« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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Conférence de Kiedrich

III. La crise financière actuelle : un système de crédit contre l’usure monétariste

21 octobre 2007

par Lyndon H. LaRouche

Ceci est une version abrégée du discours prononcé par Lyndon LaRouche le 15 septembre à Kiedrich, pour l’ouverture de la conférence de l’Institut Schiller sur le Pont terrestre eurasiatique.

La tâche que je dois accomplir aujourd’hui est inhabituelle, et elle n’est pas forcément de mon choix. Elle m’est imposée du fait que la civilisation dans son ensemble est menacée dans son existence même. Nous sommes dans une situation bien plus grave qu’une simple dépression, alors que la valeur du dollar n’a cessé de chuter ces derniers mois et que toute nouvelle chute abrupte ruinerait les pays européens, la Chine, l’Inde et bien d’autres.
Ce moment est donc inhabituel. Nous affrontons la menace d’un nouvel âge des ténèbres prolongé pour l’humanité. Pouvons-nous conjurer cette menace ? Il aurait fallu le faire avant, mais parfois, dans le cours de l’histoire, les décisions requises sont prises très tardivement. Ce n’est que lorsque les conditions deviennent impossibles que les gens acceptent de renoncer aux habitudes qui sont à l’origine de la crise.
(…)

Un changement s’est produit à la mort du président Franklin Roosevelt [en avril 1945], au moment où j’effectuais mon service militaire, en Inde. Lorsque je suis rentré aux Etats- Unis, après avoir été affecté quelque temps en Birmanie, ce que je craignais se produisait déjà. (…) Du temps de Roosevelt, les Etats-Unis entretenaient une alliance instable avec l’empire britannique. C’est l’empire britannique, représenté par la Banque d’Angleterre, qui avait mis Hitler au pouvoir en Allemagne.

Franklin Delano Roosevelt

Cet empire était calqué sur le modèle vénitien médiéval, avec un groupe de banquiers, comme autant de parasites, qui s’était doté des instruments de pouvoir pour imposer sa loi. Roosevelt était déterminé à éliminer cet empire. Mais pour vaincre Hitler, il devait s’allier à la Grande-Bretagne. Il devait forcer les Anglais à le faire, parce qu’ils aimaient Hitler, c’est eux qui l’avaient inventé. Ils l’avaient mis au pouvoir avec l’aide de certains Américains, dont la banque Harriman, connue pour ses politiques racistes antérieures. C’est le grand-père du président actuel des Etats-Unis, Prescott Bush, qui a sauvé le Parti nazi au moment où il était en faillite. Et c’est la monarchie britannique, et son représentant, Hjalmar Schacht, qui ont mis Hitler au pouvoir.

Les Etats-Unis ne pouvaient pas se débarrasser de Hitler tous seuls, il leur fallait faire alliance avec l’Union soviétique, ainsi qu’avec la Grande-Bretagne. Et celle-ci était très peu fiable. Le général Montgomery a prolongé de plus d’un an la guerre en Europe. (...)

A la mort de Roosevelt, que se passa-t-il ? Les Britanniques voulaient coûte que coûte empêcher que se réalise le programme qu’il prévoyait pour l’après-guerre, à savoir éliminer le colonialisme et toutes ses manifestations. Roosevelt était explicite, notamment lors de sa rencontre avec Churchill à Casablanca, où il dit : « Prenez cette partie de l’Afrique [le Maghreb]. Que pouvons-nous faire après la guerre pour rebâtir cette région ? » Il voulait éliminer l’empire britannique et le colonialisme. (...)
Roosevelt prévoyait un certain nombre de choses pour l’après-guerre : d’abord, rassembler en un bloc la Russie et la Chine, malgré la ruine de la Chine à l’époque, en vue de créer les Nations unies. Cette organisation devait être un forum pour la libération des régions victimes du colonialisme et autres formes d’oppression, et pour aider de nouvelles nations à se développer.

