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L’infrastructure économique de base

20 mai 2022



Franklin D. Roosevelt

Dans une étude portant sur les investissements américains d’après-guerre dans l’infrastructure économique de base, une équipe d’économistes dirigée par Uwe Parpart-Henke a découvert que la corrélation statistique la plus juste que l’on puisse rencontrer en économie était celle qui existe entre les taux d’amélioration de l’infrastructure économique de base et les accroissements dans la productivité du travail.

  • L’auteur a précisé, au cours d’un séminaire tenu à New York en décembre 1978, les conditions préalables à l’élaboration d’un système informatique de prévision économique. La principale exigence requise pour appliquer la méthode de prévision de l’auteur était de prendre comme modèle le traité de Riemann de 1859, déjà cité dans un autre chapitre. En raison de l’importance de ce traité ainsi que de ses implications pour la physique des plasmas et divers domaines annexes, l’élaboration de cette méthode informatique de prévision a été menée conjointement par l’hebdomadaire Executive Intelligence Review et la Fondation pour l’énergie de fusion (FEF). L’auteur a fourni les caractéristiques du modèle, tant les spécifications des fonctions hydrothermodynamiques que le système d’inégalités linéaires permettant de traiter les données de la comptabilité nationale. Le service économique et financier de l’Executive Intelligence Review a, quant à lui, préparé la base de données. Une équipe emmenée par le directeur de la FEF, Uwe Parpart-Henke, a dirigé le développement des applications mathématiques du programme informatique. Une équipe rassemblant les deux entités a assuré la programmation et la mise en œuvre du système informatique. Comme la base de données historiques a été établie jusqu’au XIXe siècle, et la prévision étendue aux bases de données de nations étrangères, des études spéciales assistées par ordinateur ont dû être ajoutées. Leurs résultats sont autant de références incluses dans les méthodes et procédures de prévision fondamentales. L’on parvint ainsi, en 1981-1982, à une série d’études des paramètres de densité de flux énergétique, examinés historiquement et correspondant à divers aspects du processus économique.

On peut en effet constater qu’il existe, environ douze mois après un accroissement de l’investissement dans l’infrastructure économique de base, un accroissement similaire dans la productivité du travail. Si l’on superpose les deux diagrammes, en décalant la courbe de la productivité de douze mois en arrière, les deux courbes sont pratiquement identiques.

Les États-Unis ont, dans une large mesure, augmenté le taux d’investissement dans l’amélioration de l’infrastructure jusqu’au milieu des années 1960. Après cette date, ce taux chuta. Certes, l’investissement total dans l’infrastructure augmenta mais avec un taux de croissance en chute libre. L’investissement total dans la maintenance et l’amélioration de l’infrastructure a atteint son maximum d’après-guerre en 1969. Après cela, ces dépenses furent inférieures à leur « condition de seuil ». Si l’on voulait aujourd’hui restaurer l’infrastructure dans l’état où elle se trouvait à peu près en 1970, il faudrait dépenser au moins 3000 milliards de dollars (de 1983), à cette seule fin.

La responsabilité de la construction et de l’entretien de l’infrastructure incombe traditionnellement à la puissance publique. Cette responsabilité s’exerce de diverses manières :

1. les dépenses directes dans la construction et l’amélioration de l’infrastructure, que ce soit au niveau local, des États ou de l’État fédéral ;

2. les agences fédérales ou gouvernementales, telles que la Tennessee Valley Authority (TVA), les autorités portuaires, etc. ;

3. les entreprises de service public [public utilities] ;

4. les équipements privés relevant du commerce à l’intérieur d’un État ou entre États, mais soumis à des réglementation publiques, y compris les transports publics et les communications.

Une grande partie de cet effort est effectuée par la puissance publique sous forme de dépenses budgétaires directes et de mobilisation de capitaux publics (le premier cas cité ci-dessus).

