« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
Accueil > Veille stratégique
18 avril 2019
Il est passé presque inaperçu, ce rapport du Fonds monétaire international publié en février, qui laisse entendre que les autorités financières sont prêtes à dévaluer le cash pour sauver le système financier d’un effondrement imminent. Le rapport, intitulé « Une politique monétaire avec des taux d’intérêt négatifs : découpler les espèces de l’argent électronique », propose de dévaluer l’argent physique (et pas seulement les dépôts bancaires) pour augmenter la marge de manœuvre des taux d’intérêt négatifs.
Les grandes institutions financières sont bien conscientes qu’un nouveau krach bancaire, encore plus dévastateur que le premier, se profile à l’horizon. Tout récemment, le ministre italien des Finances Giovanni Tria a affirmé au Forum de Boao, en Chine, qu’il craint que, contrairement à 2008, l’effondrement financier soit déclenché par le déclin économique et pas l’inverse. En effet, en cas de récession, une cascade de faillites d’entreprises pourrait déclencher un mécanisme de levier inversé dans le secteur des produits dérivés. Le plus gros risque vient de la bulle des Collateralized Loan Obligations (CLO — obligations adossées à des prêts d’entreprise).
L’accroissement du volume des CLO est dû au fait que les banques ont favorisé la demande de fortes rémunérations, gonflant ainsi le marché des CLO et abaissant bien souvent les normes, c’est-à-dire la qualité des dettes qu’elles accepteraient d’acheter. En 2018, le volume de CLO était à peu près au même niveau que les Collateralized debt obligations (CDO — obligations adossées à des actifs) de 2006, selon les données de la Securities Industry and Financial Markets Association. Si le taux de défaut sur CLO en 2018 est faible, il l’était aussi sur les CDO en 2006 et l’on sait ce qui est arrivé par la suite.
Une fois que la bulle aura éclaté, les banques centrales ne pourront plus baisser les taux, à moins de s’aventurer encore plus loin dans les taux négatifs, ce qui veut dire offrir aux banques une garantie de bénéfice sur leurs emprunts. Mais en cas de taux sont de plus en plus négatifs, les déposants transformeront leurs dépôts bancaires en liquidités pour éviter la dévaluation. Par conséquent, propose le rapport, pour éviter le désastre, les taux négatifs doivent aussi s’appliquer à l’argent physique.
Les auteurs reprennent ainsi une proposition de l’économiste Willem Buiter datant de 2007, prévoyant de « découpler la valeur des liquidités de la valeur de l’argent électronique et permettre la dévaluation au fil du temps des liquidités en termes d’argent électronique ».
Après avoir passé en revue les avantages et les inconvénients, le rapport conclut : « Le système est techniquement faisable et ne nécessiterait aucune modification drastique des mandats actuels ou des cadres opérationnels des banques centrales. » Toutefois, « la communication sera un élément central pour réussir l’introduction d’un tel régime » et les « réformes législatives nécessaires » doivent être soigneusement étudiées et menées à bien.
Les auteurs affirment que le système serait complètement réversible et qu’après une « normalisation suffisante des conditions économiques, on pourrait en sortir si on le veut ». Voilà pour la théorie. Mais la réalité pourrait être très différente. Le simple fait d’évoquer le « découplage » entre l’argent physique et l’argent électronique témoigne de la profonde irrationalité qui règne au sein de l’élite financière occidentale. Il est largement temps d’en finir avec ce système, en commençant par imposer une séparation bancaire du type Glass-Steagall.