Il voulait mettre en place une communauté d’Etats-nations souverains, ayant compris les leçons de la guerre récente, ayant compris ce qu’il fallait faire pour vivre en commun et pour réaliser les objectifs communs de l’humanité — des cultures différentes tendant vers un même but, par le haut. Mais les Etats-Unis ont adopté une politique contraire. [LaRouche expliqua ensuite qu’au lieu de négocier la reddition du Japon, qui était déjà en bonne voie, les Etats-Unis avaient largué les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Puis, la guerre froide commença contre l’Union soviétique. De fait, ce fut le retour à l’empire britannique, que les colons américains avaient vaincu moins de deux siècles auparavant, établissant l’indépendance des Etats-Unis, puis à nouveau dans la période 1861-1865, en assurant la défaite de la Confédération des Etats du sud, alliée à la Grande- Bretagne, et en ouvrant une ère de développement économique. A propos de cette époque, LaRouche poursuivit :]

Développer les masses terrestres

Les Etats-Unis bâtirent une nation souveraine continentale, de l’Atlantique au Pacifique et entre les frontières canadienne et mexicaine. Nous y sommes parvenus. Nous l’avons fait grâce au chemin de fer transcontinental, entre autres. Nous l’avons fait grâce aux immigrés d’Europe et d’ailleurs. Nous avons fait venir des Allemands, nous leur avons donné des terres, dans les deux Etats du Dakota, au Nebraska et ailleurs. Nous avons mis en place un système d’aides. Les Etats-Unis sont devenus la nation la plus puissante de la planète, ce dans des conditions de guerre civile.

Ceci déclencha en Europe un désir de liberté, celui de se libérer de l’empire. En France, cela se produisit après la chute de Napoléon III. En Allemagne, Bismarck réagit au succès américain en défiant l’empire britannique, non sur le plan militaire, mais sur le plan du développement économique. Après avoir assisté à l’Exposition de Philadelphie pour le centenaire des Etats-Unis, en 1876, de retour en Russie, le grand savant russe Mendeleïev convainquit le tsar de construire un chemin de fer transcontinental.

L’Allemagne décida de bâtir la ligne Berlin-Bagdad. Des projets de chemin de fer furent réalisés à grande échelle. L’empire britannique n’aimait pas du tout cela, parce que si les nations européennes et eurasiatiques développaient leurs propres masses terrestres grâce aux chemins de fer, comme le transcontinental et autres aux Etats-Unis, elles disposeraient alors de moyens de transport de marchandises sur de longues distances plus économiques que par voie maritime. Tel était l’enjeu.

Si un pays contrôle son propre territoire, sur le plan interne, et s’il dispose de technologies et de sciences modernes, il renoncera aux modes de transport inefficaces par mer. Or chaque kilomètre de transport bien organisé, par voie terrestre, augmente la productivité de l’économie nationale. Par contre, le transport par voie maritime ne contribue pas à l’économie interne. C’est un mythe géopolitique.

Aujourd’hui, nous arrivons au stade où, avec la technologie de lévitation magnétique et d’autres projets, nous pourrons développer des systèmes permettant de transformer les régions du monde jusque-là considérées comme hostiles et indésirables. Nous pourrons augmenter la productivité et assurer un niveau de vie jamais vu dans l’histoire. Avec de nouveaux modes de transport, avec l’énergie nucléaire, avec l’économie isotopique, nous aurons accès à des régions aujourd’hui peu accessibles, recelant des matières premières. Il y a de vastes populations, en Chine, en Inde et ailleurs, qui ont terriblement besoin de ces technologies et de ces matériaux.

Nous avons désormais le potentiel nécessaire pour développer ces populations, même dans les régions les plus pauvres du monde. Pour l’empire, ceci représente une menace. En fait, surtout depuis 1648 et les Traités de Westphalie, l’enjeu est le développement d’Etats-nations souverains dans le monde. Nous avons démontré aux Etats-Unis, en Europe et ailleurs, que c’est possible. Cet objectif, cependant, est une menace pour l’existence d’un empire, quelle qu’en soit la forme. Le jour de la mort de Roosevelt, les Etats-Unis représentaient la plus grave menace que l’empire britannique ait jamais affrontée. Depuis, l’évolution négative du monde est le fait de forces liées au « libéralisme anglo-hollandais » européen, avec des éléments traîtres dans mon propre pays, y compris certains Présidents du passé, ou bien des idiots comme le Président actuel.
Il ne s’agit pas d’une géopolitique de terre contre mer, mais plutôt du constat que la longue période pendant laquelle le pouvoir résidait dans la puissance maritime, et non dans la puissance terrestre, est technologiquement finie.

