« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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Visio-conférence internationale 25-26 avril 2020
Session 3
3 mai 2020
discours de John Sigerson, directeur musical du Schiller Institute, co-auteur du manuel « A Rudiments of Tuning and Registration » sur le tempérament musical
.
En réfléchissant à cette année Beethoven et à la manière de saisir cette opportunité, je me suis souvenu d’une discussion que j’avais eue en 1972 ou 1973, peu après avoir rejoint Lyndon LaRouche suite à une série de cours qu’il avait donnés sur deux sujets qui me tenaient à cœur : la musique et l’économie. Il était en effet le seul à répondre à mon obsession pour le progrès économique, en particulier pour l’Afrique. Mais comme le martelaient mes professeurs d’université, musique et économie étaient deux matières bien distinctes, sans aucun rapport entre elles.
Je discutais alors de composition musicale avec un étudiant de l’Université de Columbia, que j’essayais de gagner à l’idée que le monde serait meilleur si les compositeurs relevaient le défi que Beethoven avait lancé dans ses dernières œuvres, en particulier ses derniers quatuors à cordes. « Es-tu capable de composer des œuvres comme le faisait Beethoven ?, lui ai-je lancé. « — Ouais, bien sûr, je le pourrais, pas de problème ! » me répondit-il, un peu fanfaron. « Eh bien alors, ai-je insisté, pourquoi ne le fais-tu pas ? » À quoi il me répondit en toute simplicité : « Parce que je n’ai pas choisi de le faire », avant de tourner les talons.
Et cela reste le problème aujourd’hui.
Ce défi, non seulement de transmettre les idées de Beethoven à travers une interprétation honnête, mais de chercher à le dépasser, hante la civilisation humaine depuis la mort du compositeur en mars 1827. Un très petit nombre de musiciens, tels que Schumann et Brahms, ont accepté le défi, alors que tant d’autres, comme Wagner et les romantiques, Stravinski et les modernistes, sans parler des pourvoyeurs de divertissement de masse, ont « choisi de ne pas le faire ».
Comment pouvons-nous relever ce défi aujourd’hui ? Certes, l’étude, le chant et le jeu de grandes œuvres classiques sont essentiels à notre survie. Pourtant, nous ne devons pas tomber dans le piège où tombent tant d’artistes, qui croient que la maîtrise du style de la musique classique rend justice au compositeur ou à nous-mêmes. La grande musique classique n’a jamais été une question de style, mais plutôt un désir inextinguible de transmettre des idées universelles platoniciennes, des principes universels, concernant la vraie nature de l’Homme, ce qui le distingue de toutes les autres créatures connues jusqu’ici, au cours de notre voyage à travers l’espace-temps universel.
Lyndon LaRouche nous a jeté une bouée de sauvetage pour relever ce défi, lorsqu’il qualifia le Lied classique, la poésie classique chantée, de « pierre de Rosette » de l’art. Chanter la poésie est une source intarissable d’inspiration pour l’esprit qui compose. Toute la grande poésie classique, des hymnes védiques à Homère, Dante, Shakespeare, Schiller, Shelley et Poe, est de la poésie chantée, et inversement, toute grande musique, qu’elle soit interprétée par des chanteurs, des instruments ou une combinaison des deux, doit être chantée - et chantée avec beauté et grâce - si elle veut avoir l’effet voulu pour élever et transformer aussi bien les artistes que l’auditoire.
