« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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Helga Zepp-LaRouche : Seul un changement de paradigme peut nous éviter la catastrophe

18 décembre 2012

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Transcription

Mesdames et messieurs, chers invités de l’Institut Schiller, laissez-moi vous souhaiter la bienvenue. Tout d’abord, il est rare de voir une conférence de cette envergure et avec une aussi large participation internationale s’organiser aussi rapidement : sa préparation s’est faite en seulement quelques semaines. La raison en est que la situation internationale, en particulier au Moyen-Orient, avec les dangers que cette région comporte pour le reste du monde, exigeait la tenue d’une réunion d’urgence.

Vous savez tous que la situation en Asie du Sud-Ouest et dans le grand Moyen-Orient est une véritable poudrière. En fait, si l’on peut se permettre une comparaison, elle ressemble à la situation des Balkans avant la Première Guerre mondiale. L’on imagine facilement que le moindre incident pourrait déclencher une troisième guerre mondiale qui serait très probablement, dans le contexte actuel, une guerre thermonucléaire, et nous en sommes très près. Si cela devait arriver, la meilleure estimation que nous puissions faire est que cela nous conduirait à l’extinction de l’espèce humaine, parce que, même en n’utilisant qu’un faible pourcentage des armes nucléaires disponibles, ceci provoquerait un hiver nucléaire et, en une heure et demi seulement, toute vie aurait pratiquement disparu, tandis que dans les semaines ou peut-être les années suivantes, il ne resterait probablement que très peu de survivants.

Ceci n’est pourtant que l’un des dangers auxquels nous sommes confrontés. L’autre menace existentielle vient du fait que le système financier transatlantique est sur le point de s’effondrer, ou à la veille d’une explosion hyperinflationniste. Le système euro est près d’éclater, et si vous regardez la situation catastrophique en Grèce, en Italie, en Espagne et au Portugal, vous avez un avant-goût du risque d’explosion sociale incontrôlée et d’effondrement qui pourrait toucher toute l’Europe.

Pour quiconque est capable de réfléchir, et ça n’est malheureusement pas courant ces jours-ci, il devrait être évident que si l’on poursuit dans cette voie, l’humanité va rentrer dans le mur. Les politiques actuelles nous ont entraînés dans cette crise existentielle pour l’ensemble de la civilisation, la plus grave de l’histoire, et si ça continue, l’humanité aura démontré qu’elle n’avait pas un gramme d’intelligence de plus que les dinosaures.

L’objectif de cette conférence d’urgence est donc de proposer un changement total de paradigme : en finir avec ce paradigme d’affrontement géopolitique et de résolution des conflits par la guerre, qui est celui d’une oligarchie financière cherchant le profit maximal au bénéfice des banksters et des spéculateurs qui menacent littéralement la vie de milliards de gens, pour le remplacer par un nouveau paradigme dans lequel l’attention serait centrée sur « les objectifs communs de l’humanité » et la nécessité de surmonter ces menaces pouvant provoquer l’extinction de la civilisation.

Ce changement de paradigme doit être fondamental, prenant en compte des axiomes sous-jacents aussi cruciaux que celui qui a marqué le passage du Moyen-Âge à l’ère moderne : avec toutes les percées que nous avons accomplies dans les sciences physiques, dans la composition artistique classique, c’est-à-dire la différence entre un Moyen-Âge caractérisé par la scolastique et la superstition d’une part, et la science et la culture moderne d’autre part.

Pour revenir à la situation au Moyen-Orient, l’on ne peut que se réjouir du cessez-le-feu conclu entre Israël et le Hamas, grâce à l’intermédiation du président égyptien Morsi, avec le soutien de Hillary Clinton et du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon – et espérons qu’il dure, car cela a permis d’éteindre une des étincelles. Mais il ne permet absolument pas de changer fondamentalement la situation entre Israël et l’Iran, qui reste sur la voie de l’affrontement. Il ne modifie pas non plus la politique de changement de régime à l’égard du gouvernement d’Assad en Syrie.

Le 20 novembre, un article est paru dans Ha’aretz, écrit par le poète druze israélien Salman Masalha, expliquant justement que l’opération menée par Israël contre le Hamas faisait partie d’un plan préconçu pour éliminer, avant toute attaque sur l’Iran, ses prétendues « ailes » dans la bande de Gaza et au Liban, qui pourraient passer à l’action dans l’éventualité d’une attaque israélienne et d’une riposte iranienne. Cette offensive contre l’Iran est toujours d’actualité si les choses restent en l’état, car il ne faut pas oublier que tout récemment encore, le Premier ministre Netanyahou avait, à l’Assemblée générale de l’ONU, présenté son étrange sketch sur la bombe nucléaire, avec cette ligne rouge qui devait être franchie dans six mois.

Alors que deux mois ont déjà passé, Netanyahou a déclaré dans un discours à la Knesset en mars dernier (et je cite Ha’aretz), « tôt ou tard, les positions avancées de l’Iran à Gaza devront être éliminées ».

Pour bien clarifier les choses (et vous aurez bientôt l’occasion d’entendre à ce sujet son excellence l’ambassadeur d’Iran), selon nos meilleures informations, provenant notamment de la Nationale Intelligence Estimate américaine (NEI), qui regroupe les seize agences de renseignement des Etats-Unis, ainsi que de son homologue allemand, le BND, il n’existe aucune preuve, de quelque nature que ce soit, montrant que l’Iran aurait repris son programme d’armement nucléaire abandonné en 2003.

Bien sûr, étant donné la volatilité de la situation générale, l’Iran cherche activement à se doter des moyens de construire une arme nucléaire, de sorte qu’en cas d’attaque (qui, de l’avis de tous, n’éliminerait pas entièrement son programme nucléaire), il puisse alors décider rapidement de développer la bombe. Ceci est très différent de l’idée d’avoir un programme d’armement nucléaire opérationnel dès maintenant.

Quelle autre intention pourrait se cacher derrière l’assassinat du dirigeant militaire du Hamas Ahmed Jabari, le 14 novembre dernier ? Ceci a provoqué une escalade conduisant à une explosion de colère dans le monde arabe, et nous espérons que le cessez-le-feu a permis de calmer un peu les choses, mais ceci ne suffit pas à résoudre la crise sous-jacente.

Passons à la situation turque. La Turquie fait partie de l’OTAN, et elle a officiellement demandé le déploiement de missiles Patriot et d’approximativement 170 soldats allemands le long de la frontière turco-syrienne. Pourquoi ? L’Allemagne semble capituler sur ce point, car de fortes pressions sont exercées sur elle, qui n’a pas participé à la guerre d’Irak ni à celle du Libye et qui doit maintenant faire preuve de loyauté envers l’Alliance en s’impliquant dans toute nouvelle campagne.

Jusqu’ici, rien en Syrie ne peut justifier l’usage ou la présence de missiles Patriot en Turquie, hormis quelques tirs de grenades et d’artillerie, et encore n’en connaît-on pas exactement la source. Cela aurait pu venir des rebelles, en guise de provocation, cela aurait pu venir de l’armée syrienne, mais dans ce cas, il faudrait se demander pour quel motif ?

Le secrétaire général de l’OTAN Rasmussen affirme que le déploiement de ces missiles Patriot n’aurait qu’un effet défensif. Mais que penser de la déclaration du Premier ministre britannique David Cameron, selon lequel le gouvernement britannique serait impliqué tôt ou tard dans la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus du territoire syrien ? Quid aussi de la déclaration du chef d’état-major britannique, le général David Richards, pour qui ce n’est qu’une question de temps avant que les forces britanniques n’interviennent en Syrie si la situation « humanitaire » vient à se dégrader ?

