« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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Covid-19, la perspective économique globale de la Russie

4 juillet 2020

Boris Meshchanov est conseiller à la Mission de la Fédération de Russie auprès des Nations Unies, New York City, États-Unis.

Chère Mme Zepp-LaRouche
Chers collègues et amis,

Les problèmes aujourd’hui au centre du débat sont très importants. Nous nous félicitons de pouvoir étudier les questions brûlantes des relations internationales à travers le prisme du développement, de la construction d’infrastructures physiques et de la coopération entre les grandes puissances dans l’intérêt des plus pauvres et des plus vulnérables, conformément à l’Agenda 2030 des Nations unies.

Nous partageons pleinement l’analyse [de l’Institut Schiller] sur l’importance cruciale de l’industrialisation, de l’élimination de la pauvreté, de la réforme des institutions internationales émettrices de crédit et de la sécurité alimentaire. Ces questions se trouvent sous les projecteurs de toute la communauté internationale. Nous soulignons que le droit au développement demeure un droit fondamental de l’homme. Le développement réduit les inégalités, contribue à la paix et c’est une condition indispensable à l’édification de sociétés justes, pacifiques et inclusives.

Je voudrais commencer ma présentation en citant le rapport du secrétaire général des Nations unies, selon qui : « Alors que nous sommes confrontés aux impacts multidimensionnels et multiformes de la pandémie de Covid-19, la solidarité mondiale avec l’Afrique est un impératif - dès maintenant et pour un rétablissement plus rapide. Mettre fin à la pandémie en Afrique est essentiel pour y mettre fin à travers le monde. »

Revoir les modèles de coopération

Dans le contexte de cette crise difficile, nous cherchons tous à réévaluer le modèle de développement en tenant compte des besoins des plus vulnérables. Je voudrais aborder cette question du point de vue de nos relations avec le continent africain. Il est plus que jamais justifié aujourd’hui que nos yeux se tournent vers le sort déplorable des populations, dans ces coins reculés du monde où les gouvernements sont aux prises avec une triple crise sanitaire et financière, en essayant d’éviter l’aggravation des disparités sociales et des difficultés économiques futures.

Consciente de sa responsabilité historique dans la formation d’un système moderne des relations internationales et de son amélioration, la Fédération de Russie considère l’aide internationale au développement comme un mécanisme efficace pour résoudre les problèmes mondiaux et régionaux et pour répondre aux nouveaux défis et menaces.

Nos priorités ont toujours été d’éradiquer la pauvreté et de promouvoir un développement socio-économique durable parmi les États partenaires, d’exercer une influence sur les processus mondiaux afin de construire un ordre mondial stable et juste, fondé sur des règles universellement reconnues du droit international et des relations de partenariat entre les États, et de pouvoir répondre aux catastrophes naturelles et d’origine humaine et à d’autres situations d’urgence.

Ce faisant, comme on le voit à travers les idéaux des philosophes et des artistes russes ainsi qu’à travers la littérature russe classique, aider nos amis à l’étranger fut toujours fondé sur le respect de la dignité de l’autre. Cela s’est reflété dans nos politiques et priorités nationales et au niveau de l’assistance technique et humanitaire, qui fut toujours fournie à la demande des bénéficiaires.

Nous sommes partis de l’hypothèse que toute approche entreprise dans l’esprit de la domination coloniale (à l’image de l’acte général de la Conférence de Berlin de 1884, instaurant le principe d’une « occupation effective » portant atteinte à la liberté des Africains eux-mêmes), toute tentative de parvenir à un accord derrière leur dos et d’agir uniquement en fonction des calculs mercenaires, ne seraient probablement pas acceptées par ces peuples eux-mêmes.

Nous respectons, au contraire, la notion d’un partenariat équitable sur la scène internationale, défendant les principes de la vérité et de la justice, le respect de l’identité civilisationnelle de chaque peuple et la voie de développement choisie par chaque peuple.

