« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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Conférence internationale de Strasbourg - 8 et 9 juillet 2023

La coopération franco-chinoise pour la paix : l’exemple du nucléaire

2ème session

20 juillet 2023

Hervé Machenaud
Ancien directeur exécutif du groupe EDF et de la branche Asie-Pacifique, France

M. l’Ambassadeur, Madame la présidente, Messieurs les présidents, Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Je suis particulièrement heureux et reconnaissant d’avoir été invité par l’Institut Schiller pour parler de ce que je pense, en toute objectivité, être l’un des, ou peut-être même le plus beau projet de coopération de l’histoire industrielle internationale.

Il s’agit de la coopération entre la France et la Chine dans le domaine du nucléaire civil :

Au début des années 80, la France est choisie par la Chine pour l’aider à lancer son programme nucléaire. Le contrat signé en 1986, pour la construction de la centrale de Daya-Bay, est un pacte de confiance entre la France et la Chine, entre EDF et GNPJVC, la Société nucléaire du Guangdong créée à cet effet.

Pacte de confiance, parce que, au-delà de la formation de plusieurs dizaines d’ingénieurs chinois venus en France dans les centrales d’EDF, la Chine a demandé à EDF d’assurer la maîtrise d’œuvre du projet et d’en garantir la bonne fin. Je suis fier d’avoir été, au sein de la société chinoise, son premier Technical Manager.

Pacte de confiance, parce que très rapidement, la centaine d’ingénieurs chinois très qualifiés, chargés d’observer, de contrôler, de questionner nos pratiques, sont, à leur demande, intégrés dans les équipes d’ingénierie d’EDF. Nous ne sommes plus sous surveillance mais associés, une véritable équipe intégrée.

Pacte de confiance, parce que, lorsqu’EDF étudie la mise à niveau, après dix ans d’exploitation de la centrale de Gravelines, référence de Daya-bay, elle propose sans hésiter de mettre à disposition de GNPJVC, les 110 modifications, fruit inestimable du savoir-faire acquis au cours de centaines d’années/réacteurs de retour d’expérience. La Chine saura apprécier ce geste à sa juste valeur.

Nouvel acte de confiance, peu avant la mise en service de Daya-Bay, GNPJVC demande à EDF de prendre la responsabilité des premières années d’exploitation. EDF enverra alors une soixantaine d’exploitants pour démarrer la centrale et former les équipes chinoises qui, en quelques années, prendront les rennes de leur centrale.

En 1995, alors que Daya-Bay démarre, CGNPC engage une deuxième centrale du même modèle français, sur le même site. EDF y aura un rôle d’assistance technique et les entreprises françaises un rôle de fournisseur, mais Ling Ao sera une centrale chinoise, construite sous responsabilité chinoise par des entreprises chinoises. La Chine y a acquis son autonomie.

Cela n’empêchera pas une étroite coopération entre exploitants français et chinois : échanges d’expérience, de pièces de rechange, soutien en cas d’incidents... Daya-Bay et Ling Ao participent au concours de performance des centrales françaises et y obtiennent souvent des premiers prix. Cette coopération se poursuit aujourd’hui entre les exploitants des 56 réacteurs français et les 36 réacteurs chinois de même technologie.

En 2007, CGN invite la France à construire deux réacteurs EPR sur le site de Taishan et EDF à investir à ses côtés. Cet accord, unique dans l’histoire de la Chine, est signé pour les cinquante ans de vie de la centrale.

L’étape d’après, en 2013, sera l’engagement de CGN auprès d’EDF pour la construction et l’exploitation de deux EPR à Hinkley Point au Royaume-Uni, la perspective d’en construire deux autres à Sizewell et deux HPR, le modèle Hualong chinois, à Bradwell.
Une coopération inscrite pour un siècle.

Le partenariat entre la France et la Chine culmine avec le voyage du Premier ministre Li Keqiang en France, fin juin 2015. La déclaration conjointe sur l’approfondissement de la coopération franco-chinoise sur l’énergie nucléaire civile est rendue publique à l’occasion de sa visite. Elle prévoit une coopération globale « de la mine au retraitement », dans tous les domaines de l’exploitation, de la conception de nouveaux réacteurs de moyenne et grande puissance, de leur construction en Chine, en France et dans les pays tiers, de l’association des industriels des deux pays et de la réalisation d’une usine de retraitement en Chine. Toutes les entreprises françaises, à commencer par AREVA, Alstom et la centaine d’entreprises de l’association Partenariat France Chine Electricité (PFCE) sont concernées par cet accord qui ouvre d’immenses perspectives.
La confiance est au zénith.

L’alliance industrielle de la France, qui possède le plus important retour d’expérience d’exploitation du monde, et de la Chine, qui va construire le plus grand programme nucléaire de l’histoire, est un atout pour ces deux pays et, au-delà, pour la sûreté et le progrès du nucléaire mondial.

Ce partenariat historique est le fruit du travail d’hommes et de femmes qui ont mis leur foi dans des projets à construire ensemble et se sont donné leur confiance. Ils sont aujourd’hui liés par des liens l’amitié.

Dans un domaine aussi stratégique que celui du nucléaire, un tel partenariat est une pierre d’angle pour la construction de la coopération et de la paix entre les peuples et les nations.

Et si aujourd’hui, cette coopération s’est quelque peu affaiblie sous l’effet de diverses influences négatives, souhaitons qu’elle soit réanimée. Ses fondements restent intacts et elle est certainement non seulement dans l’intérêt mutuel de nos deux pays, mais une contribution au progrès et à la paix dans le Monde.

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