Une fois ces missiles en place, ce qui compte, ce ne sont pas les mots mais les capacités militaires réelles, et une fois qu’elles sont là, elles seront utilisées en cas d’escalade. Ces missiles Patriot représentent bel et bien une possibilité de contribuer à instaurer une zone d’interdiction aérienne sur une partie de la Syrie, chose rigoureusement inacceptable pour la Russie ou la Chine.

C’est pourquoi le gouvernement russe a averti, immédiatement après l’annonce du déploiement des missiles Patriot, que cela pouvait conduire à une déstabilisation très dangereuse de cette région déjà extrêmement instable. En fait, nous serions alors sur le chemin d’une troisième guerre mondiale thermonucléaire.

Je ne sais pas ce qui peut conduire le gouvernement allemand et certains partis d’opposition à poursuivre une politique aussi insensée, pouvant entraîner la destruction de l’Allemagne ! En tant que membre de cette Alliance, l’Allemagne est donc une cible pour la suite des événements. Je fais ici appel à vous tous pour faire de cette question un réel débat. Car le plus bouleversant est que la civilisation est au bord d’une troisième guerre mondiale et qu’il n’y a aucun débat là-dessus !

Si vous vous rappelez il y a cinquante ans, lors de la crise des missiles de Cuba, il y avait une large discussion concernant les conséquences potentielles. Le président Kennedy avait alors prévenu que les gens qui mourraient dans les premières minutes seraient mieux lotis que ceux qui suivraient quelques semaines plus tard. Au moment de la crise sur la question des missiles de moyenne portée, au début des années 1980, il y avait des centaines de milliers de manifestants dans la rue ! Aujourd’hui, nous sommes dans une situation bien pire, et pourtant les médias et les politiques n’ont rien à dire ! Le citoyen lambda ne sait rien, il n’est pas conscient que nous sommes au bord de l’extinction.

La question est maintenant de savoir comment nous en sommes arrivés là. Lorsque l’Union soviétique s’est désintégrée entre 1989 et 1991, une occasion historique s’est présentée de créer un ordre de paix pour le XXIe siècle, car il n’y avait plus d’ennemi. On aurait pu alors réorganiser l’ensemble du monde et décider d’une perspective de développement à long terme. Malheureusement, les néo-conservateurs ont émergé au sein de l’administration de Bush père aux Etats-Unis, et ils ont décidé, avec les Britanniques, le gouvernement de Margaret Thatcher, de gouverner le monde comme un empire, en s’appuyant sur « la relation spéciale anglo-américaine ». La première étape fut de transformer la Russie, une superpuissance, en simple producteur de matières premières à bas prix, avec la complicité de Boris Eltsine, ce qui fut accompli grâce à la thérapie de choc et la privatisation ; entre 1991 et 1994, le potentiel productif du pays s’effondra à 30 % de son niveau d’origine.

En même temps, une politique réclamant un « changement de régime » fut lancée contre tout pays qui ne se soumettait pas à cette notion d’empire. Conséquence : la deuxième Guerre du Golfe, lancée le 2 août 1990. On prétend qu’il s’agissait de contrer une attaque irakienne contre le Koweït, mais comment oublier les encouragements prodigués en ce sens par l’ambassadrice américaine à Bagdad, April Gillespie ? Puis l’administration Clinton s’employa à mettre fin à ces menées pendant huit ans, où eurent lieu notamment les Accords d’Oslo.

Cependant, les néoconservateurs étaient à l’œuvre. En 1996, le groupe dirigé par Richard Perle rédigea pour Benjamin Netanyahou un document intitulé « Clean Break » (rupture nette), prônant une rupture totale avec les Accords d’Oslo qui tendaient vers une paix englobant tous les pays arabes. Le groupe de Perle préconisait une collaboration Israël/Jordanie/Turquie afin de « contenir, déstabiliser et affaiblir décisivement (roll back), les gouvernements des pays voisins, c’est-à-dire l’Irak, la Syrie, l’Iran et le Liban ».

A partir de février 1998, le gouvernement Blair, de connivence avec Netanyahou, commença à tordre le bras de Clinton. Il fallait selon eux un « changement de régime » à Bagdad en raison des supposées armes de destruction massive. Clinton tenta d’abord de s’y opposer mais, menacé de destitution suite à l’affaire Monica Lewinsky, il autorisa le lancement de l’Opération Desert Fox en décembre 1998. Un an plus tard, en 1999, Tony Blair prononça à Chicago un discours inaugurant la fameuse « doctrine Blair », qui justifie des interventions prétendument humanitaires partout dans le monde. La même année connut une intensification de la « globalisation », au moyen des mesures de dérégulation financière qu’exigeait également Blair. La loi dite Glass-Steagall fut révoquée en conséquence. Dans le même discours, Blair appelait au libre-échange sans entrave, prônant l’environnementalisme et la destruction de l’Assurance maladie en Grande-Bretagne, par une politique d’euthanasie et de triage.

Notons en passant que Blair se félicita dans ce discours des excellentes et longues relations entre l’Angleterre et le Chicago-land – ce qui tendrait à expliquer pourquoi c’est Blair en personne qui a été le conseiller électoral d’Obama en 2012.

Le 3 janvier 2001, mon époux Lyndon LaRouche a tenu un webcast prophétique, annonçant que l’administration fraîchement élue de George Bush fils se retrouverait face à une crise financière d’une telle gravité qu’elle serait tentée d’organiser un « nouvel incendie du Reichstag ». Exactement huit mois plus tard, on vit le déclenchement des attentats du 11 septembre 2001.

Le Congrès et le Sénat US constituèrent alors une Commission d’enquête. Son responsable, le sénateur Bob Graham, a observé que 28 pages rédigées par la Commission n’avaient jamais été publiées dans le rapport final, alors que le président Obama s’y était explicitement engagé dès son élection. Or, les familles des victimes des attentats du 11 septembre 2001 avaient exigé de voir précisément ces pages-là, qui concernent le rôle de l’Arabie saoudite.

Nos publications ont très largement documenté le rôle de British Aerospace Enterprises (BAE) dans l’accord dit Al-Yamamah, qui concerne le financement anglo-saoudien des attentats du 11 septembre 2001. Il existe aussi un document du Congrès américain, mais sans les 28 pages en question. Le sénateur Graham a donné une interview au Huffington Post le 11 septembre 2012, « Re-Open the 9/11 Investigation Now », où il évoque explicitement le rôle de l’Arabie saoudite.

La troisième Guerre du Golfe fut lancée le 20 mars 2003 par une « coalition de comparses », c’est-à-dire sans autorisation de l’ONU. Le prétexte était une note des services de renseignement anglais, le MI5, prétendant que l’Irak possédait des armes de destruction massive susceptibles d’atteindre n’importe quelle capitale du monde en 45 minutes. L’on raconta aussi que Saddam Hussein avait des relations avec Al-Qaïda. On se souviendra du canular selon lequel l’Irak se serait procuré, au Niger, du minerai d’uranium dit « yellowcake », servant à fabriquer des armes nucléaires. Colin Powell, alors secrétaire d’Etat, se fonda sur cette note pour justifier, devant l’Assemblée générale de l’ONU, une attaque sur l’Irak. Tout n’était que mensonge et invention. Par la suite, Colin Powell reconnaîtra que ce discours représentait l’erreur la plus lourde de conséquences de sa vie.