La poésie, comme la musique, n’est jamais une question de style, mais une question d’intention. En particulier dans des temps troublés, les compositeurs reprirent les chansons et les poèmes de bardes inconnus du peuple, les soi-disant chansons folkloriques, comme moyen d’enrichir et d’anoblir la culture populaire, en élevant ces chansons parlant de vie et d’amour au plus haut niveau moral et de perfection artistique. L’élévation du Negro Spiritual [la poésie chantée des Afro-américains, qui remonte au temps où ils étaient esclaves, à ne pas confondre avec le Gospel, où prime la recherche de l’extase religieuse. NDT], comme discuté par mes collègues ici, est un exemple unique et précieux au sein de la culture américaine. De même, au cours du XIXe siècle, les chansons folkloriques de nombreuses cultures européennes ont été portées à un haut niveau de perfection par Beethoven lui-même, et en particulier par Johannes Brahms et Antonín Dvořák. En Chine, où il y a un vaste trésor de chansons populaires, je crois que les compositeurs doivent encore accomplir cela pour atteindre le niveau, par exemple, d’un Brahms, mais je suis convaincu que si la Chine n’est pas anéantie dans un conflit nucléaire si désespérément recherché par les dinosaures du vieux paradigme, ils ne tarderont pas à y arriver.
Et pourtant, dans notre culture occidentale d’aujourd’hui, la résonance qu’ont pu avoir ces chansons sur la vie et l’amour s’est perdue dans le grand public, sous les assauts d’une culture « pop » brutale, bestiale, rigide, largement axée sur le sexe, à tel point que si vous demandez à un jeune Américain s’il peut fredonner une petite mélodie folklorique qu’il a chantée pendant son enfance, il est fort probable qu’il restera silencieux, vous regardant avec perplexité.
Alors, la vraie composition classique, à l’image de Bach, Beethoven et Brahms, peut-elle être ravivée face à cette brutalisation de la culture de notre peuple, où les résonances de l’histoire ont été supplantées par la quête futile de l’« ici et maintenant » ? Je le crois, mais seulement si les poètes et les compositeurs acceptent de se soumettre à une lutte, non seulement pour créer de belles mélodies ou des juxtapositions musicales intelligentes, mais pour façonner délibérément l’effet physique voulu de leurs propres créations.
Je vais maintenant illustrer ce que je veux dire par là, avec l’exemple de deux bons musiciens, Max Planck et Albert Einstein.
Mais qu’est-ce que j’entends par « physique » ? Eh bien, je l’emploie dans le même sens que Lyndon LaRouche lorsqu’il parle d’économie physique. Quiconque connaît les discussions et les écrits de LaRouche se rend compte que par « physique », il ne se réfère pas aux choses, qu’il s’agisse de pièces d’équipement ou d’usines, ni aux êtres humains, mais plutôt à des principes physiques universels validés que l’homme peut découvrir, au travers d’actes créatifs pour le bien de l’existence future de l’humanité et accroître le bonheur de l’univers lui-même.
Les musiciens Planck et Einstein, bien sûr, étaient également des théoriciens de la physique particulièrement doués. Fruit de leur lutte, ils découvrirent la nature quantique de l’énergie électromagnétique - une découverte qui conduisit directement à notre maîtrise encore très partielle de l’énergie nucléaire. Et pardonnez-moi si je passe de nombreux détails techniques, aussi cruciaux soient-ils.
Max Planck a grandi en Allemagne au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Lorsqu’il annonça à ses amis qu’il voulait devenir physicien plutôt que pianiste et compositeur, certains de ses proches lui ont dit qu’il perdait son temps, car toutes les lois fondamentales de la matière discrète, d’un côté, et de l’énergie électromagnétique parfaitement continue, de l’autre, avaient déjà été découvertes.
Néanmoins, un problème qui continuait à déconcerter les physiciens était le soi-disant problème du « corps noir » [un objet qui absorbe toute la lumière électromagnétique, quelle que soit sa longueur d’onde. NDT]. Le défi était de déterminer la distribution de la puissance et des fréquences des substances, en particulier des métaux, qui, lorsqu’ils deviennent plus chauds, émettent de la lumière à différentes fréquences, d’abord dans les fréquences rouges inférieures, comme on le voit quand un morceau de métal commence à luire en devenant rouge, puis, à mesure que la température augmente, tend vers le blanc.