Nous pouvons désormais assurer une efficacité économique bien plus importante par voie de terre que par la mer. Bien sûr, nous utiliserons les océans. Ils contiennent beaucoup de minéraux, que nous devons gérer. Mais la productivité est ailleurs ; elle réside non seulement dans les gens, mais dans leur développement, dans la liberté d’inventer, la capacité de découvrir, la joie de s’améliorer. Voilà le combat. Tel fut aussi l’enjeu des guerres depuis la Renaissance : impérialisme contre Etat- ation souverain. Il faut développer un système d’Etats-nations, basés sur la culture des peuples respectifs, afin de leur permettre de participer, sur un pied d’égalité, aux travaux de la communauté internationale. (...)

[LaRouche expliqua alors l’effet dévastateur des quarante dernières années : la longue guerre inutile en Indochine, la dégénérescence de la faction « col blanc » de la génération du baby boom, l’abandon du système de Bretton Woods, et plus récemment, la prétendue « révolution dans les affaires militaires ».]

Perte de souveraineté en Europe

Le problème, ce ne sont pas les guerres entre nations. C’est le legs et la forme de l’empire, qui entend éliminer l’Etat-nation souverain en tant qu’institution pour imposer ce qu’on appelle la « mondialisation ». Par exemple, un grave problème pour nous, c’est que l’Europe, occidentale et centrale, ne fonctionne pas. Pourquoi ? Parce que le traité de Maastricht, tel qu’il est appliqué actuellement, supprime de fait la souveraineté des pays membres de l’UE. Tant que cet accord restera en vigueur, le droit de prendre des décisions souveraines, motivées par l’intérêt national, n’appartiendra plus aux peuples ni aux gouvernements de ces pays. C’est pourquoi la grande réforme, que je vais esquisser maintenant, ne peut pas être lancée par un quelconque gouvernement d’Europe occidentale et centrale. Impossible ! Ils ont perdu leur indépendance, ils ont perdu leur souveraineté. Le traité de Maastricht l’a supprimée, avec l’aide de la monnaie unique.

La Grande-Bretagne, elle, ne l’a pas acceptée, c’était destiné à l’usage des autres. Pour lancer les réformes qui permettront de renverser l’évolution négative depuis la mort de Roosevelt, il nous faut donc compter sur les nations ayant à la fois un sens de souveraineté et de pouvoir.

Nous devons faire en sorte que les Etats-Unis reconnaissent leurs propres intérêts nationaux. La proposition de loi que j’ai mise en avant, pour laquelle nous avons lancé une mobilisation au Congrès, prévoyant la protection des gens propriétaires de leur logement et des banques [the Homeowners and Bank Protection Act], est le genre de mesure qui peut mobiliser le peuple américain pour qu’il retrouve son sens de souveraineté. En même temps, depuis sa première rencontre avec Bush, le Président russe recherche de manière conséquente une certaine coopération avec les Etats-Unis. De larges parties des institutions américaines poursuivent cette discussion avec le gouvernement russe. Vous seriez surpris par certains des noms impliqués.

Si les Etats-Unis réalisent ce potentiel et parviennent à un accord avec la Russie, qui doit inclure aussi la Chine et l’Inde, nous aurons alors la possibilité de changer le cours des évènements, fuyant le désastre en nous tournant vers un nouveau système. Cela ne veut pas dire que quatre puissances dirigeront le monde, mais que nous avons besoin d’un élan initial autour duquel les nations du monde pourront se rallier.
Elles ont besoin d’une telle force, d’une telle autorité, qu’elles peuvent rejoindre. Ensuite, les Nations unies peuvent devenir telles que le président Roosevelt l’entendait, à savoir un véhicule pour créer un système d’Etats-nations souverains – et rien que des Etats-nations souverains.

