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31 mai 2018
Ce qui s’est passé en Italie dans la soirée du dimanche 27 mai, avec le refus d’accepter la nomination comme futur ministre des Finances de Paolo Savona proposé par le nouveau chef de gouvernement Giuseppe Conte, peut à juste titre être qualifié de coup d’Etat. Dans cet épisod, le président Sergio Mattarella s’est contenté d’être la courroie de transmission de la Banque centrale européenne, comme ce fut le cas en été 2011. Le message de l’UE est on ne peut plus clair : si le choix démocratique des électeurs ne nous convient pas, nous passerons outre.
Mattarella a déclaré que le gouvernement proposé par le Premier ministre désigné Giuseppe Conte « pourrait provoquer, en toute probabilité et inévitablement, une sortie de l’Italie de la zone euro », à cause des idées défendues par le ministre des Finances désigné Paolo Savona. Et ce alors que ce dernier, faisant abstraction de ses opinions eurosceptiques bien connues, avait déclaré le jour même dans un communiqué qu’il respecterait le programme de gouvernement, qui ne prévoit pas de sortir de la monnaie unique et s’engage à réduire le ratio dette/PIB afin de rétablir la croissance.
Le Président italien n’a pas caché son parti pris ni les intérêts qu’il défend en avertissant que « l’incertitude soulevée par notre position sur l’euro a alarmé les investisseurs italiens étrangers », tout en brandissant la vision cauchemardesque d’une crise de la dette souveraine, d’une augmentation du spread sur les obligations souveraines, d’un effondrement boursier et d’une menace pour les épargnants italiens. « L’adhésion à l’euro est un choix d’une importance fondamentale pour l’avenir de notre pays et de notre jeunesse », a ajouté Mattarella pour expliquer son rejet de Savona.
Peu avant sa décision, la « main invisible » du marché a fait le nécessaire pour faire grimper la rémunération sur les obligations italiennes, aidée en cela par les agences de notation telles que Fitch et Moody’s, qui annoncèrent une révision de la dette italienne et une possible baisse de sa note. Soit le même scénario mis en oeuvre en 2011, lorsque la BCE avait fait tomber le gouvernement Berlusconi-Tremonti.
Peu après ce discours, Mattarella a annoncé qu’il confiera la formation d’un nouveau gouvernement à Carlo Cottarelli, un technocrate dont les vues sont radicalement contraires au programme voulu par les électeurs. Ce gouvernement n’obtiendra pas l’aval du Parlement mais il restera en place pour régler les affaires courantes le temps de préparer de nouvelles élections, probablement pas avant septembre-octobre.
Cottarelli est l’homme des marchés. Après avoir fait carrière au sein du FMI, il fut appelé par le gouvernement Letta pour procéder à « un audit des dépenses ». Toutefois, sa proposition de couper 60 000 emplois dans le secteur public, était d’un tel excès que le successeur de Letta, Matteo Renzi, le congédia. Le groupe de réflexion de Cottarelli, « Observatoire de la dette » (Osservatorio sul debito), a produit un rapport affirmant que le programme de gouvernement de Lega-M5S coûterait 125 milliards d’euros !
Un cabinet technocratique n’a aucune chance de durer bien longtemps en Italie, mais il pourra infliger des dégâts dans l’intervalle, à commencer par les décisions qui seront arrêtées au sommet européen de juin sur le budget quinquennal et l’intégration européenne, ainsi que les politiques d’immigration.
Avec ce coup, les élites européennes montrent une fois encore leur volonté de parvenir à leurs fins à n’importe quel prix, pourvu qu’elles se maintiennent au pouvoir. Ce faisant, elles attisent la colère populaire, de sorte que leur chute n’en sera que plus douloureuse.
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