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25 janvier 2018
Dans un article de Bloomberg rédigé à partir des rapports du dernier trimestre 2017 des grandes banques de Wall Street, il apparaît que quatre d’entre elles ont perdu plus d’un milliard de dollars en tout dans la déconfiture du groupe sud-africain Steinhoff. Même s’il n’est pas encore officiellement en faillite, Steinhoff ne survivra que s’il parvient à prendre de vitesse la perte de valeur de ses actions par la vente de ses actifs. Le groupe est la cible d’une braderie provoquée par des appels de marge, en d’autres termes un mécanisme identique à celui ayant déclenché le krach de 2007-2008.
Une « dette sur marge » est encourue lorsqu’une société rachète ses propres actions grâce à des prêts, couvrant une partie du montant, si bien que les actions mêmes deviennent alors le nantissement (la garantie). Si la valeur des actions augmente, la valeur du nantissement suit, ce qui permet à la société de continuer à emprunter dans une spirale ascendante. Or, si le contraire se produit, un appel de marge est déclenché automatiquement en faveur du prêteur, ce qui provoque une braderie. L’exposition totale de Steinhoff serait de l’ordre de 20 milliards de dollars.
La dette sur marge est le talon d’Achille des marchés. Le ratio de cette dette sur la valeur totale de toutes les Bourses américaines atteint désormais 2,4% ; le niveau le plus élevé de l’histoire était 2,5 % en 2007.
Depuis fin 2012, les sociétés américaines ont racheté pour 2700 milliards de dollars de leurs propres actions, tout en augmentant leur dette nette de 4500 milliards, pour atteindre environ 14 000 milliards de dollars. L’effet combiné d’une dette toujours plus lourde et de fonds propres toujours moindres (le rachat d’actions diminue les fonds propres) crée un fort effet de levier. Au 3ème trimestre de 2017, le rachat d’actions se montait à 130 milliards de dollars, c’est-à-dire que le rythme est soutenu.
De plus en plus de sociétés qui spéculent sur leurs propres actions grâce à la dette sur marge sont déjà classées « sociétés zombie », c’est-à-dire que leur trésorerie ne suffit même plus à payer les intérêts sur leur dette. En 2017, Merrill Lynch a analysé le ratio de couverture des intérêts, c’est-à-dire le ratio entre revenus avant intérêt + impôts (EBIT) et les versements d’intérêts. Une société considérée comme « zombie » est celle dont le ratio de couverture des intérêts représente « une fois ou moins d’une fois ses revenus », ce qui est désormais le cas pour 9% des sociétés !
La BRI considère que 10 % de toutes les sociétés européennes sont des zombies, tandis que la RRR, l’association des comptables britanniques, estime que la proportion au Royaume-Uni est de 25 %. Le FMI, dans le Rapport sur la Stabilité financière dans le monde 2017, estime que 20 % de toutes les sociétés américaines pourraient devenir des zombies en cas de hausse des taux d’intérêt.
Au Royaume-Uni justement, l’un de ces zombies de taille moyenne, Carillion, vient de faire faillite. Carillion n’est pas un conglomérat et détient beaucoup moins de titres de créance que Steinhoff – moins de 2 milliards de dollars d’obligations. Il s’agit néanmoins d’une entreprise de bâtiment relativement importante à l’échelle internationale, avec des milliards en prêts à court terme pour des projets et de nombreuses joint ventures avec des emprunts engagés aux côtés d’autres entreprises du bâtiment, qui pourraient elles-mêmes ressentir les effets de l’endettement en raison de la liquidation de Carillion.