Depuis 1970, mais plus particulièrement depuis les années 1973 à 1975, les dépenses gouvernementales dans ces catégories ont été réduites à une vitesse accélérée, ce que l’on peut clairement constater en prenant comme référence les estimations officielles en dollars constants. Cependant, c’est seulement si l’on considère le véritable taux d’inflation, beaucoup plus rapide que celui fourni par ces estimations officielles « politiquement correctes », que les carences apparaissent alors dans l’entretien de l’infrastructure rendant compte du délabrement physique réellement intervenu dans le laps de temps mentionné.

Ayant ceci à l’esprit, réfléchissons à la question suivante : où se retrouvent les coûts du délabrement de l’infrastructure dans la comptabilité nationale ? Pour une grande part, ils ne sont pas rapportés et même ignorés. En conséquence, et pour cette seule raison, le produit national (la valeur ajoutée) des États-Unis, au cours de la période 1971-1983, a été surestimé d’au moins 3000 milliards de dollars (en dollars constants, valeur de 1983). (Nous devons peut-être réduire ce chiffre afin de considérer que certains éléments de la contraction de l’infrastructure sont réellement rapportés dans la comptabilité nationale par les contribuables privés, les entreprises de service public, etc.).

Ceci signifie que si l’on avait fait apparaître, dans la comptabilité publique et privée, les charges que représentent la diminution et la dépréciation de l’infrastructure, les marges de bénéfice brut pour la somme des activités économiques publiques et privées auraient dû être, entre 1971 et 1983, réduites d’une somme considérable, de l’ordre des 3000 milliards de dollars (en dollars constants, valeur de 1983) représentant le déficit estimé dans l’infrastructure ! En d’autres termes, ces coûts de la diminution et de la dépréciation de l’infrastructure auraient dû être pris en compte et ajoutés aux coûts des paniers de biens d’équipement et de consommation pour la période 1971 à 1983.

Il y a une trentaine d’années, un groupe de « raiders » avait pris le contrôle du New Haven Railroad (compagnie de chemin de fer de la Nouvelle-Angleterre). En diminuant les dépenses de maintenance des voies ferrées, du matériel roulant, etc., le montant des charges par dollar de chiffre d’affaires fut considérablement réduit. Ces bénéfices momentanés, obtenus par pillage d’actifs, ont permis d’ajouter des augmentations fictives de recettes au rendement financier réalisé par chaque action en circulation. Sur la base du PER [Price Earning Ratio : rapport entre le prix d’une action et son bénéfice annuel, NdT], la valeur des actions s’est alors envolée ; les raiders se sont débarrassés de celles qu’ils possédaient en réalisant ainsi un bénéfice très substantiel mais en laissant derrière eux des chemins de fer en ruines.

Ceci constitue le modèle de ce qui a été infligé à l’économie américaine dans son ensemble à partir de 1966, et plus particulièrement depuis les années 1971 à 1974. L’astuce n’est pas nouvelle ; la mise en faillite de Jay Cooke, au début des années 1870, et l’introduction du Specie Resumption Act, permirent de lancer un processus similaire de pillage, avec les chemins de fer pour cible privilégiée, dans les années 1870 et 1880. À cette époque, et par la suite également, beaucoup de grandes fortunes américaines se bâtirent grâce à ces méthodes, de concert avec le pillage des États-Unis organisé par des intérêts britanniques et d’autres pays. Au moment où il fut opéré, le pillage du New Haven Railroad ne constituait pas une innovation. Depuis 1966, et encore plus depuis 1971-1974, ce type de pillage a été lancé à grande échelle contre l’infrastructure et l’industrie de base.

Revenons en 1763, à l’époque de ce long trajet au cours duquel Adam Smith reçut les instructions de Lord Shelburne concernant la destruction économique et la limitation de l’autonomie des colonies anglaises en Amérique du Nord. À partir de là et jusqu’en 1863, l’establishment britannique, principalement regroupé à cette époque autour de la Compagnie britannique des Indes orientales, s’efforça de détruire les États-Unis d’Amérique.