A l’automne de 2011 a eu lieu l’intervention soi-disant humanitaire contre la Libye. L’administration Obama brûlait d’impatience de faire tomber tous ces régimes et aurait poursuivi sur sa lancée avec la Syrie et l’Iran – visant ainsi, en réalité, la Russie et la Chine – sans la mobilisation internationale de M. LaRouche et de l’Institut Schiller, ainsi que les multiples interventions du chef d’état-major de l’Armée américaine, le général Dempsey. A l’ambassadrice américaine à l’ONU, Susan Rice, qui disait par exemple que « toutes les options sont ouvertes », Dempsey répliquait : « Non, le gouvernement de l’Iran est rationnel, on peut négocier avec lui ». Il s’est également opposé à toute intervention militaire contre la Syrie. Pour une raison très simple : les dirigeants militaires américains savent ce que signifierait cette guerre. Comparez vous-même les déclarations va-t-en guerre de l’Administration et ce que disent ces militaires.

Lors de la récente conférence du Conseil national des relations arabo-américaines, l’ancien ambassadeur Chas Freeman a prononcé un discours dévastateur. Il nous l’a envoyé, et nous pourrions en lire quelques extraits. Même d’un point de vue interne, la politique des Etats-Unis s’est avérée un échec total, sans la moindre utilité pour leurs propres intérêts ; au contraire, la guerre d’Irak n’a jamais été un jeu d’enfant, comme on nous l’a rabâché, de surcroît un jeu d’enfant qui s’autofinancerait. En réalité, six mille soldats américains ont été tués et cent mille blessés – sans parler des victimes irakiennes. Le coût de la guerre a été jusqu’ici de 3400 milliards de dollars. Le gouvernement au pouvoir à Bagdad n’est pas pro-irakien, mais de plus en plus pro-iranien. Et le danger d’un conflit entre chiites et sunnites se précise.

L’influence américaine dans la région est loin de s’en trouver renforcée. Chas Freeman souligne que cela a démontré les limites et non le pouvoir des Etats-Unis face à ses objectifs. Si l’objectif était de démontrer le respect et la primauté du droit aux Etats-Unis, dit-il, tous savent ce qui s’est passé à la prison d’Abu Ghraib, tous savent que les Etats-Unis n’accordent plus le traitement de la Convention de Genève à leurs ennemis ; selon Freeman, les Etats-Unis en sortent moralement affaiblis. Après onze ans de présence américaine en Afghanistan, 2000 Américains sont morts, 16 000 ont été blessés et il ne reste plus qu’une sortie plutôt honteuse, car ceux qu’ils forment pour prendre la relève dans ce pays se retournent contre leurs instructeurs.

Au mieux, le « Printemps arabe » peut être décrit comme le réveil des salafistes ; la guerre par drones interposés a déjà causé la mort – sans procès, acte d’accusation formel ni tribunal – de 5000 personnes. Al-Qaïda existe toujours, en dépit de ce meurtre plutôt bestial de ben Laden, perpétré et filmé en direct. Al-Qaïda ne cesse de croître pour s’étendre au Pakistan, au Yémen, en Afrique du Nord, au Sahel et même ailleurs en Europe et en Asie. On conclut aisément à un affaiblissement de l’influence américaine, et tout ce qu’il en reste est dû aux seules forces armées.

On ne peut que déplorer que les Etats-Unis aient désormais adopté la Doctrine Blair sous le slogan le « droit de protéger ». L’administration Obama a créé une étrange chose qui s’appelle The Atrocities Prevention Board (le Conseil chargé de prévenir les actes de barbarie), chargé de dresser la liste des pays où se produiraient des violations des droits de l’homme et où des interventions armées devraient être organisées.

Il faut également prendre en compte que la mise en place du système de défense antimissile de l’OTAN et des Etats-Unis en Europe de l’Est et une partie de la Méditerranée, est vue par la Russie comme une tentative d’encerclement couplée à une expansion [de l’OTAN] vers l’est. Le général Makarov, ancien chef d’état-major, a déclaré que la Russie ne saurait le tolérer car cela détruit son potentiel de riposte nucléaire et, partant, l’équilibre stratégique. La réaction de la Chine face aux nouvelles alliances américaines dans le Pacifique est très similaire.

Venons-en à la crise en Syrie. Au moment des événements en Libye, la Russie et la Chine sont restées à l’écart, tout en voyant bien que la prétendue « intervention humanitaire » en Libye était une guerre à outrance, culminant dans le meurtre également bestial du président Kadhafi, privé de toute protection de la Convention de Genève. C’est ainsi que la Russie et la Chine posent désormais leur veto au Conseil de sécurité de l’ONU. Avec la Syrie, voilà donc la contradiction frontale entre la Doctrine Poutine et la Doctrine Blair. Selon cette dernière, la Paix de Westphalie, qui consacrait la souveraineté nationale, a vécu. Selon la Doctrine Poutine, formellement communiquée à tous les gouvernements lorsqu’il revint au pouvoir, la Russie insiste sur le respect de la Charte de l’ONU, garante de la souveraineté nationale partout dans le monde.

Au moment même où nous parlons ici, l’affrontement pourrait avoir lieu.

Quant à l’Iran, il est clair qu’à lui seul, l’Etat d’Israël ne pourrait mener à bien une opération militaire d’envergure en raison de l’éloignement géographique, des problèmes de ravitaillement en kérosène, etc., et qu’il faudrait par conséquent que les Etats-Unis s’engagent également. Si cela devait avoir lieu, cela signifierait la fin de la civilisation.

Tout ceci intervient en plein effondrement du système financier transatlantique, provoqué par cette même politique impériale : révocation de Glass-Steagall et dérégulation des marchés financiers.

Les peuples grec, espagnol, portugais et italien – on en parle peu, mais le taux de suicide a triplé, et même quadruplé – est plongé dans le désespoir, un avant-goût de ce qui pourrait advenir.

L’Institut Schiller, ainsi que moi-même, sommes en contact avec de nombreux économistes, qui vous diront en privé tout le mal qu’ils pensent de l’irresponsabilité des gouvernements, de leur politique d’austérité dictée par l’UE, des renflouements bancaires. Ils considèrent que le système bancaire pourrait s’effondrer du jour au lendemain, avec des effets incalculables sur la population. L’Angleterre, l’UE ainsi que la Suisse se préparent à la disparition de l’euro par des plans d’urgence – sans parler du krach du système financier international.

Face à ces deux périls existentiels – guerre thermonucléaire et krach financier – qui pourrait faire disparaître l’espèce humaine, une question se pose : avons-nous le courage moral et l’intelligence qu’il faudrait pour changer à temps les règles du jeu, ou nous montrerons-nous aussi intelligents que les dinosaures ?

Il nous faut donner une perspective totalement nouvelle au débat international, proposer une solution qui parle à la Raison, en prenant de la hauteur par rapport à tous ces conflits historiques, ethniques ou religieux. Chacun doit reconnaître que son intérêt propre, et celui des générations à venir, l’exigent. Faisons tout le contraire de la Doctrine Blair : rétablissons les principes qui ont inspiré la Paix de Westphalie. Cette paix ne fut conclue qu’en raison de 150 ans de guerre religieuse suivie de la Guerre de Trente Ans. L’Europe était détruite à tel point qu’il était évident que même les « vainqueurs » seraient inévitablement vaincus.

Les négociations pour la Paix de Westphalie ont duré quatre ans, et c’est précisément ce Traité qui a fondé le droit international et la Charte de l’ONU.

Le premier principe de la Paix de Westphalie est celui-ci : en faveur de la paix, tous les crimes de tous seront pardonnés et oubliés. Sauf à l’appliquer, il n’y aura jamais de paix.