Comme l’a souligné récemment le président russe, Vladimir Poutine, le développement des relations avec les pays du continent africain et avec leurs organisations régionales est l’une des priorités de la politique étrangère russe. Les liens entre nous sont basés sur les relations amicales entre la Fédération de Russie et les États africains, fondées sur les traditions communes dans la lutte pour la décolonisation et pour la réalisation de l’indépendance des États africains, ainsi que sur la riche expérience d’une coopération multiforme et mutuellement bénéfique qui répond aux intérêts de nos peuples.

Chers collègues et amis,

L’une des principales leçons à tirer de cette pandémie est le besoin urgent de solidarité et de coopération internationales, sans exclusions ni exceptions. Conformément à cet objectif, nous nous sommes engagés à donner aux échanges russo-africains un caractère véritablement systémique et intégré. Actuellement les États africains renforcent leur poids politique et économique, s’affirment comme l’un des piliers importants du monde multipolaire, et participent de plus en plus activement à l’élaboration des décisions de la communauté internationale sur les questions clés de l’ordre du jour régional et mondial. Nous devons respecter leur droit de bénéficier équitablement de la mondialisation, quelle que soit la forme qu’elle prendra suite aux effets de la pandémie.

À notre avis, le monde a besoin de l’Afrique non seulement comme réserve de minerais précieux ou comme corbeille à pain, mais comme une région forte et souveraine, développant un dialogue d’égal à égal avec ses partenaires conformément aux normes de la législation nationale, sur la base de la nature multilatérale de l’ordre mondial.

Aujourd’hui, lorsque des propositions sont faites pour réformer le système de gouvernance mondiale, nous soutenons toujours la nécessité de réfléchir au rôle de l’Afrique dans les structures engagées dans la gouvernance mondiale.

Nos principes fondamentaux garantissent non seulement une large participation mondiale des États africains, mais aussi la résolution des situations de conflit sur la base du principe d’« une solution africaine aux problèmes africains ».

Ensemble, nous sommes en mesure de contrer les dictatures politiques et le chantage monétaire qui sévit dans le cadre du commerce international et de la coopération économique et de faire pression sur les pays agissant de façon répréhensible et opposés à la concurrence loyale. L’introduction de mesures coercitives unilatérales non fondées sur le droit international, également appelées sanctions unilatérales, sont des exemples de telles pratiques.

Le commerce

Des efforts conjoints sont nécessaires pour promouvoir le commerce, l’investissement et le développement durable afin de rendre le système économique mondial plus orienté socialement, et de s’opposer à toute manifestation d’une approche unilatérale, de protectionnisme et de discrimination, en soutenant le commerce mondial sur la base des règles de l’Organisation mondiale du commerce.

Dans le cadre de ce paradigme, le premier sommet et forum économique Russie-Afrique a eu lieu en octobre 2019 à Sotchi (en Russie). 92 accords, contrats et protocoles d’accord pour un montant de 12 milliards de dollars ont été signés et des problèmes de commerce, d’investissement, de banques, d’industrie, de construction, de transport et de logistique, d’énergie et de haute technologie, entre autres, ont été résolus.

Nous avons accordé une attention particulière à l’identification des domaines prometteurs de partenariat économique, commercial et d’investissement de la Fédération de Russie en tant que membre de l’Union économique eurasienne avec l’Union africaine, ainsi qu’avec les principales organisations régionales d’Afrique : l’Union du Maghreb arabe, le Sahel Cinq, la Communauté de développement de l’Afrique australe, le Marché commun de l’Afrique de l’Est et du Sud, la Communauté de l’Afrique de l’Est, la Communauté économique des pays de l’Afrique de l’Ouest, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et autres. Dans notre mouvement vers l’Afrique, nous devons être créatifs et promouvoir de nouveaux mécanismes de partenariat, encourager la participation active des entreprises aux expositions, aux foires et aux congrès, développer la pratique d’échanges entre les missions commerciales.

