« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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L’économie de guerre de Macron : quand les mots ont un sens

25 janvier 2024

Editorial de la Lettre hebdomadaire de l’Institut Schiller du 20 janvier.
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Par Odile Mojon

Initialement prévue en octobre, la visite d’Emmanuel Macron en Suède aura lieu les 30 et 31 janvier à l’invitation du roi Carl XVI Gustaf. Comme le rappelle le Figaro online dans une publication du 10 janvier, « Stockholm et Paris entretiennent depuis 2017 un ’partenariat stratégique’ sur les innovations et solutions vertes ainsi que ’d’étroites relations’ en matière de défense, de commerce et d’investissement. »

Ce sera toutefois la défense qui figurera en première place de l’agenda présidentiel, comme en témoigne la mobilisation en amont des conseillers de l’industrie suédoise de la défense invités à plancher sur un programme de coopération à long terme avec la France. On peut également parier que les demandes de l’OTAN pour augmenter la part du budget alloué à la défense des pays membres se seront traduites par des « nouveautés » dans le catalogue de l’industrie de l’armement française comme de la suédoise. Celles-ci attiseront la curiosité des experts de la défense des deux côtés et ce, dans un contexte où le « réarmement » n’est pas à prendre dans le seul sens métaphorique utilisé par Emmanuel Macron dans sa conférence de presse du 16 janvier. Car sa visite des 30 et 31 janvier en Suède (dont l’adhésion à l’OTAN n’est qu’une formalité) s’inscrit en réalité dans la continuité d’une politique belliciste annoncée dès le 13 juin 2022 au salon Eurosatory, le plus grand événement international consacré à la défense et à la sécurité, où Emmanuel Macron avait déclaré : « La France et l’Union européenne sont entrées dans ’une économie de guerre dans laquelle (…) nous allons durablement devoir nous organiser’. »

Curieusement le terme « économie de guerre » ne semble pas avoir été relevé par quiconque en France hormis Jacques Cheminade, l’ancien candidat à l’élection présidentielle et président du parti Solidarité et Progrès, dans une émission spécialement consacrée à cette annonce d’Emmanuel Macron. En effet, et aujourd’hui plus encore, y a urgence à s’interroger sur ce qu’elle recouvre. L’examen en est d’autant plus impératif que le 16 janvier, lors de sa conférence de presse où il a brillé par sa connaissance des dossiers jusqu’au moindre détail, Emmanuel Macron n’a, en revanche, rien dit sur la situation pourtant très inquiétante de l’économie française.

Il a, en revanche, annoncé qu’il se rendrait prochainement en Ukraine pour lui apporter un soutien inconditionnel : « J’irai moi-même en février en Ukraine (...) nous allons procéder à des livraisons nouvelles : une quarantaine de missiles Scalp et plusieurs centaines de bombes ». Mais il y a plus significatif. Comme le relate le journal 20 minutes, ce sera l’occasion de passer avec Kiev un accord de sécurité sur le modèle de celui qui vient d’être réalisé avec Londres : « Le chef de l’Etat a aussi indiqué que la France était ’en train de finaliser un accord’ de sécurité avec Kiev du type de celui conclu vendredi entre le Royaume-uni et l’Ukraine sur dix ans, qu’il annoncera lors de sa visite sur place. »

Alors que la France est sommée de réduire ses dépenses publiques, que le gouvernement cherche par tous les moyens à casser ce qui reste du système social à la française, celui-ci s’engage donc à trouver l’argent pour livrer à l’Ukraine des missiles (Scalp) estimés à 850 000 euros pièce, des canons Caesar autour de 3 à 4 millions d’euros l’unité et sans doute d’autres services coûteux.

Peu importe que, de l’avis de tous les experts, l’Ukraine soit en ruine, que toute une génération de jeunes Ukrainiens ait été décimée, que ce pays soit notoirement dans l’incapacité de vaincre la Russie, Emmanuel Macron insiste que la France et l’Union européenne « auront à prendre des décisions nouvelles dans les semaines et les mois qui viennent, précisément pour ne pas laisser la Russie gagner. (…) Nous ne pouvons pas laisser la Russie gagner et nous ne devons pas le faire car alors la sécurité même de l’Europe et de tout le voisinage russe serait remise en cause. »

Ce qui pourrait passer pour une politique aussi inquiétante qu’isolée d’Emmanuel Macron doit pourtant être appréhendée en ayant présent à l’esprit un ensemble de prises de position et de dispositions dans les pays européens. Ainsi en est-il des déclarations du ministre allemand de Affaires étrangères, Boris Pistorius, déclarant en octobre dernier « l’Allemagne doit se rendre prête à faire la guerre [contre la Russie] » (voir la Lettre de l’Institut Schiller n° 80) ; de la note du German Council on Foreign Relations ou, plus récemment, le scénario « Alliance défense 2025 » portant sur le déclenchement d’une troisième guerre mondiale, dont l’annonce dans le quotidien allemand Bild a provoqué un électrochoc.

Cette convergence ne se limite cependant pas à l’Allemagne qui ne fait finalement qu’obtempérer, elle aussi, aux exigences de l’OTAN. Elle inclut aussi la Grande-Bretagne, l’un des pays non seulement les plus engagés depuis le début de la guerre dans la poursuite et l’élargissement du conflit mais aussi celui, plus encore que les Etats-Unis, empressé d’entretenir les tensions. La visite surprise de Rishi Sunak à Kiev, le 12 janvier, et sa rencontre avec Zelensky pour remettre en selle une Ukraine vaincue étaient emblématiques de la volonté britannique de relancer un conflit en « perte de vitesse » et se situait dans la droite ligne d’une politique étrangère illustrée par la manière dont un Boris Johnson, alors Premier ministre britannique, avait réussi en février 2022 à saboter la possibilité d’un accord de paix entre l’Ukraine et la Russie.

Se dessine, derrière l’orientation stratégique dans laquelle Emmanuel Macron entraîne la France, une réalité cauchemardesque : celle de la mise en place progressive des conditions ne pouvant, en toute logique, qu’aboutir à une nouvelle guerre mondiale sur le sol des nations européennes, comme les deux premières qui ont déjà coûté des dizaines de millions de morts et de victimes.

Les dirigeants européens qui, de toute évidence, n’ont rien appris de l’histoire, avancent comme des somnanbules vers une guerre fabriquée de toutes pièces et sur mesure pour l’Europe, en opposition absolue avec ses intérêts fondamentaux et qui reviendrait à un suicide politique, économique et civilisationnel.

Il revient donc aux populations elles-mêmes de se saisir du destin de l’Europe et, au delà, de celui de l’humanité toute entière.

Les manifestations des agriculteurs en Allemagne, rejoints par les camionneurs, les cheminots ou des agriculteurs d’autres pays ; les manifestations dans le monde entier contre le génocide à Gaza, sont autant d’éléments devant être amenés à jouer un rôle décisif mais ne sont pas suffisants.

Il faut aussi, dans les plus brefs délais, mobiliser les forces pour mettre en place les « Dix principes d’une nouvelle architecture de sécurité et de développement » proposés par Helga Zepp-LaRouche

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