons aussi, chacun, jouer notre rôle. Dans le futur, la Chine et la France pourront conserver les avantages de leur coopération dans des domaines comme celui de l’énergie nucléaire en Afrique ; à un niveau stratégique plus large, elles pourront aussi renforcer la connexion entre elles, par exemple dans le cadre du G20. Mais il faut faire attention au fait que les situations des pays africains sont toutes différentes, et donc, qu’on ne peut pas les aborder chacune de la même manière, on ne peut pas faire des promesses générales sans les réaliser, on doit écouter les besoins de chaque pays. Toutefois, la Chine et la France jouent chacune un rôle différent en Afrique, elles ne pourront pas se remplacer mutuellement, la tolérance de l’Initiative Une Ceinture Une Route laisse un espace suffisant pour la coopération tripartite sino-franco-africaine. Je crois que la Chine et la France pourront jouer respectivement leur rôle positif et particulier pendant la coopération, pour aider l’Afrique à trouver son propre modèle de développement.

En Afrique, faisant face à la Chine, soit la France accepte le nouveau modèle, elle renforce sa connexion avec l’Initiative « Une Ceinture Une Route », dans un cadre bilatéral, ou bien multilatéral ; soit elle continue à reculer en économie et en politique. La meilleure option est évidente. Je pense que Macron s’est rendu compte que la France est déjà dans une impasse en Afrique, et nous sommes à une croisée des chemins pour changer la politique française en Afrique. Je pense que les commentaires positifs émis par le nouveau gouvernement et le Sénat concernant cette Initiative Une Ceinture Une Route sont des signes positifs en faveur de la connexion. Par contre, nos partenaires italiens ont affirmé l’importance de cette initiative pour résoudre les problèmes du développement africain, de la pauvreté sur ce continent, et de l’immigration en Italie. Récemment, les Italiens ont établi un groupe qui s’appelle « Task Force Cina », dont les hauts fonctionnaires n’ont pas visité en premier Paris, Berlin, ou Bruxelles, mais Beijing ; ils ont remporté l’avantage. La question est posée aux Français, nous devons décider le plus vite possible

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