Pour la mise en place de cette politique, la faction de l’establishment composée de l’entourage de Lord Shelburne s’assura la collaboration d’une force présente au sein même de l’Amérique du Nord anglophone : les Tories. Cette faction Tory, associée à Aaron Burr pendant toute cette période et jusqu’à sa mort, avait deux composantes : un groupe de Tories ayant quitté les États-Unis (certains pour y revenir plus tard) ; un autre groupe ayant constitué le « réseau dormant » des dirigeants Tories demeurés sur place. On y retrouvait principalement les familles liées aux Compagnies des Indes orientales britannique et hollandaise, à New York et dans le New Jersey, ainsi que leurs alliés de Nouvelle-Angleterre, les Russell, Cabot, Lowell, Higginson, Peabody, Perkins, Cushing, etc.

  • L’année 1863 fait référence à des développements en Grande-Bretagne tels que l’intervention du prince Albert, mais aussi, de façon beaucoup plus significative, à l’impact de l’alliance militaire du tsar Alexandre II et du président Abraham Lincoln. Des navires russes furent envoyés dans les ports de New York et de San Francisco, et une note très dure fut envoyée à Lord Palmerston et Lord Russell à Londres, les prévenant que la Russie déclencherait une guerre en Europe dans le cas où la Grande-Bretagne et Napoléon III concrétiseraient leurs intentions d’intervenir militairement aux côtés des Confédérés. (La Grande-Bretagne, la France et l’Espagne avaient conquis le Mexique et imposé l’empereur fantoche Maximilien de Habsbourg pour superviser le massacre et le pillage du peuple mexicain.) La Grande-Bretagne abandonna alors ses aventures militaires contre les États-Unis et le Mexique et, à part la menace d’une alliance avec le Japon immédiatement après le Première Guerre mondiale, elle renonça à la politique d’assujettissement des États-Unis par les armes qu’elle poursuivait depuis 1763.
  • En ce qui concerne une grande partie de la description des « familles » de l’establishment libéral, la documentation, basée sur des sources originales, provient du livre Treason in America d’Anton Chaitkin.

On retrouve ces familles aussi bien derrière les insurrections jacobines des années 1790 que dans une intrigue montée par Burr pour détruire les États-Unis en 1800 et 1804 ; ce sont également elles qui sont impliquées dans les conspirations sécessionnistes de 1807-1808, ainsi que dans de graves trahisons de 1812 à 1814. Dans les années 1780, certains éléments issus de ce groupement de familles étroitement liées par le mariage furent associés à la Compagnie britannique des Indes orientales dans la traite des Noirs et, au début des années 1790, dans le trafic d’opium en Chine.

À partir des années 1820, en collaboration avec les services de renseignements britanniques et des intérêts suisses et jésuites, ces mêmes familles fomentèrent la Guerre Civile. Elles créèrent en même temps le mouvement abolitionniste ainsi que la conspiration sécessionniste des confédérés esclavagistes dans les États de Caroline : leur objectif était — comme l’a confié dans sa correspondance personnelle August Belmont, le « faiseur de rois » du Parti Démocrate — de faire éclater les États-Unis en plusieurs fragments.

Ceci constituait le courant des agents d’influence britanniques qui collaboraient avec les agents des Services secrets britanniques tels que Sir John Robison.