Aller vers la vieille Afrique dans ce monde nouveau serait impossible sans mieux se connaître, en tenant compte des coutumes et des traditions locales, d’une riche diversité culturelle et linguistique. À Sotchi-2019, nous nous sommes engagés à développer la coopération dans le domaine de l’éducation, à mettre en œuvre des programmes de formation professionnelle et d’échanges universitaires pour promouvoir la stabilité sociale et la protection des personnes, en particulier des jeunes, des femmes et des personnes handicapées, et à étendre leurs capacités en élargissant l’accès à l’éducation et à la formation technique et professionnelle.

Education et infrastructures

Les participants au sommet Russie-Afrique ont confirmé que l’obtention d’une éducation de qualité et le développement des compétences des jeunes hommes et femmes peuvent devenir un moteur de la transformation économique structurelle et de l’industrialisation dans les pays africains, ainsi que la base du renforcement du potentiel industriel nécessaire à la diversification de leur économie.

Il se trouve que notre pays a déjà contribué au développement de l’Afrique, en particulier dans l’industrie, les infrastructures et la sécurité énergétique, domaines promus par l’Institut Schiller comme les fondements de l’économie dite physique, je me concentrerai donc brièvement sur eux.

Jusqu’à présent, la Russie a participé à la création de la zone industrielle russe en Égypte. Parmi les compétences clefs de la Russie pour l’Afrique, on ne peut pas surestimer le rôle des infrastructures ferroviaires pour le développement du Nigeria, de l’Égypte, de la République démocratique du Congo et de l’Angola.

Dans les conditions actuelles, il est important d’utiliser des technologies telles que les trains sanitaires (hôpitaux roulants) en Afrique pour prévenir la propagation des maladies infectieuses et lutter contre les épidémies.

Energie

Dans le domaine de l’énergie, nous comptons sur la future construction de la première centrale nucléaire en Égypte et du Centre russe pour la science et la technologie nucléaires au Rwanda pour faciliter le développement de solutions intégrées dans le domaine de l’énergie nucléaire, dans l’agriculture, la santé, l’éducation, la science et l’industrie.

Ces deux pays ne sont pas les seuls Etats d’Afrique à avoir l’intention de développer l’énergie nucléaire. Le Kenya, l’Ouganda, le Nigeria, le Soudan et la Zambie figurent également sur cette liste qui ne cesse de s’allonger. La plupart des pays africains souffrent de graves pénuries d’électricité. Aussi devraient-ils, dans un avenir proche, doubler leurs capacités de production pour répondre aux besoins actuels. Il est clair que la crise provoquée par cette pandémie a aggravé ce défi pour eux.

Ceci dit, nous ne devons pas oublier d’intensifier les efforts pour lutter contre le changement climatique en Afrique, transférer les technologies pertinentes, renforcer les capacités des États africains. Parallèlement, le verdissement de l’économie, dans notre approche, doit reposer sur la responsabilité, la cohérence et le réalisme.

La clef du progrès est le progrès technologique. De sérieux efforts sont déployés pour améliorer l’efficacité énergétique dans l’industrie, l’agriculture, le logement et les transports.

Dans notre pays, nous avons lancé le projet national « Environnement » pour inciter les entreprises russes à mettre en œuvre les meilleures technologies « vertes » afin d’assurer un développement respectueux de l’environnement à faibles émissions. Et nous continuerons à fournir une assistance aux pays en développement, y compris les pays africains, pour les aider à atteindre leurs propres objectifs climatiques sans préjudice des objectifs de croissance économique inclusive et durable, d’industrialisation des économies et sans abandonner personne au bord de la route.

La pandémie se propage à travers le monde, menaçant de faire reculer les efforts déployés pour construire une architecture sociétale plus résiliente. Il est grand temps pour l’humanité que la responsabilité et l’esprit de partenariat soient au rendez-vous.

