« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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8 février 2022
Le président Argentin, Alberto Fernandez, désireux de faire sortir son pays du désastre économique, ne néglige aucune possibilité : il a opté aussi bien pour les Nouvelles routes de la soie que pour les plans du FMI. Seulement, si la première est salutaire, la deuxième n’est pas souhaitable.
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Le président Fernandez est tiraillé entre deux mouvements contraires. Son ministre des affaires étrangères, Santiago Cafiero, a signé un protocole d’accord avec le président de la Commission nationale du développement et de la réforme de la République populaire de Chine, He Lifeng ; accord portant sur la coopération dans le cadre de l’initiative de la Ceinture économique de la Route de la soie et de la Route de la soie maritime du XXIe siècle. Dans le même temps, Alberto Fernandez lui-même a passé un accord avec le FMI, son pays croulant sous la dette et en proie aux ravages de la cocaïne.
Après avoir signé un mémorandum d’entente (memorandum of understanding) en mai 2021, l’Argentine et la Chine ont enfin signé, le weekend du 5 et 6 février 2022, le protocole d’accord, suite logique du processus.
Ce protocole contraignant les deux parties, prévoit le versement en deux tranches de l’équivalent de 20,7 milliards d’euros destinés à assurer « une mise en œuvre efficace des grands projets existants dans les domaines de l’hydroélectricité et des chemins de fer, et d’approfondir la coopération dans des domaines tels que le commerce, l’agriculture, l’énergie, l’exploitation minière, les infrastructures, les investissements, le financement et la réponse à la Covid-19 », peut-on lire dans le communiqué officiel.
La première tranche de 14 milliards de dollars sera rapidement versée par la Chine dans le cadre du mécanisme de dialogue stratégique pour la coopération et la coordination économiques (DECCE) et la deuxième sera perçue par l’Argentine plus tard par le biais de projets et de propositions que l’Argentine présentera au groupe créé ad hoc entre les deux pays dans le cadre de l’adhésion à la Nouvelle route de la soie.
« Aujourd’hui, nous avons l’occasion […] d’élargir la participation des fournisseurs argentins aux travaux d’infrastructure et d’accélérer les négociations et autorisations sanitaires et phytosanitaires afin de stimuler les exportations vers la Chine », a par ailleurs déclaré M. Fernández.
Si cela constitue donc une très bonne nouvelle pour l’Argentine dont l’économie croule sous la dette extérieure, un autre accord conclu avec le FMI vient contrebalancer l’enthousiasme que porte le premier. Soit dit en passant : le FMI n’a jamais sorti un pays de l’insolvabilité.
Ainsi, le président Macri s’était engagé en 2018 à rembourser un important prêt du FMI en 2024. L’accord que vient d’obtenir son successeur Fernandez concerne justement le recul de l’échéance de 2024 à 2026, ce qui laisse deux ans de plus à Fernandez pour augmenter les exportations afin de générer de la croissance.
Car tel est bien ce que prévoit l’accord dicté par le FMI. Qu’il soit ici rappelé que toutes les exportations ne se valent pas : l’Argentine générera une croissance économique seulement si elle exporte des produits manufacturés ; les seuls produits agricoles ou semi-travaillés ou les matières premières ne permettront pas l’établissement d’une base économique suffisamment solide pour générer l’accumulation de richesse et rembourser le prêt.
En plus de cela, le plan de réduction des subventions aux services publics sera maintenu, comme le prévoit l’accord. C’est là que nous voyons l’absurdité des solutions apportées par des institutions comme le FMI : comment une économie durable pourrait-elle voir le jour sans investissements publics dans les secteurs productifs ? Or ces investissements ne peuvent pas être sans services publics fonctionnels. Ainsi se perpétue le piège du FMI.
Fernandez a, en outre, signé un nouveau prêt à rembourser en 10 ans (échéance 2031). « Il s’agit des DTS (droits de tirage spéciaux), dont la cotation concerne plusieurs monnaies en circulation dans le monde, à un moment où le dollar est dévalué, explique le Comité pour l’annulation des dettes du tiers monde (CADTM) ».
Or le Peso argentin est indexé sur le Dollar américain depuis 1991. « Cela signifie que davantage de dollars sont nécessaires pour rembourser les DTS déboursés par le FMI. Les montants à rembourser sont plus élevés que les 44,5 milliards de dollars de la cotation 2018. Tout cela implique une exigence plus élevée pour le remboursement du prêt du FMI ».
L’Argentine se retrouve donc avec deux nouvelles échéances : 2026 et 2031 et « l’Hypothèque continue » ajoute CADTM. « L’Argentine a une fois de plus raté une occasion d’enquêter en profondeur sur l’endettement et d’agir en conséquence en rejetant la dette illégale, illégitime, frauduleuse et odieuse ».
L’accord doit à présent être voté parmi les élus nationaux mais « [l]a campagne pour le rejet de l’accord avec le FMI, la suspension des paiements et l’audit (complet et participatif) doi[ven]t approfondir sa démarche [de l’Argentine] pour clarifier les effets de l’accord en faveur de la légitimation d’une dette odieuse qui hypothèque les ressources publiques, éloignant les solutions aux demandes d’une société appauvrie » conclut le CADTM.
Réjouissons-nous toutefois de l’intégration de l’Argentine dans les Nouvelles routes de la soie car il s’agit résolument d’une bonne nouvelle. En effet, le pays choisit petit à petit le chemin vers un nouveau paradigme.