Le deuxième principe est celui-ci : en faveur de la paix, toutes les décisions politiques se fonderont sur l’intérêt mutuel.

Le troisième, conséquence non écrite dans le Traité de Westphalie, consacre la reconnaissance de l’importance vitale de la nation, de l’Etat souverain, et le rôle de l’Etat dans la reconstruction, après les affres de la guerre. Le pays devait atteindre un niveau plus avancé que celui connu auparavant. Ici on voit les prémices de l’économie physique, alors connue sous le nom de caméralisme.

Nous proposons aujourd’hui un plan de développement économique pour toute l’Asie du Sud-Ouest – c’est-à-dire tout l’Orient, Proche, Moyen et Extrême. Faites l’effort d’imaginer le Pont terrestre eurasiatique pour le Moyen-Orient, le Caucase, l’Asie centrale, l’Afghanistan, l’Iran, le Golfe, la Péninsule arabique, Israël, l’Autorité Palestinienne, la Jordanie, le Liban, la Syrie, la Turquie et l’Irak comme un seul espace intégré. Plutôt que de devenir le foyer d’une conflagration thermonucléaire vouée à embraser la planète, nous devrions en faire l’une des régions les plus prospères et avancées du globe.

On y voit un immense désert qui commence dès la côte atlantique de l’Afrique du Nord, s’étendant à travers toute la Péninsule arabique vers la Chine occidentale – 13 millions de km2 au total.

Vous avez vu maintes fois à la télévision les villes détruites par les bombements à Gaza, Bagdad, en Syrie. La région est dévastée, le revenu moyen représente $800, non pas mensuels mais annuels. Avec une misère aussi abjecte, non seulement la paix est impossible, mais recruter des terroristes est chose plutôt aisée.

Or, la région n’a pas toujours été ainsi. A la fin de la dernière période glacière, elle était presque entièrement recouverte de végétation. Imaginez une animation sur PC des 20 000 ans depuis la dernière période glacière et vous concevrez facilement cette expansion du désert. Et il continue à s’étendre. D’ailleurs, selon un rapport de l’ONU datant d’il y a cinq ans déjà, 50 millions de personnes pourraient être déplacées à cause de la sécheresse.

Pourtant, il y eut aussi une période où cette région du monde était le sommum de la civilisation pour toute la planète ! C’était la période de la Route de la soie, où vous aviez le plus d’échanges culturels et économiques, un commerce florissant, avec une urbanisation et une architecture hors du commun.

Bagdad était, à l’époque des Abassides, l’une des villes les plus développées du monde, comme nous pouvons le voir ici dans une illustration faite par un artiste. C’est là qu’il y avait le plus de gens lettrés, le plus de livres et de bibliothèques.

C’est aussi la période où [le calife] Haroun al-Rashid entretenait des relations avec Charlemagne, et où les connaissances de Méditerranée, d’Egypte, de Grèce, d’Italie, d’Espagne furent rassemblées grâce à des émissaires venus de partout pour les déposer auprès des califes, comme al-Mansour ou al-Rashid, en échange de leur « poids en or », pour ainsi dire.

Lorsque l’Europe fut détruite après la chute de l’Empire romain, une bonne partie de la connaissance héritée de la grande époque de la civilisation grecque, ou provenant d’autres périodes avancées, fut perdue, et c’est seulement grâce aux relations entre Haroun al-Rashid et Charlemagne que l’Europe put recouvrer ses racines antérieures !

Ici nous avons le premier hôpital ; ceci est une horloge à eau, donnée à Haroun al-Rashid ; ceci est un autre beau présent qui lui a été fait. Voici Haroun al-Rahsid en train de jouer au polo. Ceci est très amusant, à mon sens, et montre qu’ils avaient du temps libre. Ici, la Maison de la sagesse à Bagdad. Ceci est une école et des élèves.

Ici, Avicenne, (Ibn Sina), qui n’est pas originaire d’Irak mais plutôt de ce qui est aujourd’hui l’Iran, je crois. Il y avait plusieurs penseurs, al-Farabi, al-Kindi, Ibn Sina, tous dans la tradition de Platon. Ibn Sina était un maître en médecine et avait fait des études très avancées du corps humain. Ceci est son travail traduit en latin. Nous voyons comment son influence s’est propagée. Avicenne était si célèbre et avancé dans ses études médicales qu’il fallut attendre le XVIIe siècle en Europe pour voir son savoir surpassé.

Il n’y a donc aucune raison pour que cet âge d’or de la Renaissance perse et arabe ne soit pas ravivé. De la même manière que les cultures européennes sont déconnectées de leur apogée, l’Italie n’arrivant pas au niveau qu’elle avait connu lors de la Renaissance ou l’Allemagne à celui qu’elle atteignait à l’époque classique, les cultures arabe, perse ou islamique ne peuvent pas être revitalisées à un niveau moderne sans reprendre contact avec leurs racines qui se sont développées au cours de leur apogée.

Aujourd’hui dans ces régions, il y a un déficit incroyable d’infrastructure et de développement industriel ; il n’y a presque pas d’agriculture, en raison du manque total d’eau. Vous pouvez voler pendant six, sept heures au-dessus de l’Afrique du Nord ou du grand Moyen-Orient sans voir un seul point vert. Je l’ai fait une fois, et je regardais, me demandant : « Où sont les oasis ? » Il n’y en avait pas !

Par conséquent, nous devons traiter cette région comme faisant partie du Pont terrestre eurasiatique. Ce concept a émergé d’une proposition que nous avions faite, M. LaRouche et moi, en réaction à l’effondrement de l’Union soviétique, et que nous avions présentée en 1991. L’idée était de connecter les populations et les centres industriels de l’Europe avec ceux d’Asie, par l’intermédiaire de « corridors de développement ». Pour cela, nous avons utilisé, après les avoir étudiés en profondeur, les lignes existantes comme le chemin de fer transsibérien ou l’ancienne Route de la soie, car elles représentaient les lieux géographiques optimaux, et nous avons proposé une coopération intensive entre tous les pays du Pont terrestre eurasiatique.

Ceci était l’idée que nous nous faisions de la paix au XXIe siècle. Au début, nous avons participé à des centaines de séminaires et de conférences à ce sujet. Les gens disaient : « Oui, ce serait une bonne idée, mais c’est utopique. Qui devrait financer ceci ? »

Cela a néanmoins abouti au concept de Pont terrestre mondial, qui est aujourd’hui en train d’émerger, en voie d’être réalisé, et ce qui n’était au début qu’une idée est aujourd’hui à divers stades de réalisation grâce à l’implication des gouvernements chinois, russe, sud-coréen, etc. L’idée est essentiellement de prendre le programme de développement pour le Moyen-Orient et de l’intégrer dans le Pont terrestre mondial.

Ce que je suis en train de dire, et que nous allons développer plus longuement par la suite, notamment avec Hussein Askary, c’est que tout ceci ne marchera que si nous pouvons convaincre les gouvernements de Russie, de Chine, d’Inde, d’Iran, et, je l’espère, certains pays européens et les Etats-Unis, qui devraient abandonner leur politique de relation spéciale avec l’Angleterre et revenir à celle de John Quincy Adams, de former une alliance entre pays entièrement souverains. Alors le Pont terrestre mondial se réalisera.

La première priorité est de faire la guerre au désert, car l’un des principaux problèmes de cette région est le manque d’eau. Nous devons pour cela nous attaquer à trois problèmes clé : le premier est d’inverser le flux des eaux de l’Arctique vers l’Asie centrale, puis certains projets comme le projet GAP en Turquie, le pipeline de la paix, qui n’a jamais été réalisé, sans oublier le Plan Oasis proposé par M. LaRouche en 1974. Il faut concentrer notre attention sur le dessalement de l’eau par le nucléaire et le développement de réservoirs d’eau souterrains, douce ou saumâtre.