  • Sir John Robinson est connu aux États-Unis pour son livre The Roots of Conspiracy (1796-1797). Ce livre, une mystification, a été republié par la John Birch Society, elle-même un écho moderne, aussi bien par son idéologie que par ses commanditaires, de la probritannique « Junte d’Essex » du début du XIXe siècle. Robison, un agent du SIS britannique, associé autrefois au service russe du SIS, opérait à partir d’Édimbourg à l’époque de la rédaction de ce livre et de sa publication aux États-Unis. Les cercles de la Compagnie des Indes orientales de Lord Shelburne collaboraient alors étroitement avec les milieux suisses et jésuites qui manipulaient le mouvement jacobin en France ; dans un même but déstabilisateur, l’agent helvético-britannique Albert Gallatin, plus tard membre du cabinet de Jefferson et de Madison, organisait des insurrections jacobines en Pennsylvanie. C’est pour essayer de cacher le rôle britannique dans la promotion de ces opérations jacobines à l’intérieur des États-Unis et tenter de brouiller les États-Unis avec leurs amis en France, que Robison rédigea son ouvrage. Il y laissait clairement entendre que les alliés de Carnot et de Lafayette – c’est-à-dire le « parti américain » en France – étaient responsables de ces troubles. Même Washington fut abusé. Plus tard, John Quincy Adams et d’autres mirent à jour la fraude du livre de Robison et rapportèrent (Adams était alors sénateur) au président Jefferson que c’étaient en réalité les amis de Robison qui se trouvaient au centre de ces manœuvres anti-américaines.

Leur but, dès les années 1796-1797, fut — répétons-le —de détruire les États-Unis de l’intérieur. Ce sont les mêmes qui promurent en Amérique du Nord la Richesse des Nations d’Adam Smith, toujours dans le même objectif. Ces mêmes forces contrôlèrent les présidents Andrew Jackson, Martin Van Buren, James Polk (1845-1849), Franklin Pierce (1853-1857) et James Buchanan (1857-1861).

  • Comme Chaitkin l’établit, Caleb Cushing de Newburyport (Massachussetts), qui servait d’intermédiaire entre les dirigeants du mouvement abolitionniste basé au Massachusetts et ceux de la conspiration confédérée de Charleston, a négocié l’arrangement qui permit l’élection de Franklin Pierce ; l’élection de Buchanan fut truquée par les mêmes réseaux.

Après la défaite de leurs confédérés, parmi lesquels Judah Benjamin (1811-1884) et les Slidells en Louisiane, ces mêmes familles profitèrent de l’assassinat du président Abraham Lincoln (1861-1865) pour entreprendre le pillage des États « sudistes » placés sous occupation militaire fédérale, augmentant ainsi fortement la richesse qu’ils avaient accumulée à l’aide d’entreprises aussi nobles que la traite des Noirs ou le trafic d’opium en Chine.

  • Judah Benjamin fut, avec August Belmont de New York, un agent britannique clé au sein de la Confédération. Plus tard, Benjamin, en reprenant sa citoyenneté britannique, organisa depuis Londres la création de Ku Klux Klan (1867) et son financement initial. La marque dominante de la carrière politique de Benjamin fut sa tentative de destruction des États-Unis de l’intérieur. Pour se faire une idée de sa façon de penser, lire son Treatise on the Law of Sale of Personal Property de 1868.
  • L’assassinat d’Abraham Lincoln fut un complot conjoint des milieux jésuites (autour de la famille Surratt entre autres) et du Secret Intelligence Service britannique. Certains éléments permettent de soupçonner le secrétaire à la Guerre Stanton, qui avait réduit la protection rapprochée du Président à un seul agent, contraint de quitter la porte de la loge présidentielle au moment du meurtre. Au beau milieu des procès qui suivirent l’assassinat, l’enquête fut annulée. Si une grande partie de la documentation sur l’ensemble de l’affaire reste aujourd’hui encore sous le sceau du secret, les travaux d’Anton Chaitkin ont permis néanmoins de situer clairement les responsabilités.
  • C’est en lisant le dernier discours public d’Abraham Lincoln, prononcé le 11 avril 1865, trois jours avant son assassinat, que l’on comprend mieux la raison essentielle de son élimination : « nous sommes tous d’accord pour dire que les États soi-disant sécessionnistes n’entretiennent pas avec l’Union les relations légitimes qui devraient être les leurs ; et que le seul objet du gouvernement, civil et militaire, à l’égard de ces États, est de les rétablir dans le cadre concret de ces relations légitimes. Je crois qu’il est non seulement possible, mais en fait plus facile, de le faire sans décider ou même sans considérer la question de savoir si ces États ont été jamais en dehors de l’Union. Puisqu’ils se trouvent désormais en sécurité chez eux, cela n’a aucun sens de se demander s’ils ont été en dehors. Rassemblons-nous tous pour lancer les actions nécessaires à la restauration de ces relations légitimes entre ces États et l’Union ; et chacun ensuite aura l’éternité pour consulter son opinion afin de savoir si, par ses actes, il ramena ces États au sein de l’Union depuis l’extérieur, ou s’il leur porta simplement assistance, sans qu’ils n’aient jamais été à l’extérieur. » (Collected Works, Vol.III, New Brunswick, 1953, p.403)
  • Avec Lincoln entamant son second mandat, le pillage des carpetbaggers [intérêts financiers « nordistes » abusant de la défaite « sudiste », NdT] aurait été impossible, car il ne considérait pas le Sud comme un territoire à occuper, mais comme une partie de l’Union égale en droits à toute autre.