Remontez à la mort de Roosevelt et vous verrez le vrai problème. Tout le reste, ce sont des diversions, élaborées le plus souvent par des personnes qui veulent détourner l’attention de l’enjeu principal.

Nous arrivons maintenant à un problème particulier. Je vais être un peu technique, je ne peux pas faire autrement. Il n’y a aucun moyen, aucune manière concevable, de sauver les systèmes monétaro-financiers existants, dans quelque nation que ce soit comme au niveau international. Le degré d’insolvabilité est si haut qu’il est impossible d’en refinancer une quelconque partie, dans le cadre même du système.

Il n’y a qu’une solution efficace : mettre l’ensemble du système monétaro-financier en redressement judiciaire. Ce n’est pas difficile, sur le plan technique. Les systèmes sont si entrecroisés qu’il n’existe plus de système monétaro-financier national. Les banques, aux Etats-Unis ou en Europe, ne possèdent rien, elles sont contrôlées par les hedge funds, qui s’en servent de temps en temps, comme des WC. Mais les ressources ne sont plus dans les banques. (...) Toute réforme à l’intérieur du système est condamnée, aussi bien sur le plan national que globalement. On peut mettre tous les monétaristes au chômage, on n’en a plus besoin. Et on aimerait bien s’en débarrasser !

Nous allons instaurer un système mondial complètement nouveau, qui devra passer par certaines étapes. Il s’agit de ma nouvelle proposition de loi pour la protection par le gouvernement fédéral des ménages et des banques, plus précisément les banques légitimes qui acceptent des dépôts et prêtent de l’argent, et qui pratiquent une activité utile de ce type. On a besoin de ces institutions, pour le bon fonctionnement des communes, pour gérer leurs affaires. Par conséquent, quand bien même elles seraient en faillite, ces banques seront protégées.

Deuxièmement, aucun propriétaire de logement ne sera expulsé, suite à une saisie. Nous allons geler tous les titres hypothécaires et les mettre sous la protection du gouvernement fédéral. Nous ferons en sorte que les propriétaires versent une mensualité à la banque concernée, tout en restant dans leur logement. Nous n’allons pas tenter de récupérer les sommes dues, parce que nous savons que la valeur de leurs dettes immobilières ne représentera plus qu’une fraction de la valeur nominale actuelle. Par conséquent, toute tentative de diminuer les créances hypothécaires ou d’en acheter une partie est inutile.

Mais nous voulons empêcher que l’économie soit désorganisée. Comment ? En gelant tout. C’est comme la mise en redressement judiciaire d’une entreprise, afin de la protéger. A un moment donné, le gouvernement fédéral devra mettre de l’ordre, mais entre-temps, on gèle tout. Les gens verseront l’équivalent d’un loyer tous les mois, fixé de manière raisonnable, contre les crédits hypothécaires. Mais nous n’allons pas les renégocier maintenant. Autrement dit, on érige un coupe-feu pour empêcher une réaction en chaîne. Nous allons devoir faire de même dans d’autres catégories.

Le gouvernement fédéral des Etats-Unis – et nous le recommandons aussi aux pays européens doit éliminer de la vie économique et politique le facteur à l’origine du problème, en l’isolant. Car nous allons vers un nouveau système.

Un système de crédit public

Nous devons abandonner le système monétariste, à la base même de tout empire, et adopter un système de crédit public, comme le prévoit la Constitution des Etats-Unis. Suivant notre Constitution, seul le gouvernement fédéral, avec l’assentiment de la Chambre des représentants, peut mettre en circulation de la monnaie, ou du crédit contre une certaine quantité de monnaie, qui s’ajoute à la dette des Etats-Unis.

Avec ce crédit, on peut notamment entreprendre le développement à grande échelle des infrastructures – centrales électriques, transports en commun, soins médicaux, etc. Et en lançant de telles initiatives, on fait travailler toute l’économie en contribuant au développement des infrastructures. On fait participer le secteur privé, avec des fournisseurs et des soustraitants. On génère de l’activité économique, en gardant un certain équilibre entre secteurs public et privé. (...)