Les scientifiques de l’époque mirent alors au point un appareil pour vérifier cela avec une grande précision. Le problème pratique était que personne n’avait pu élaborer une formule de répartition des fréquences. C’était devenu une priorité pour la production industrielle, car la fabrication d’ampoules électriques fiables nécessitait un tel calcul, et en effet, la firme électrique Siemens a financé une institution entière à Berlin, chargée de résoudre ce problème.
Après en avoir vu beaucoup d’autres échouer, Planck décida de reprendre le problème et parvint à élaborer une équation mathématique qui semblait tenir compte de la distribution exacte de l’énergie. Cependant, et c’est la caractéristique cruciale de son intégrité, il n’était pas satisfait de sa propre équation, refusant même de la présenter à ses collègues, car il n’avait pas encore pris la mesure de sa signification physique. Qu’est-ce qui faisait qu’elle fonctionnait de cette façon et pas autrement ? se demandait-il. Ainsi, il fut confronté au même type de défi que Johannes Kepler, lorsqu’il étudiait les épicycles planétaires de Ptolémée, rajoutés aux orbites circulaires théorisées par Copernic et Tycho Brahe, et en vint à la conclusion que, si précis que puissent paraître leurs modèles, ils ne pouvaient pas être valides, car ils décrivaient simplement un phénomène naturel sans chercher à en découvrir la cause physique.
Planck s’embarqua dans une entreprise qui finit par remettre en question ses propres certitudes axiomatiques en l’existence d’un continuum parfait dans la nature. Car comment la lumière, par exemple, pourrait-elle être autre chose qu’une onde continue ? Comment la création de Dieu pourrait-elle être simplement la somme d’une myriade de petites parties ? En cela, Planck était constamment en désaccord avec des réductionnistes tels que Ludwig Boltzmann et Ernst Mach, qui soutenaient que les scientifiques devraient abandonner tout effort pour réellement comprendre la causalité de phénomènes complexes tels que le comportement des gaz, et se contenter de calculer une simple probabilité statistique pour comprendre qu’un phénomène donné se présente de cette façon et pas d’une autre.
Après avoir essayé toutes sortes d’expériences sur le corps noir, sans pouvoir en identifier la cause physique, Planck, dans ce qu’il décrivit lui-même comme « un acte de désespoir », émit l’hypothèse d’un modèle impliquant l’interaction de la lumière avec une myriade de petits ressorts rebondissant à l’intérieur du corps noir, émettant à leur tour de la lumière à des fréquences qui étaient toutes des incréments entiers d’une valeur constante extrêmement minuscule - ce qui plus tard devint connu comme le quantum d’action de Planck. Planck avait découvert une véritable cause physique, au prix de l’abandon de son axiome le plus cher !
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Planck avait saisi un nouveau principe, mais de manière incomplète. S’accrochant à sa conviction que la lumière elle-même était continue, il pensait que seule l’interaction de la lumière avec les minuscules récepteurs du corps noir était à l’origine de son effet quantique. Son article annonçant sa découverte tomba alors entre les mains d’un jeune fonctionnaire de l’Office des brevets de Berne, en Suisse, nommé Albert Einstein, qui s’exclama : « Attendez un peu ! Et si la lumière elle-même était quantique ? Et si la nature ondulatoire de la lumière se conciliait in fine avec sa nature quantique, grâce à un ‘principe supérieur’ ? »
Comme on dit, le reste appartient à l’histoire. Et depuis, jusqu’au jour de sa mort, Einstein n’abandonna jamais sa quête de ce principe supérieur, résistant à tous les efforts des disciples d’Ernst Mach, tels que Werner Heisenberg, pour réduire la physique quantique à un jeu statistique qui « semble fonctionner », mais qui ne choisit pas d’enquêter sur les causes. Face à ses confrères, Einstein dément : « Dieu ne joue pas aux dés. »
