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Lavrov avertit : l’automne arabe risque d’être suivi d’un hiver nucléaire

4 octobre 2012

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a évoqué le 25 septembre, lors d’une interview à la télévision américaine avec Charlie Rose, la possibilité que les événements au Moyen-Orient, en particulier les menaces de guerre contre la Syrie et l’Iran, débouchent sur une guerre nucléaire. Recourant à une métaphore, il a parlé des violences dans tout le Proche-Orient et en Afrique du Nord comme d’un « automne arabe », dont il espérait qu’il ne serait pas suivi d’un « hiver nucléaire », faisant allusion à l’effet qu’aurait une guerre thermonucléaire sur le climat terrestre.

Avant cette remarque, Charlie Rose l’avait délibérément pris à partie sur le refus des autorités russes de participer à l’effort pour renverser le Président syrien Bachar el-Assad par une intervention militaire extérieure, comme ce fut le cas en 2011 en Libye.

Le lendemain, lors de son discours devant l’Assemblée générale de l’ONU, Lavrov a repris ses avertissements contre une intervention militaire extérieure contre la Syrie ou l’Iran, qualifiant en particulier la doctrine de la « responsabilité de protéger » de menace directe à l’ordre mondial. Au cours des dernières semaines, lui et le président Vladimir Poutine ont souligné que toute escalade dans la région aurait des conséquences incalculables. Le chef de l’état-major des armées russes, le général Makarov, et le Premier ministre Medvedev ont également insisté sur le risque de guerre nucléaire.

Ces dangers ont aussi été compris par certains aux Etats-Unis. Le 28 septembre, le magazine Foreign Policy a publié un long article de l’historien Mark Perry, dévoilant les projets israéliens de raid effectué en commando, comme celui sur Entebbe en 1976, contre l’installation d’enrichissement d’uranium de Fordow, en Iran. Perry disposait de renseignements détaillés provenant d’études récentes du Commandement central de l’Armée américaine sur la manière dont Israël pourrait mener une attaque contre le programme nucléaire iranien.

Le général Martin Dempsey, chef de l’état-major américain, a mis en garde Israël à maintes reprises contre toute action militaire unilatérale visant la République islamique, faisant valoir qu’elle n’infligerait que des dégâts minimes, mais inciterait Téhéran à poursuivre un programme d’armement nucléaire, ce qui n’est pas le cas actuellement. Elle pourrait aussi déclencher des représailles asymétriques visant les forces militaires américaines dans le golfe Persique et en Afghanistan, et déboucher en fin de compte sur une guerre générale opposant les Etats-Unis à la Russie et la Chine.

Par ailleurs, un article paru dans le New York Times du 28 septembre cite l’ancien directeur de la CIA, le général Michael Hayden, qui estime de son côté qu’une attaque israélienne sur l’Iran aurait pour effet de renforcer la détermination des Iraniens à se doter de l’arme nucléaire. L’article porte le titre provocateur, « Comment aider l’Iran à obtenir la bombe ».

Toutes ces interventions reflètent la crainte grandissante parmi les experts de la sécurité nationale que le Premier ministre Netanyahou soit effectivement capable d’ordonner à tout moment un raid contre l’Iran, alors que le président Obama s’est abstenu jusqu’à présent d’adresser au gouvernement israélien une mise en garde solennelle susceptible de le dissuader de prendre des actions militaires unilatérales aux conséquences imprévisibles.

Dans son propre discours du 28 septembre devant l’Assemblée générale de l’ONU, brandissant un schéma primitif d’une bombe nucléaire prête à exploser, Netanyahou y a tracé la « ligne rouge » à partir de laquelle Israël attaquerait. Cette sortie a amené un journaliste israélien bien connu, Sefi Rachlevsky, à noter qu’ayant ainsi la main sur la gâchette, Netanyahou n’est mentalement plus en état d’exercer les fonctions de Premier ministre.

Il en est de même pour le président Obama, qui avait lui-même déclaré sur un ton impérial quelques jours auparavant, devant la même Assemblée générale : « Ne vous méprenez pas : un Iran doté de l’arme nucléaire n’est pas un défi qu’on pourra contenir. » Et pourquoi pas, se demandent de nombreux observateurs, rappelant que la dissuasion nucléaire a bien marché jusqu’à présent. Simplement parce que cela va à l’encontre des intérêts de l’empire britannique ?

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