Un autre problème, ce sont les taux de change flottants, qui fait que le prix du loyer de l’argent est incontrôlable. Il nous faut un système de taux de change fixes, à l’échelle internationale. En Chine, en Inde, en Russie et ailleurs, les besoins sont immenses. Pour subvenir à ces besoins, les échanges commerciaux internationaux vont augmenter. Mais, pour le crédit et les emprunts au-delà des frontières nationales, comment déterminer le taux d’intérêt, sur des prêts à moyen et long termes, si les taux de change flottent ?

Nous devons aussi avoir des accords à long terme, sur 25 à 50 ans, entre gouvernements, sous forme de traités commerciaux et autres. Au lieu de vouloir équilibrer le système en laissant flotter les monnaies, on laisse flotter les prix des marchandises dans le cadre de la monnaie. L’action doit être immédiate. Il faut réunir très vite un groupe de nations, dans l’espace de quelques semaines, parce que ce système est fini. Faute d’appliquer les méthodes que j’ai préconisées, on ne pourra pas arrêter cette crise. On se retrouvera bientôt dans une situation pire que celle de l’Allemagne en 1923.

Nous allons donc passer d’un système monétaire à un système de crédit. La volte-face doit être rapide, parce qu’une semaine ou deux de chaos pourraient être irréversibles. Il faut dresser des coupe-feu, comme la proposition de loi que j’ai proposée. Un autre serait que les nations passent des accords pour protéger certaines fonctions. (...)
Nous devons faire en sorte que les gens comprennent qu’il n’y a aucune alternative. Le bateau coule, inutile de chercher une cabine plus confortable !

Il y a un principe, ici, qui pose problème : la plupart des systèmes de prévision économique, qui sont de nature formelle et mathématique, sont de la camelote. Un bon économiste ne se fie pas aux chiffres, il regarde la réalité qu’ils traduisent. Nous avons actuellement des sociétés post-industrielles – pas complètement sur le plan physique, mais sur le plan idéologique.
Les gouvernements, allemand et autres, ne perçoivent pas la réalité. Prenons le cas de Myron Scholes, c’est un bon exemple de la folie de notre société. C’est le prévisionniste qui était employé comme mathématicien à LTCM [le fonds dont la faillite a failli faire tomber tout le système en 1998], et qui a provoqué le chaos. Tous ces fonds spéculatifs fonctionnent sur la base de formules mathématiques totalement incompétentes.

Ces gars croient qu’il existe quelque part une loi, ou une formule mathématique, qui dictent ce que les prix doivent être. Tout économiste compétent, par contre, regarde la réalité physique et pense en termes des conséquences physiques de telle ou telle politique ou de telle ou telle tendance. Ce qui compte, ce n’est pas les prix en tant que tels, ni la méthode idiote de John von Neumann qui est appliquée.

Par ailleurs, les gens se fient à des tendances statistiques, des systèmes cartésiens mathématiques dans un univers mécanique et statistique. Ils pensent en termes de corps flottant dans l’espace vide. Mais l’espace vide est dans leur tête ! Et ils supposent que dans ce vide cartésien, on peut prévoir un état futur sur la base d’une tendance statistique actuelle, par extrapolation. Et les Myron Scholes vont droit dans le mur parce qu’ils pensent pouvoir se concurrencer en utilisant la bonne formule mathématique, mais c’est comme si tout le monde pariait sur le même cheval dans une course. S’il perd, ce qui est probable, ils perdent tous.
Ils se basent tous sur la projection de quelque chose, comme la projection de la trajectoire d’une balle dans l’espace vide, dans un système mécanique statistique.

Science physique et économie

L’économie réelle ne fonctionne pas de cette manière. Elle répond à des lois physiques, comme on le sait si l’on sait ce qu’est la production : le gain que procure l’utilisation de telle ou telle technologie, la relation entre l’infrastructure et la productivité, etc. Ce sont des facteurs physiques. On traite cet aspect des choses, en science, par ce que les Grecs anciens appelaient dynamis et que l’on appelle, depuis Leibniz, la dynamique.