Mais revenons à la musique et à la poésie. Je voudrais citer un autre bon musicien, à savoir Lyndon LaRouche. En janvier 1993, avec ma femme Renée et Mindy Pechenuk, nous avons rendu visite à Lyndon dans sa prison de Rochester, au Minnesota, durant quelques d’heures où nous avons discuté de quantité de questions musicales, dans l’environnement parfois bruyant du parloir. À partir de l’enregistrement de cette conversation, que nous prévoyons de publier un jour, permettez-moi de vous lire ce qui suit, pour vous donner un aperçu des réflexions de LaRouche :
« Les équivalences de la musique ne sont pas ordinales, elles ne sont pas quantitatives - elles ne sont pas qualitatives, par exemple. Elles existent sous forme d’Analysis situs [une forme de topologie conçue par Leibniz, permettant de décrire les phénomènes dans l’espace-temps qui leur est propre plutôt que par des unités de grandeur abstraites. NDT]. « La clef de tout cela, c’est d’abord que le domaine musical est un champ quantique. Les notes existent, et l’espace est keplérien. Les notes existent à certains endroits, il y a certaines harmoniques qui existent, elles sont ordonnées. Peu importe les notes que vous jouez, la suivante sera là. Vous pouvez modifier votre séquence autant que vous voudrez, mais la suivante sera là. Tout est prédéterminé pour vous, et ce n’est pas modifiable. Une approximation de la note, uniquement dans la mesure où vous trichez, est la note. La note chantée ou jouée n’est pas la note. C’est la meilleure approximation de la note. Le ton est absolu, et l’interprète ne fait que s’approcher de cela. Et s’il ne s’en rapproche pas assez bien, nous sommes mécontents, nous sommes déconcertés. C’est l’Analysis situs. « Premièrement, l’essentiel est la ‘note’. Ensuite, vient l’organisation des tonalités [registration en anglais. NDT]. Cette organisation se décline en de nombreuses variétés. Elle se présente sous des aspects de couleurs instrumentales de toutes sortes, ou le terme générique de couleur est parfois utilisé. Vous avez plusieurs types de couleurs. Vous pouvez créer des instruments ; ils ont des couleurs qui ne sont pas forcément ceux de la voix humaine, mais ils deviennent une dimensionnalité de la couleur. Et c’est précis, c’est déterminé. Vous faites une corde de telle ou telle matière.... Vous avez une couleur. Vous pouvez la modifier, mais elle est là ; ça va vous hanter. Et vous ne vous en sortirez pas. Vous devez passer à une autre corde pour accéder à une autre partie de votre couleur. »
« Les équivalences de la musique ne sont pas ordinales, elles ne sont pas quantitatives - elles ne sont pas qualitatives, par exemple. Elles existent sous forme d’Analysis situs [une forme de topologie conçue par Leibniz, permettant de décrire les phénomènes dans l’espace-temps qui leur est propre plutôt que par des unités de grandeur abstraites. NDT].
« La clef de tout cela, c’est d’abord que le domaine musical est un champ quantique. Les notes existent, et l’espace est keplérien. Les notes existent à certains endroits, il y a certaines harmoniques qui existent, elles sont ordonnées. Peu importe les notes que vous jouez, la suivante sera là. Vous pouvez modifier votre séquence autant que vous voudrez, mais la suivante sera là. Tout est prédéterminé pour vous, et ce n’est pas modifiable. Une approximation de la note, uniquement dans la mesure où vous trichez, est la note. La note chantée ou jouée n’est pas la note. C’est la meilleure approximation de la note. Le ton est absolu, et l’interprète ne fait que s’approcher de cela. Et s’il ne s’en rapproche pas assez bien, nous sommes mécontents, nous sommes déconcertés. C’est l’Analysis situs.
