« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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18 décembre 2015
Du 14 au 22 novembre, une délégation du Comité de soutien suédo-syrien pour la démocratie, une ONG de renom, s’est rendue en Syrie. Parmi ses membres, le responsable suédois de l’Institut Schiller, Ulf Sandmark.
Avec Hussein Askary, de l’édition arabe de la revue EIR, Sandmark est le co-auteur du « Projet Phénix pour la Syrie », un véritable « plan Marshall » permettant, dans le cadre de la politique de la Nouvelle route de la soie prônée par les BRICS, de faire renaître la Syrie de ses cendres. Il a été conçu comme une série de pistes, formulées en réponse aux entretiens que la délégation avait pu avoir, lors de sa visite précédente, en 2014.
Le projet a été favorablement accueilli par les média et des plus hautes instances du pays. Dans son édition du 2 décembre, le quotidien syrien Al-Watan en a présenté les grandes lignes.
En premier lieu, la délégation a été reçue par l’ancienne ministre Mme Bouthaina Shaaban, conseillère très écoutée de la Présidence, ainsi que par des parlementaires et responsables religieux.
Ensuite, pour rencontrer la délégation, le grand mufti de Syrie, le Dr Badr al-Din Hasson a sollicité la présence de l’évêque orthodoxe Lukas al-Khori ainsi que celle du Patriarche de l’Eglise orthodoxe syrienne, Ignatius Aphrem II.
Enfin, la délégation a rencontré les organisations d’aide : Rim Suleyman de l’organisation al-Waed ; mère Agnès Mariam Shadi Sarweh du Comité patriarcal St-Ephème ; Talal Moualla de la Fondation syrienne pour le développement ainsi que le président de l’Association nationale des médecins. A l’invitation du Médecin en chef des armées, le Dr Morsi Mowaz, la délégation a pu visiter plusieurs hôpitaux.
Ci-dessous, le résumé du projet Phenix.
« C’est l’espoir qui rend l’homme humain ». C’est avec cette devise que les auteurs du projet contrent ceux qui pensent qu’il est trop tôt pour aborder l’après-guerre. Évoquer la possibilité d’un avenir commun grâce à une reconstruction de l’économie et une renaissance de la société syrienne, n’est-ce pas là l’arme la plus redoutable contre l’ennemi ?
De ce point de vue, ce projet de reconstruction de la Syrie « s’accorde » naturellement avec l’état d’esprit et la volonté des pays « émergents » qui composent les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) de faire entrer leurs pays dans le XXIe siècle. Conscients que c’est par le contrôle du crédit et de la monnaie que les pays développés exercent une nouvelle forme de colonialisme, les BRICS ont créé depuis leur dernier Sommet de Fortaleza, en 2014, deux banques pour financer leur développement : la Nouvelle Banque des BRICS (NDB) et la Banque Asiatique d’investissements dans les infrastructures (BAII).
La Syrie a une population qualifiée, une industrie pharmaceutique, des hydrocarbures encore non exploités, ainsi qu’un vaste potentiel agricole. Pour que ce potentiel puisse se réaliser, elle devra faire appel à deux sources de financement.
En premier lieu aux banques des BRICS dont le but est de financer, à faible taux d’intérêt et à long terme, les projets infrastructurels qui s’inscrivent dans les corridors de développement le long des « Nouvelles routes de la soie maritime et terrestres ». En 1945, un plan Marshall américain a permis de reconstruire l’Europe et le Japon ; les BRICS peuvent fournir ce cadre aujourd’hui.
La Syrie doit saisir cette occasion pour faire de son propre système bancaire le moteur d’une croissance réelle. L’État devra reprendre le contrôle de sa banque centrale et de l’émission monétaire. La Banque centrale devra pouvoir faire aussi des émissions du crédit public pour le financement des manufactures et des projets infrastructurels. Dans un système de crédit comme celui là c’est le potentiel d’un projet qui garantit la valeur de l’argent créée pour le réaliser.
C’est ce type de système qui permit aux Etats-Unis de devenir une grande puissance industrielle. Théorisée par le premier secrétaire au Trésor Alexander Hamilton (1755-1804), cette méthode a été employée avec succès par Lincoln et Franklin Roosevelt. La « Banque nationale » fondée par Hamilton a reconverti la dette de la guerre d’indépendance américaine en nouveaux titres qui furent orientés vers l’investissement dans les manufactures et les infrastructures.
