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En attendant l’enterrement de l’euro

20 décembre 2011

La « contagion » de l’euro a atteint son stade final, ayant désormais gagné la France. Si l’Italie était considérée comme trop grande pour être renflouée, la France mettra fin à tous les rêves de sauver l’euro à l’aide du « cercle magique AAA ». Alors que Standard & Poor’s s’apprêterait à priver la France de son triple A cette semaine, Fitch a déjà dégradé deux banques françaises, la Banque fédérative du Crédit mutuel et le Crédit agricole. Vu la contraction de l’économie française et de ses capacités productives, le gouvernement ne pourra guère atteindre ses objectifs en matière de déficit budgétaire, compte tenu des renflouements bancaires, de la hausse des coûts de refinancement de la dette souveraine et de l’accroissement des dépenses sociales en raison de la récession.

En outre, pour vendre quelque 400 milliards d’euros d’obligations en 2012, la France sera confrontée à la concurrence de l’Italie et de l’Allemagne, sur un marché où les liquidités s’évaporent.

Et pourtant, les gouvernements de l’UE tiennent à sauver les banques, sans « haircut », en imposant à leur population une austérité aussi écrasante qu’inefficace, comme on le voit en Grèce, en Italie et au Portugal.

Face à cette réalité, même les plus loyaux défenseurs de la monnaie unique jettent l’éponge : pour eux, la fin de l’Union économique et monétaire n’est plus une question de « si », mais de « quand et comment ».

Wolfgang Münchau, éditorialiste au Financial Times Deutschland, vient de publier dans Der Spiegel un article intitulé : « Le vain sauvetage de l’euro : le calme avant la tempête ». Toutes les tentatives ont échoué jusqu’à présent, écrit-il, « et la dynamique de la crise est si puissante qu’il suffit d’une petite étincelle, et la zone euro implosera ».

« Il est difficile de prévoir comment se produira l’effondrement de l’euro. Mais il est de plus en plus probable que cela arrive. Un problème quelconque pourrait émerger en Grèce, ou alors les Italiens n’accepteront pas une dépression comme prix à payer pour rester dans l’Eurozone. Peut-être que ça viendra des banques françaises. Ou bien tout d’un coup une ruée sur les banques. »

Entre-temps, la City de Londres se félicite de la décision du Premier ministre Cameron de rester en dehors du nouvel accord de l’UE. Or, ce qui l’a motivée n’est pas la raison officiellement mise en avant (son opposition aux régulations du marché financier), mais l’instinct de survie – qui s’avérera illusoire.

Comme l’écrivait l’historien Niall Ferguson dans le Times du 9 décembre, ce n’est pas la politique britannique qui a changé, mais celle des 17 membres de l’Eurozone. Il ne fait aucun doute, écrit-il, que « ce dont ils viennent de convenir, c’est la création d’une union fiscale fédérale. En outre, elle est fondamentalement viciée. »

Pour le professeur Ferguson, l’économie de l’Eurozone et, avec elle, l’économie mondiale se trouvent « au bord d’un précipice qui rappelle l’année 1931 » et l’incapacité de trouver de saines restructurations de la dette. « Alors comme maintenant, les faillites bancaires menaçaient d’entraîner un effondrement économique total. Alors comme maintenant, un système monétaire excessivement rigide (alors l’étalon or, maintenant l’euro) a servi à aggraver la situation. »

Il conclut que le « Continent » va devenir une « Europe fédérale atteinte d’une dépression chronique », en vertu du nouveau « pacte d’austérité et de contraction » auquel elle tient tant. Le Royaume-Uni n’a pas d’autre option que de se dissocier de ce pacte de suicide collectif, même si cela augmente la probabilité que nous finissions par sortir complètement de l’UE. »

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