L’approche doit être la même que celle proposée dans le North American Water and Power Alliance (NAWAPA), qui est le plus grand projet infrastructurel jamais entrepris par l’humanité, consistant à canaliser l’eau qui coule en Amérique du Nord vers l’océan Arctique, pour l’acheminer le long des montagnes Rocheuses jusqu’au Mexique. Ceci permettrait de créer immédiatement six millions d’emplois. Le plan est aujourd’hui à l’étude au Congrès américain grâce à notre travail.

L’idée que cela implique est d’utiliser l’intervention humaine pour élever la biosphère à un niveau supérieur, en redirigeant de grandes quantités d’eau pour favoriser le développement de la végétation, puis, grâce à la photosynthèse, faire en sorte que l’évaporation conduise à la formation de nouveaux systèmes nuageux, modifiant ainsi la pluviométrie au niveau régional.

Je vais maintenant identifier quelques projets clé qui seront présentés plus en détail par Hussein, seulement pour encadrer ce je vais dire par la suite. D’abord, nous voulons voir se développer le bassin de la mer d’Aral, qui n’est plus qu’à 10 % de sa taille d’origine, ce qui représente un gros problème pour tous les pays d’Asie centrale. Ceci est arrivé à cause des monocultures de la période soviétique, transformant la plupart de ces pays en zones arides salées, où les vents hivernaux transportent le sel vers le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et le Turkménistan, détruisant l’agriculture et la santé des habitants.

Ensuite, nous voulons détourner, par exemple, une partie des eaux du fleuve Pechora, qui coule vers l’océan Arctique, vers la Volga, via Kama. Ceci permettra de pomper jusqu’à 19 km3 d’eau par an dans le système de la mer Caspienne composé de divers canaux et irriguant le Caucase. Ce projet a été conçu à l’époque de Brejnev, et le coût était alors estimé à seulement 4 milliards de dollars, ce qui n’est évidemment pas beaucoup. Il a été complètement enterré à l’époque de Gorbatchev.

Nous souhaitons canaliser sur 2550 km les fleuves Ob et Irtysh, les rehausser de 300 mètres au moyen de six écluses vers la mer d’Aral, puis vers le canal Sib-Aral. Dans un premier temps, seul 7 % du débit des deux fleuves suffira à pomper 26 km3 d’eau par an vers la mer d’Aral.

Dans un deuxième temps, ce seront 60 km3 par an, car le canal sera élargi pour la navigation à fort tirant d’eau. Dans le prolongement du canal turkmène destiné à la navigation depuis la mer Noire à travers le canal Don-Volga, on construira le Canal eurasiatique, qui traversera le Caucase russe et l’Afghanistan pour rejoindre la mer d’Aral. Ainsi, l’Asie centrale sera reliée à l’océan Atlantique via la Méditerranée, et à l’océan Indien à travers le canal de Suez.

L’agriculture pourra alors être diversifiée également, car le coton trop hydrophage ne convient pas comme culture dans des régions aussi arides.

La mer d’Aral fourmillera alors de poissons et le climat de toute la région deviendra plus tempéré, grâce à la végétation que permettra l’irrigation.

Autre projet : un pipeline souterrain de 4 à 5 mètres de diamètre, acheminant l’eau du canal turkmène vers le centre de l’Iran, très fertile, à travers la chaîne montagneuse Alborz et vers les villes iraniennes à l’ouest de Machhad.

Ce pipeline pourra être construit rapidement car la région a déjà d’excellentes connexions à la ligne ferroviaire eurasiatique qui passe par Machhad. Le gouvernement iranien a déjà lancé plusieurs de ces projets pour combattre la désertification, en collaboration avec d’autres Etats d’Asie centrale, et souhaite construire des voies navigables entre la mer Caspienne et le golfe Persique. Si certains projets sont en cours, d’autres sont en attente, et d’autres encore à l’état de simple projet.

Par exemple, le projet dit Turkish GAP, à travers l’Anatolie du Sud-Est, dont le modèle est le Tennessee Valley Authority. Ce projet, lancé il y a 20 ans déjà, aboutira à 22 barrages qui permettront de générer de l’électricité, gérer les ressources hydriques et contrôler les inondations. Le projet concerne 10 % des terres du bassin Tigre- Euphrate et les plaines du Sud-Est. A terme, 1,7 million d’hectares de terres agricoles pourront être cultivées.

Or, il s’agit d’une région à majorité kurde, frontalière avec la Syrie, l’Irak et l’Iran, donc au centre de la tempête. Mais il faut souligner que ce projet très impressionnant est la seule issue pacifique.

La clef de voûte du projet GAP est le barrage Atatürk (achevé vers 1990), l’un des plus importants du monde. Ce barrage amène l’eau vers les plaines de Harran, Mardin et Ceylanpinar, d’où le potentiel agricole et industriel.

En 1993, pendant les négociations pour les Accords d’Oslo israélo-palestiniens, il a été question du Turkish Peace Pipeline. Jamais construit, l’idée était néanmoins d’apporter de l’eau depuis la Turquie vers Israël et la Palestine, la Jordanie, puis vers les Etats désertiques de la région du Golfe. Il y aurait également un pipeline occidental vers le Ceyhan et le fleuve Ceyhan, qui actuellement se déverse inutilement dans la Méditerranée à Adana, à travers des pipelines séparés. Tous deux amèneraient de l’eau, l’un dans l’ouest à travers la Syrie, la Jordanie, Israël, la Palestine, et l’autre vers l’est, par la Syrie, l’Irak, le Koweït et autres pays du Golfe, long de 3900 km. Les deux pipeline transporteront 16 millions de mètres cube d’eau par jour.

En 1975, M. LaRouche a été invité à Bagdad pour une célébration annuelle du Parti Baath. Il s’est entretenu avec de nombreux dirigeants du monde arabe et a pu visiter les anciens systèmes d’irrigation en Irak. C’est là qu’il conçut le Plan Oasis : des centrales nucléaires seraient utilisées pour dessaler l’eau de mer à très grande échelle. L’Agence internationale de l’énergie atomique, le gouvernement de l’Iran, le Conseil de coopération du Golfe ainsi que la France ont mené des études sur le rapport coût/efficacité du nucléaire dans ce contexte, par rapport au gaz naturel.

Seul l’Iran possède actuellement une grande centrale nucléaire (à Bushehr), depuis 2001, grâce à une collaboration avec la Russie. Au début des années 1970, Siemens avait un projet de centrales de dessalement d’eau de mer, qui ne furent jamais construites. L’Iran envisage plusieurs nouvelles centrales, destinées au dessalement.

Quant aux Emirats, ils ont fondé en 2009 l’Emirate Nuclear Energy Corp. (ENEC) à Abu Dhabi, un projet conjoint avec la Corée du Sud et la Korea Electric Power Corp. (Kepco). Quatre centrales nucléaires de 1400 MW sont censées être construites avant 2020. La première a été lancée en juillet 2012. Des ingénieurs des Emirats seront formés en Corée du Sud.

Le gouvernement saoudien a l’intention de construire 16 centrales nucléaires avant 2030. Le King Abdullah City for Atomic et Renewable Energy devait à l’origine inclure un programme de formation, qui semble être arrêté. Effectivement, le talon d’Achille de l’Arabie saoudite est qu’elle dépend pratiquement à 100 % de l’étranger, tant pour la force de travail que pour l’expertise.