« Premièrement, l’essentiel est la ‘note’. Ensuite, vient l’organisation des tonalités [registration en anglais. NDT]. Cette organisation se décline en de nombreuses variétés. Elle se présente sous des aspects de couleurs instrumentales de toutes sortes, ou le terme générique de couleur est parfois utilisé. Vous avez plusieurs types de couleurs. Vous pouvez créer des instruments ; ils ont des couleurs qui ne sont pas forcément ceux de la voix humaine, mais ils deviennent une dimensionnalité de la couleur. Et c’est précis, c’est déterminé. Vous faites une corde de telle ou telle matière.... Vous avez une couleur. Vous pouvez la modifier, mais elle est là ; ça va vous hanter. Et vous ne vous en sortirez pas. Vous devez passer à une autre corde pour accéder à une autre partie de votre couleur. »
Maintenant, j’espère que vous aurez la patience de me suivre parce que je vais vous citer ce passage de l’introduction d’Einstein au livre de Planck de 1932, Où va la science ? :
« La tâche suprême du physicien est la découverte des lois élémentaires les plus générales dont l’image du monde peut être déduite logiquement. Mais il n’y a aucun moyen logique de découvrir ces lois élémentaires. Il n’y a que la voie de l’intuition, qui est aidée par un sentiment de l’ordre qui se cache derrière l’apparence, et cette Einfühlung se développe par l’expérience. »
[Einfühlung signifie à peu près « empathie », ce qui se trouve également être la meilleure approximation anglaise donnée par Helga Zepp-LaRouche au terme de Schiller Empfindung.]
Einstein continue :
« Avec chaque avancée importante, le physicien constate que les lois fondamentales sont de plus en plus simplifiées à mesure que la recherche expérimentale progresse. Il est étonné de constater à quel point un ordre sublime émerge de ce qui semblait être le chaos. Et cela ne peut pas être retracé au fonctionnement de son propre esprit, mais est dû à une qualité inhérente au monde de la perception. Leibniz a bien exprimé cette qualité en la qualifiant d’harmonie préétablie. « Les physiciens reprochent parfois aux philosophes qui s’occupent des théories de la connaissance, de ne pas apprécier pleinement ce fait. Et je pense que c’était à la base de la controverse qui opposa il y a quelques années Ernst Mach et Max Planck. Planck estima probablement que Mach n’appréciait pas pleinement le désir du physicien de percevoir cette harmonie préétablie. Ce désir a été la source inépuisable de cette patience et de cette persévérance avec lesquelles nous avons vu Planck se consacrer aux questions les plus ordinaires soulevées en relation avec la science physique, alors qu’il aurait pu être tenté par d’autres voies conduisant à des résultats plus attrayants. « J’ai souvent entendu dire que ses collègues avaient l’habitude d’attribuer cette attitude à ses extraordinaires dons personnels d’énergie et de discipline. Je crois qu’ils ont tort. L’état d’esprit qui crée ici la force motrice ressemble à celui du fidèle ou de l’amoureux. L’effort soutenu pendant une longue période n’est inspiré par aucun plan ni objectif définis. Son inspiration provient d’une faim de l’âme. « Je suis sûr que Max Planck se moquerait de ma façon enfantine de tâtonner avec la lanterne de Diogène. Bien ! Pourquoi devrais-je parler de sa grandeur ? Il n’a besoin d’aucune confirmation dérisoire de ma part. Son travail a donné l’une des impulsions les plus puissantes au progrès de la science. Ses idées seront efficaces tant que dureront les sciences physiques. »
« Avec chaque avancée importante, le physicien constate que les lois fondamentales sont de plus en plus simplifiées à mesure que la recherche expérimentale progresse. Il est étonné de constater à quel point un ordre sublime émerge de ce qui semblait être le chaos. Et cela ne peut pas être retracé au fonctionnement de son propre esprit, mais est dû à une qualité inhérente au monde de la perception. Leibniz a bien exprimé cette qualité en la qualifiant d’harmonie préétablie.