Sécurité alimentaire

Un problème véritablement systémique concernant la discussion d’aujourd’hui est la sécurité alimentaire, qui occupe une place particulière parmi les priorités de la Russie dans ses efforts pour parvenir à un développement durable à l’échelle mondiale. Tout d’abord, nous pensons qu’il doit être abordé au niveau de l’approvisionnement du monde en aliments de qualité suffisante pour stabiliser les marchés internationaux et les rendre plus accessibles et abordables pour un nombre maximum de personnes.

Dans le même temps, l’objectif de la faim zéro doit être abordé de toute urgence pour les pays en situation d’insécurité alimentaire. À cette fin, au cours des vingt dernières années, la Russie a régulièrement augmenté sa propre production et exportation de denrées alimentaires - céréales, légumes, viande, volaille, huile, produits laitiers, etc.

La Russie est devenue l’un des plus grands exportateurs mondiaux de produits alimentaires. Pendant la pandémie, des vivres ont été transférés à l’Union des Comores (172 tonnes) et à Madagascar (environ 500 tonnes).

En plus de s’attaquer au problème de la sécurité alimentaire, la Russie a fait don de centaines de camions kamaz et de pièces de rechange, ainsi que d’équipement, et a fourni l’assistance technique nécessaire aux opérations clefs du PAM (Programme alimentaire mondial) en Afrique. À partir de 2020, 10 millions de dollars américains ont été réservés exclusivement à l’Afrique. C’est la première fois que la Russie attribue une priorité géographique à sa contribution volontaire au PAM. 

Confrontée non seulement à la pandémie de Covid-19, l’Afrique de l’Est connaît sa plus grande invasion de criquets pèlerins depuis des décennies et notre pays contribue à hauteur de 10 millions de dollars pour soutenir les opérations de la FAO [contre les criquets] en Éthiopie, au Kenya, au Soudan du Sud et en Ouganda.

Aide médicale

Dans le cadre de la pandémie de coronavirus, la Russie a reçu des demandes d’aide de 29 pays africains au total, ainsi que de l’Union africaine, pour lutter contre les effets de la Covid-19.

À ce jour, des fournitures pour les laboratoires et des équipements de protection individuelle ont été fournis à la RDC, ainsi que des modules médicaux polyvalents, des tentes et des accessoires à Djibouti, des tests de dépistage à l’Afrique du Sud et à la Guinée.

Dans le même temps, si nous estimons primordial d’aider toute personne atteinte d’un virus, une partie du problème reste à résoudre. Un facteur fondamental est la disponibilité d’un système efficace de prévention et d’éducation dans les pays touchés par l’épidémie. À titre d’exemple, je me réfère à celui de la République de Guinée, où deux hôpitaux mobiles ont été déployés, des laboratoires installés sur des véhicules kamaz transférés et des médicaments livrés. Avec la participation d’experts russes, plus de 800 soignants y ont suivi une formation spécialisée depuis 2015. Par ailleurs, la Russie apporte une contribution décisive à la recherche scientifique sur le virus Ebola. Avec le soutien de l’un des fleurons du commerce russe, la société minière Rusal, le Centre de recherche russo-guinéen pour l’épidémiologie et la prévention des maladies infectieuses a pu être créé dans la ville de Kindia.

Enfin et surtout, une discussion longue et approfondie est en cours concernant le fardeau insupportable de la dette des États africains. La Russie contribue activement à l’alléger dans le cadre des accords intergouvernementaux du programme de « dette-contre-développement ». Des accords entre la Russie et Madagascar, le Mozambique et la Tanzanie sont en voie d’application.

Par exemple, dans le cadre de ces arrangements, le gouvernement du Mozambique, en coopération avec le PAM, a lancé un programme national multidisciplinaire d’alimentation scolaire. Il prévoit la conversion d’une partie de la dette nationale envers la Russie, s’élevant à 40 millions de dollars au cours de la période 2017-2021, en actions de lutte contre la malnutrition chez les enfants et pour favoriser l’enseignement primaire au Mozambique.

Je vous remercie de votre attention.

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