Si le Plan Oasis élaboré par LaRouche en 1975 avait été mis en œuvre, on ne connaîtrait pas les conflits armés et l’extrême pauvreté qui désolent aujourd’hui la région. A différents moments, Israël et la Palestine étaient d’accord pour aller dans ce sens. Le ministre israélien des Affaires étrangères de l’époque, Shimon Perès, et le Premier ministre Yitzhak Rabin ont lancé en 1985 une campagne en faveur d’un Plan Marshall pour tout le Moyen-Orient. Lorsque les Accords d’Oslo furent signées en 1993, ces plans étaient à deux doigts d’être réalisés. Mais comme LaRouche l’a expliqué, un tel plan ne peut réussir que si la population voit de ses propres yeux les machines de terrassement déjà à l’œuvre.

La Banque mondiale et la communauté internationale ont tout sabordé. Le 20 septembre 1993, la Banque mondiale annonça que le financement des projets d’infrastructure et d’énergie ne serait pas accordé. Or, Perès et Rabin avaient prévu un budget de $50 milliards pour lancer le programme. Comparez cette somme avec les $25 000 milliards dépensées pour renflouer les banques.

Le Pont terrestre doit absolument être étendu à cette région, avec d’autres projets essentiels d’infrastructure, et surtout la lutte contre la désertification, les transports et la gestion des ressources hydriques. Les Etats-membre du Gulf Cooperation Council sont déjà en train de construire un réseau ferroviaire mutuel destiné à être terminé avant 2017. L’Arabie saoudite devait être connectée à l’Egypte à travers le Sinaï vers le golfe d’Aqaba, mais la crise a empêché la mise en œuvre des études.

L’un des objectifs du projet est de créer des connexions de transport pour que les pèlerins musulmans d’Afrique du Nord puissent arriver par air, mer et terre. Puis il y a le projet de pont sur le détroit Bab-el-Mandeb entre le Yemen et Djibouti, dont une entreprise danoise allait se charger. Si le krach de la bulle immobilière à Dubaï l’a arrêté pour le moment, ce pont pourrait être la connexion terrestre la plus importante entre l’Asie et l’Afrique subsaharienne.

Le détroit d’Ormuz devrait également être traversé soit par un tunnel, soit par un pont. Il y a un siècle déjà, les Allemands et l’Empire ottoman avaient projeté un chemin de fer dit « Al Hejaz », liaison entre les villes sacrées de l’Arabie occidentale vers la Turquie et traversant la Jordanie et la Syrie.

Le chemin de fer Berlin-Bagdad existe, mais il nécessite des travaux de modernisation plus qu’urgents et doit être étendu vers la province du Golfe. L’Arabie saoudite veut une connexion avec le chemin de fer irakien, et l’Iran a déjà fait la liaison ferroviaire entre la ville portuaire de Bandar Abbas, sur le Golfe, et le Turkménistan à travers la connexion Machhad-Sarak (1996), par laquelle la Route de la Soie a été rétablie.

Cette connexion achevée en 1996 a été une percée majeure. Elle a été décidée lors d’une grande conférence à Beijing pour discuter des projets, réunissant les 34 pays longeant le Pont terrestre eurasiatique, et Beijing a alors officiellement annoncé que ce serait intégré à la perspective stratégique à long terme de la Chine. Si la crise de 2007-2008 a tout interrompu, le Pont terrestre eurasiatique est maintenant de retour.

Une autre ligne est en travaux, entre la Russie, l’Iran et l’Azerbaïdjan, à travers le Caucase vers l’Europe.

Cependant, comment faire face au problème du manque de main-d’œuvre qualifiée dans certains pays riches, tandis que des pays pauvres ont une force de travail éduquée mais aucune ressource – comment alors développer toute la région ?

Il faut partir d’un concept d’ensemble, à l’horizon de 20, 40 voire 50 années. Puis tous les gouvernements concernés doivent s’y engager, comme stratégie pour éviter la guerre. Les ministères des transports et des sciences doivent se rencontrer en groupe de travail, peaufiner les détails, puis l’annoncer aux peuples comme ferme intention.

Il faut une déclaration comme celle de Téhéran en 1943, lorsque le représentant personnel de Franklin Roosevelt, le général Patrick Hurley, a promis à l’Iran son indépendance et son intégrité territoriale. FDR a lancé un plan de développement économique. Je vais vous citer la Déclaration de Téhéran, mais en y changeant trois mots, afin d’englober toute la région :

« L’inauguration, dans tous les pays du Grand Moyen Orient, du schéma américain d’auto-gouvernement et de liberté d’entreprendre, sera la garantie que le produit du développement des ressources des pays de la région sera essentiellement investi dans la création d’écoles, d’hôpitaux, de systèmes de santé, d’irrigation et dans l’amélioration de toutes les facilités qui concourent à la santé, au bonheur et au bien-être général des peuples de la région. Ce plan de construction de nations (nation-building) pourra être amélioré, grâce à notre expérience dans la région, et pourra devenir la norme, pour les relations entre les USA et toutes les nations qui aujourd’hui pâtissent des maux que leur infligent des minorités cupides, des monopoles, l’agression et l’impérialisme. »

Il est tout d’abord nécessaire que les Etats-Unis reviennent à la tradition de leurs pères fondateurs, celle des Benjamin Franklin, Lincoln, John Quincy Adams, Franklin Roosevelt. Cette tradition est encore très vivace aux Etats-Unis !

La question qui se pose dès maintenant est de savoir qui financera cela. Nous pourrions nous demander, si nous voulons être polémique, combien vaut l’effort pour empêcher l’extinction de la civilisation qui s’ensuivrait si cela n’était pas entrepris. Je peux vous assurer que cela ne sera jamais construit dans le contexte du vieux paradigme de la globalisation, car le système est sur le point de se désintégrer sous le coup d’une explosion hyperinflationniste.

Ce système doit donc être remplacé par un système de crédit inspiré de celui d’Alexander Hamilton, le premier secrétaire au Trésor des Etats-Unis, et pas l’instauration d’une Banque nationale.

Cette politique fait écho à la Reconstruction Finance Corp. de Franklin D. Roosevelt, ainsi qu’au Kreditanstalt für Wiederaufbau pour le Plan Marshall en Allemagne après la guerre, moyen par lequel, en quelques années, l’Allemagne est passée, du champ de ruines qu’elle était en 1945 à un miracle économique qui fit l’admiration du monde.

Chaque nation doit refonder une Banque nationale, qui octroiera du crédit pour ces projets bien définis. Puis il y aura un accord à long-terme entre les gouvernements, un accord multinational qui représentera un nouveau système de crédit.

Les crédits seront à long terme et à faible d’intérêt. Les critères d’octroi seront leur utilité vis-à-vis de l’économie physique et leur capacité à maximiser le flux de densité énergétique. Ainsi le pétrole ne sera plus un combustible, mais une ressource de l’industrie chimique.

Les investissements étrangers ne seront plus recherchés. Le nouveau système de crédit octroiera des crédits pour la production de biens physiques. Peu ont compris cette notion, qui contredit totalement celle de renflouer les institutions pour couvrir des dettes du passé. Entre le moment où je vous parle et le Nouvel An, le Congrès fraîchement élu prendra ses fonctions. Aux Etats-Unis, une nouvelle loi Glass-Steagall pourrait très bien être votée. Partout aux Etats-Unis, au Congrès, au Sénat, parmi les dirigeants des banques régionales d’épargne, parmi les Républicains et même certains à Wall Street et à la City de Londres – on sait que toutes les moutures diluées (la Règle Volcker, la Commission Vickers, ring-fencing et que sais-je encore) sont un échec, et que seule une loi Glass-Steagall pourra éteindre l’incendie.