Pour organiser sa reconstruction, l’Etat syrien, aura besoin aussi d’une Banque pour la reconstruction, qui avec la Banque centrale, coordonnera tous les efforts. Ces banques pourront travailler avec les banques privées à condition d’établir une séparation stricte entre banques d’affaires spéculatives et vraies banques de crédit/dépôt. Tout projet soumis à un effort collaboratif entre le privé et le public, aura besoin du feu vert de l’Etat qui vérifiera au préalable l’intérêt économique, financier et social.
La Syrie, pourrait s’inspirer de l’Égypte qui, pour financer le doublement de capacité du canal de Suez, a lancé un grand emprunt public. Elle pourrait ainsi lever des fonds auprès de sa population et de la diaspora syrienne.
Après tant d’années de guerre, il va de soi que, sans aide d’urgence pour sécuriser l’alimentation, le logement, la santé et l’éducation, le potentiel humain syrien ne pourra pas se réaliser. Il faut donc une mobilisation des ressources à tous les niveaux, menée par la Banque de la reconstruction du gouvernement jusqu’aux administrations locales. Ces dernières pourront orienter les ressources locales vers la reconstruction des écoles, des hôpitaux, des systèmes d’approvisionnement en énergie et en eau et d’autres services essentiels.
La destruction ciblée de toute l’industrie pharmaceutique par l’ennemi souligne son importance stratégique. C’est également vrai pour le secteur pétrochimique et la production des hydrocarbures. Remettre en état la production et la transformation du coton pour l’industrie du textile sera également un défi majeur pour la reconstruction. L’expérience acquise durant la guerre dans les domaines de l’avionique, de l’électronique et de la mécanique, peut servir à la création de nouvelles branches industrielles ayant ce niveau technologique.
La mobilisation des chômeurs en brigades temporaires de travail devra être financée de la même façon. Le génie civil de l’armée pourra encadrer ces brigades assurant le niveau de qualification de la main d’œuvre, tout en conservant son rôle dans la défense.
Ce ne sont pas des simples voies de transport qu’il faudra, mais des corridors de développement internationaux capables de revitaliser le pays : chemins de fer rapides, pipelines, projets d’aménagement hydrologiques, zones d’activités industrielle et agricole et projets d’urbanisme.
Intégrer la Syrie aux nouveaux corridors de la Nouvelle route de la soie s’accorde à merveille avec le projet visionnaire d’une « stratégie des quatre océans » proposée par Bachar el-Assad à Ankara en mai 2009 (et oui !).
Il s’agissait d’intégrer la Syrie (Méditerranée) avec la Turquie (Mer Noire), l’Irak (Golf persique et océan indien) et l’Iran (Mer caspienne). Au cœur de cette stratégie, la construction du gazoduc arabe (AGP), alimenté par du gaz d’Azerbaïdjan et l’intégration des réseaux électriques des quatre pays.
Le pays le plus enthousiaste pour cette stratégie régionale était la Chine : le Parti communiste de Pékin appelait même la Syrie la « ning jiu li » (la force cohésive) ! Rappelons que, déjà en 2008, la Chine était le plus gros fournisseur de biens importés de la Syrie. Depuis lors, elle a massivement investi dans la mise à niveau du secteur pétrolier et des télécommunications. Il n’est donc pas étonnant qu’elle s’intéresse aujourd’hui à la reconstruction du pays. Déjà, Huawei, le géant des télécoms chinois, vient de signer fin novembre un accord pour « l’élaboration d’une stratégie nationale pour les technologies de la communication et de l’information » comprenant notamment l’accès à internet.
Pour l’Institut Schiller, un important projet régional à réaliser est la construction d’une liaison ferroviaire reliant d’Est en Ouest, Téhéran (Iran) au Caire (Egypte) en passant par Kermânchâh, Bagdad (Irak), Amman (Jordanie) et Aqaba. De là, via un tunnel sous la mer rouge, la ligne pourra atteindre Charm el-Cheikh (sur la Mer rouge en Egypte) et ensuite le Caire. Cette ligne, bien qu’elle ne passe pas directement par la Syrie, permettra, par ricochet, de désenclaver le pays.
A l’ordre du jour, il y a aussi la réduction de l’impact des tempêtes de sable, la création de terres fertiles dans les régions arides (verdissement des déserts) ainsi que les projets d’aménagement et de partage des ressources en eau entre pays voisins.