« Les physiciens reprochent parfois aux philosophes qui s’occupent des théories de la connaissance, de ne pas apprécier pleinement ce fait. Et je pense que c’était à la base de la controverse qui opposa il y a quelques années Ernst Mach et Max Planck. Planck estima probablement que Mach n’appréciait pas pleinement le désir du physicien de percevoir cette harmonie préétablie. Ce désir a été la source inépuisable de cette patience et de cette persévérance avec lesquelles nous avons vu Planck se consacrer aux questions les plus ordinaires soulevées en relation avec la science physique, alors qu’il aurait pu être tenté par d’autres voies conduisant à des résultats plus attrayants.
« J’ai souvent entendu dire que ses collègues avaient l’habitude d’attribuer cette attitude à ses extraordinaires dons personnels d’énergie et de discipline. Je crois qu’ils ont tort. L’état d’esprit qui crée ici la force motrice ressemble à celui du fidèle ou de l’amoureux. L’effort soutenu pendant une longue période n’est inspiré par aucun plan ni objectif définis. Son inspiration provient d’une faim de l’âme.
« Je suis sûr que Max Planck se moquerait de ma façon enfantine de tâtonner avec la lanterne de Diogène. Bien ! Pourquoi devrais-je parler de sa grandeur ? Il n’a besoin d’aucune confirmation dérisoire de ma part. Son travail a donné l’une des impulsions les plus puissantes au progrès de la science. Ses idées seront efficaces tant que dureront les sciences physiques. »
Alors, quelle leçon tirer de ceci ? Je saisis l’occasion pour lancer le défi suivant aux poètes et compositeurs d’aujourd’hui, en particulier aux jeunes qui peuvent également être actifs dans un domaine scientifique :
Poètes et compositeurs, vous savez qui vous êtes ! (Car si vous êtes obligé de demander, c’est que très probablement, vous n’en êtes pas un, ou du moins pas encore.) Relevez le défi qui vous est posé, non seulement par Planck et Einstein, mais par Lyndon LaRouche et par les orateurs de cette conférence, pour consacrer votre vie à changer vos propres axiomes si besoin est, même ceux qui vous sont les plus chers, si vous constatez que ces axiomes vous empêchent de découvrir un moyen vous permettant de concevoir vos compositions afin qu’elles deviennent une cause physique dans l’univers. Par exemple, êtes-vous certain que ce que vous avez créé inspirera une action qui se traduira par une augmentation du taux de croissance du potentiel de densité démographique relative de l’humanité ? Ou, plus simplement, en s’inspirant de Friedrich Schiller : les personnes qui vous ont entendu deviendront-elles meilleures grâce à votre travail ?
Tel est le véritable contenu de cette « faim de l’âme » comme le disait Einstein, ou, dans l’épître de l’apôtre Paul aux Corinthiens, l’amour (agapè). Ne vous contentez pas de choses jolies, agréables, enfantines. Engagez-vous dans cette lutte nécessaire, et toute l’humanité vous en sera éternellement reconnaissante.
Comme le poète Percy Bysshe Shelley l’exprime dans son poème « A une alouette » :
(…) Nous voulons demain et hier, Après eux soupirons sans cesse ; Dans nos rires les plus sincères, Il est toujours quelque détresse ; Et nos chants sont plus beaux qui parlent de tristesse. Pourtant si nous avions pouvoir D’oublier peur, orgueil et haine, Si nous étions nés pour avoir De la vie ni larmes ni peine, Comme ta joie dès lors nous paraîtrait lointaine. Ton art, mieux que tous les ténors Qui touchent l’âme profonde, Ton art, mieux que tous les trésors Dont tant de grands livres abondent, Servirait le poète, ô oublieux du monde ! Apprends-moi un peu du plaisir Connu d’un cœur toujours content, Pareil harmonieux délire Coulerait alors dans mon chant ; Le monde m’entendrait, comme moi je t’entends !
A une alouette (Trad. Jean-Luc Wronski )
Je vous remercie.