Pour ce qui est de l’économie, il s’agit d’une dynamique riemannienne, c’est-à-dire que nous sommes dans un univers, où tout axiome ou postulat, ou définition, qu’on assume a priori est faux, ils sont arbitraires. Notre univers a néanmoins l’équivalent de lois universelles. La gravitation en est un exemple. Ces lois définissent un univers qui n’est pas cartésien, ni sans limite, mais qui s’étend à l’infini en tous sens. L’univers est délimité par certains principes, comme des coquilles renfermant l’univers et affectant chacune de ses parties, comme la gravitation, telle que Kepler le définit, et Einstein plus tard, ainsi que Riemann. C’est un principe de dynamique. Par exemple, la différence entre l’homme et le grand singe est un principe universel. L’homme est créatif, il peut augmenter le potentiel de densité démographique de son espèce. Aucun animal n’en est capable Par conséquent, un principe sépare l’homme de la bête.

Chaque fois que nous introduisons un système énergétique, ou toute forme d’infrastructure dans l’économie, nous créons une condition délimitative qui contient l’espace dans lequel nous opérons. Dans une économie, on ne détermine pas la valeur par des méthodes cartésiennes statistiques. On la détermine suivant les principes qui confinent l’économie. La manière dont on façonne l’économie, le genre de technologies à développer, la manière de les appliquer, reflètent l’action des principes physiques universels, pour autant qu’on les comprend jusque-là. On comprend que ce qui a déjà été fait délimite notre comportement. Et on peut prévoir l’issue, parce qu’on pense de cette manière.

C’est pourquoi j’ai eu plus de succès que tous les autres en tant que prévisionniste. Parce que le domaine de la science économique est dominé par des gens qui croient que la comptabilité est à la base de la prévision, qui utilisent des méthodes mécanistes pour prédéterminer des tendances. Nous devons donc changer notre manière de penser. Nous avons affaire à une économie physique. Il faut penser aux effets des changements dans la structure physique de l’économie sur les conditions de vie physiques des gens, et non des statistiques. Sur la base de nos connaissances, on peut réfléchir à certains problèmes, et trouver quelques réponses, qui sont de bonnes approximations. Puis on se rend compte qu’une approximation n’est pas suffisante, et on repart à la recherche du principe en question.

La théorie économique qui est enseignée aujourd’hui n’est pas compétente. Pourtant nous en savons beaucoup sur l’économie, du point de vue physique. Nous pourrions prendre de bonnes décisions sur le moyen et le long termes. Si nous savons comment nous avons réfléchi à ces décisions, et si elles ne fonctionnent pas comme prévu, nous pourrons réexaminer le tout pour corriger l’erreur.

Nous avons donc une approche de type science physique, avec des essais et des erreurs, et beaucoup d’intuition. Mais si l’on arrive en statisticien, pour tenter de tout prévoir avec la méthode de von Neumann ou Morgenstern, nous tomberons dans l’incompétence.

En fait, si l’on veut comprendre l’économie, il faut étudier Bernhard Riemann et Vladimir Vernadski, qui ont très bien compris certains aspects tout à fait nouveaux et importants, puis appliquer ce mode de pensée au fonctionnement de notre économie. C’est maintenant le moment de faire un changement. Oubliez toutes les habitudes qui ont été considérées comme acceptables, ou expertes. Elles sont à l’origine des problèmes.

Nous devons nous approcher toujours plus de la zone présumée des principes. A condition de nous rappeler comment nous sommes arrivés à certaines conclusions et d’être prêts à les réexaminer lorsque les preuves nous disent qu’un nouveau regard est nécessaire, cela fonctionnera. Mais nous devons nous éloigner des hypothèses qui sont acceptées aujourd’hui, surtout dans la société post-industrielle. Nous devons effectuer ce changement. Pour cela, il faut avoir des tripes, comme un commandant en temps de guerre. Vous devez prendre des décisions, et réfléchir à ce que seront les conséquences, si vous vous êtes trompés. Mais vous devez néanmoins prendre la décision.

Il faut penser de cette manière, immédiatement. Si nous essayons de gérer la crise, au lieu de mettre en place des coupe-feu et de geler le système failli, tout en assurant le fonctionnement continu des services essentiels, nous n’allons pas nous en sortir.

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