Les banques de dépôt bénéficieront alors de la protection de l’Etat, tandis que les banques d’investissement devront se charger d’apurer leurs propres comptes, sans pouvoir piocher dans les comptes d’épargne des particuliers ni faire appel au contribuable. On peut prévoir que nombre de ces banques d’investissement seront déclarées en faillite. Nous aurons alors besoin d’un système de crédit car il n’y aura pas assez de liquidités pour faire fonctionner l’économie. On mettra en place des lignes de crédit pour la production future, et non pas des renflouements hyperinflationnistes pour les dettes passées.

Ceci nous ramène aux conceptions politiques de Friedrich List, de l’Union douanière allemande, du développement de l’économie allemande au XIXe siècle. C’est Friedrich List qui, dans ses écrits, a clairement montré la différence entre les systèmes britannique et américain d’économie politique. Le système britannique, qu’il décrit de manière extensive, basé sur le monétarisme, le libre-échange, l’« acheter bon marché et revendre cher », qui est le système actuel du FMI, de l’OMC et de toutes les institutions financières d’importance, se trouve au bord de la faillite.

Le second système, l’américain, est entièrement différent. Il est basé sur la supposition que la seule source de richesse est l’accroissement de la productivité de la force de travail, et que c’est par conséquent dans l’intérêt de l’Etat de développer les capacités cognitives de ses citoyens, de la meilleure manière possible.

Ce Système américain a ensuite été développé plus avant par Henry C. Carey, qui était le conseiller économique d’Abraham Lincoln, et qui en a consigné les principes essentiels dans son livre Le Système américain d’économie politique. On ignore souvent que grâce à l’influence de l’ambassadeur américain à Berlin, George Bancroft, de son ami d’enfance John Lothrop Motley, et deWilhelm von Kardorff, le fondateur de l’Association centrale de l’Industrie allemande, le chancelier Bismarck devint un partisan du Système américain de protectionnisme ainsi qu’un disciple de Carey et List.

Ceci explique comment l’Allemagne s’est développée soudainement à partir de la fin de l’ère Bismarck, de l’état d’économie féodale à celui de nation fortement industrialisée, l’une des plus avancées de l’époque. Bismarck avait rejeté le dogme du libre-échange et du monétarisme, pour adopter celui de la construction de la nation dans son ensemble.

La même chose est arrivée au Japon après la restauration Meiji. Le pays était resté isolé pendant plusieurs siècles après avoir décidé d’expulser les jésuites et autres moines. Mais à partir de la moitié du XIXe siècle, quelques économistes se sont rendus en Allemagne et en Hollande et se sont familiarisés avec les écrits de Friedrich List et Henry C. Carey. Ces principes ont ensuite été mis en application au cours de la Restauration Meiji. Ainsi, en quelques années, le Japon devint l’une des principales économies du monde.

L’industrialisation de la Russie, grâce à Sergueï Witte, qui était un fervent disciple de Friedrich List, s’est enclenchée exactement de la même manière.

Ce que je suis en train de dire est évidemment contraire à la tendance politique actuelle et contredit complètement le soi-disant Projet des années 1980, initié en réalité en 1975 par le Council on Foreign Relations de New York et la Commission Trilatérale, qui avait de son côté un projet pour la « désintégration contrôlée de l’économie mondiale ». Quelque 22 études ont été faites dans ce sens puis publiées par McGraw-Hill, dont la thèse principale se résumait à ceci : ne jamais laisser le modèle japonais être repris une fois de plus ! Il fallait en même temps, ont-ils proclamé, empêcher le socialisme de fusionner avec le mercantilisme, ce qui risquait d’arriver dans plusieurs pays du tiers-monde.

Le problème est que si nous ne mettons pas fin à ce type de pensée coloniale, nous ne survivrons pas en tant qu’espèce. Nous devons, par conséquent, décider consciemment de faire un saut dans l’évolution humaine. Plutôt que de se quereller pour des ressources limitées et pour des « intérêts géopolitiques », nous devons, en ce grave moment de l’histoire, définir des intérêts communs pour l’humanité dans son ensemble.

Si le Moyen-Orient appelle un changement de paradigme, il existe un autre endroit où la planète se trouve menacée dans son ensemble. Il y a un danger de guerre thermonucléaire associé au système antimissile déployé par les Etats-Unis et l’OTAN, qui est considéré comme inacceptable par la Russie. Ceci doit être abordé de la manière présentée par le Premier ministre russe adjoint Dimitri Rogozine : la Défense stratégique de la Terre.

Une équipe de jeunes scientifiques rassemblée autour de LaRouche a travaillé sur une conception dérivée de l’Initiative de défense stratégique que mon mari avait proposée entre la fin des années 1970 et le début des années 1980. Il s’agit d’une proposition globale visant à remplacer les armes nucléaires par des armes basées sur des principes physiques nouveaux, connue plus tard sous le nom d’IDS. Le Président Reagan en avait même fait la politique officielle des Etats-Unis dans sa déclaration du 23 mars 1983. Elle fut alors rejetée par le gouvernement russe, sous prétexte qu’elle aurait accordé plus d’avantages à l’Occident, mais l’argument n’était pas valable puisque Reagan avait proposé à deux reprises de coopérer avec les Russes et d’appliquer ces nouveaux principes à l’économie civile.

LaRouche avait cependant affirmé que si le gouvernement russe s’entêtait à refuser cette offre, l’économie soviétique se désintégrerait avant cinq ans. Personne ne l’a alors cru mais l’histoire a montré que mon mari avait raison, car l’Union soviétique a en effet disparu en conséquence de ce refus.

Cette proposition a maintenant été transformée, par LaRouche et son équipe, en Initiative de défense de la planète, pas seulement contre les missiles thermonucléaires mais aussi contre la menace croissante de collision avec un astéroïde ou une comète, là où l’homme ne dispose pas encore de technologie valable pour y faire face. Elle peut également servir de système d’avertissement rapide contre les tremblements de terre, les tempêtes et les éruptions volcaniques, etc.

Ces menaces ne concernent pas qu’une seule nation. La survie de toute l’espèce dépend de notre capacité à maîtriser ces processus ou de s’y adapter.

Il y a quelques mois, deux petits astéroïdes sont passés près de la Terre, à seulement 14 000 km de distance. En février 2013, un autre astéroïde, nommé 2012DA14, d’environ 45 mètres de diamètre et pesant quelque 14 000 tonnes, doit passer relativement près ; il ne frappera probablement pas la Terre, mais il peut devenir un réel danger pour les nombreux satellites en orbite. Un autre objet, plus gros et nommé 2011AG5, doit passer en 2023 puis en 2028. En 2040, une collision avec un autre objet de 140 mètres de diamètre pourrait avoir lieu et conduire à la destruction d’un pays de taille moyenne.

Une collision avec un astéroïde de plus de 10 kilomètres de diamètre est à l’origine du cratère de Chicxulub, dans la péninsule du Yucatán au Mexique. Selon une hypothèse sérieuse, cet impact serait responsable de la disparition non seulement des dinosaures, mais de presque 80 % de toutes les espèces existant à cette époque. La collision la plus importante dans la période récente a eu lieu à Tunguska en Sibérie, en 1908. Il s’agissait d’un objet de 30 à 50 mètres de diamètre seulement, mais il a laissé un cratère un peu plus grand que la région métropolitaine de New York.

Si vous comparez la taille de l’astéroïde avec l’énergie libérée, ainsi qu’avec les conséquences de la collision, vous voyez qu’un objet de 10 km peut entraîner l’extinction complète de l’espèce humaine. On connaît très peu d’astéroïdes de cette taille et plusieurs d’entre eux n’ont pas encore été localisés.

Il n’existe pour l’instant aucune méthode pour protéger la Terre, et s’il est évident que ces astéroïdes ne respectent les accords de Schengen ou autres accords de ce type, pourquoi alors ne pas mettre en place une coopération à l’échelle internationale pour défendre l’humanité contre de telles menaces ?

Nous aurons l’occasion cet après-midi d’écouter un orateur qui a participé à la conférence de l’IGMASS qui a eu lieu en septembre en Ukraine. IGMASS signifie International Global Monitoring Aero-Space Systems, et nous allons voir quel est l’état actuel de la recherche dans ce domaine.

Après le tremblement de terre et le tsunami qui ont frappé la région de Fukushima le 11 mars 2011, tout le monde n’a pas réagi de manière aussi irrationnelle que le gouvernement allemand. Plutôt que de sortir du nucléaire, sans source de remplacement adéquate, et de s’engager dans cette utopie connue comme « décarbonisation de l’économie mondiale », une formule mise de l’avant par l’Institut de Potsdam pour la recherche climatique et par M. Schellnhuber, Commandeur de l’ordre de l’Empire britannique comme il aime lui-même à le rappeler – « décarbonisation de l’économie mondiale » signifie sortir non seulement du nucléaire mais en plus de toutes les énergies fossiles, ramenant la planète à une capacité d’accueil d’un milliard d’habitants ! – contrairement à cette politique allemande insensée donc, plusieurs pays ont accru leur effort de recherche sur les signaux précurseurs des tremblements de terre et éruptions volcaniques, mais aussi des grands incendies et autres conditions climatiques extrêmes, cherchant à intégrer les différentes manifestations précédant les grands tremblements de terre.

Par exemple, des anomalies gravitationnelles, des effets particuliers dans l’ionosphère, la libération de gaz par la croûte terrestre, des changement brusques de température en son sein, des instabilités dans la rotation de la Terre, et autres phénomènes ayant un impact sur la géologie de notre planète, comme l’activité solaire, etc.

Nous avons donc besoin d’un système intégré d’avertissement concernant tout ceci, et le prochain saut dans l’évolution de l’homme exige, pour la même raison, des voyages spatiaux habités, comme l’avait fait remarquer l’astronauticien Krafft Ehricke, qui avait participé au programme Apollo. Il avait appelé cette exigence l’« impératif extraterrestre ».

Il avait avancé une très belle argumentation, montrant comment l’évolution de la vie s’était faite par la conquête des continents, à l’aide de la photosynthèse, et comment l’homme s’était d’abord établi le long des côtes et à l’embouchure des grands fleuves. Ensuite, avec le développement de l’infrastructure, il a construit des routes, des canaux, et conquis l’intérieur des terres. Il y a eu l’invention des chemins de fer, lui permettant de pénétrer plus avant au cœur des continents, un processus qui est encore en cours, comme nous pouvons le voir avec le manque d’infrastructure dans le grand Moyen-Orient.

Krafft Ehricke avait la conviction que la prochaine étape nécessaire dans cette évolution serait la colonisation de l’espace, surtout le voyage spatial habité. Au début, dans les environs immédiats de la Terre, puis vers la Lune et Mars, et encore au-delà dans une période ultérieure. Avec l’arrivée de Curiosity sur Mars, nous avons un fantastique avant-goût des capacités futures de l’humanité. Dans un délai de seulement de quelques dizaines de minutes, le temps qu’il faut à un signal pour se rendre de Mars à la Terre, nous pouvons percevoir, avec nos propres sens, ce qui s’y passe. Nous pouvons voir, entendre, parler, nous pouvons faire des expériences avec des lasers, nous pouvons étudier les propriétés de Mars, nous pouvons également voir les expériences conduites par le rover, et ceci nous donne un immense sentiment d’optimisme.

Un optimisme qui n’existait pas depuis la fin du programme Apollo, époque où beaucoup de jeunes voulaient devenir astronaute. Ceci peut être remis sur la table.

L’homme est la seule espèce capable de découvrir de nouveaux principes physiques universels, dans la science et les arts. La vérité ne réside pas dans la perception sensorielle, mais dans le processus du progrès dans la connaissance de ces principes. Ce qui permet à l’homme de perfectionner sans arrêt ce processus est sa capacité innée à créer. Nicolas de Cues, le grand philosophe du XVe siècle, l’a surnommée la vis creativa, le pouvoir créatif de l’homme. Lorsque l’être humain est créatif, il découvre de nouveaux principes qui correspondent à des lois réelles dans l’univers physique, et il peut faire évoluer la biosphère, à travers la noosphère comme l’a décrit Vernadski.

Le fait que l’homme puisse découvrir ces principes est la preuve que l’activité créatrice de l’esprit humain est cohérente avec les lois de la Création, l’univers physique. Car si une idée immatérielle, une hypothèse, une pensée, conduit à des changements et des améliorations dans l’univers physique, alors une telle cohésion doit exister, sinon cela ne fonctionnerait pas.

On appelle également cela la loi naturelle, et vous pouvez violer cette loi, l’ordre de l’univers, pendant un certain temps, mais vous ne pouvez le faire indéfiniment, sinon les lois de l’univers riposteront. Nous avons atteint ce point, où une violation continue des lois de l’univers, un rejet de la créativité, comme mode d’opérer au quotidien, représentent une réelle menace ! Il s’agit d’un test moral pour l’homme. Y a-t-il suffisamment d’êtres humains capables de réagir face à la possible extinction de leur espèce par le biais d’une guerre thermonucléaire ?

Nous sommes donc soumis à un test. Serons-nous assez nombreux pour travailler ensemble à l’élaboration d’un plan pouvant nous sortir de cette crise ? Pouvez-vous nous aider, en participant à cet effort visant à convaincre les gouvernements de ce monde d’abandonner leur étroitesse d’esprit, leurs combats géopolitiques, pour réaliser le type de changements nécessaires à la survie de l’espèce humaine ?

Je sais que c’est possible. Je sais que l’esprit humain est capable de faire ce type de saut, de penser ou d’imaginer les choses comme peuvent le faire les grands compositeurs, les grands poètes ou les grands artistes. Et je pense que nous avons besoin de l’aide des peuples sages de cette planète, des scientifiques et artistes, pour un objectif commun, la survie de la civilisation.

Je ne veux pas sous-estimer le danger, car il est absolument gigantesque ! Je pense que si la plupart des peuples savaient à quel point nous sommes au bord d’une guerre thermonucléaire, personne ne pourrait dormir. Et je ne veux pas que vous partiez de cette conférence pour dormir ! Je veux que vous soyez bouleversés, complètement bouleversés et inquiets, car cela vous donnera l’énergie nécessaire pour nous aider à changer les choses.

La raison pour laquelle je suis optimiste malgré tout est que si l’on avait montré une photo de Curiosity à un homme des cavernes, il aurait probablement répondu : « Ah ! Vous êtes fous, cela n’existe pas ! » Et il n’y a que deux millions d’années de cela. Si nous entreprenons tous ces projets que je vous ai montrés, afin d’accéder à un niveau de raison supérieur dans la politique internationale, à une nouvelle plate-forme pour la coopération internationale, alors je pense au cadre dans lequel l’homme évoluera dans mille ans, comparé à l’homme des cavernes d’aujourd’hui.

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