Ils mirent ainsi en coupe réglée ceux qu’ils avaient prétendu défendre, montrant que peu leur importait la manière au vu du résultat. Ils utilisèrent leur richesse, en coopération avec des forces étrangères dirigées depuis Londres, pour mettre en faillite Jay Cooke (1821-1905), promouvoir le Specie Resumption Act et mettre les États-Unis à genoux. Ils firent passer le Federal Reserve Act, avec l’aide de leur homme de paille, Teddy Roosevelt, et de leur président, Woodrow Wilson.

  • Cf. Salisbury, op. cit., passim, sur les circonstances dans lesquelles le Specie Resumption Act fut adopté.
  • Au sujet de l’attitude probritannique et proconfédérée de Theodore Roosevelt, voir Chaitkin, op. cit.
  • L’ascension politique de Woodrow Wilson s’explique, en grande partie, par les rapports qu’entretenaient Harriman et le colonel House. En pressant la candidature de Theodore Roosevelt au nom d’un « troisième parti », ils assurèrent l’élection de Wilson, le passage du Federal Reserve Act et l’engagement américain aux côtés de la Grande-Bretagne dans la guerre mondiale contre l’Allemagne.

Aux États-Unis, ils contrôlent les principales universités et les médias d’information « libéraux », le monde du spectacle comme la plupart des maisons d’édition. Ils forment « l’Establishment libéral de la Côte-Est », couramment identifié comme une branche américaine de la London Round Table, connue d’abord sous le nom de National Civic Federation avant d’adopter aujourd’hui celui de « New York Council on Foreign Relations ». Ils sont ce que le Président Franklin D. Roosevelt (1933-1945) désignait de temps à autre comme les « royalistes de l’économie ». Ils sont parfois appelés « les patriciens », et il n’est pas rare qu’ils stipendient des écrivains pour produire des livres et des articles les dépeignant sous l’image des patriciens de la Rome antique, les « sang-bleu », les « familles » constituant la riche « aristocratie » américaine. Ils sont des oligarques, au sens strict du terme, tel que nous l’avons défini dans un chapitre précédent.

Ils essaient, encore aujourd’hui, de détruire la république constitutionnelle fédérale des États-Unis. À titre d’exemple, Pamela Churchill Harriman [longtemps ambassadrice américaine à Paris, NdT], épouse d’Averell Harriman, ancien ambassadeur à Moscou, sous-secrétaire d’État et gouverneur de New York, finance une faction au sein du Parti Démocrate qui vise explicitement à changer la Constitution américaine afin d’établir un régime parlementaire sur le modèle britannique.

Aux États-Unis, les Harriman ont été pendant la plus grande partie de ce siècle des racistes notoires ; la famille Harriman contrôle d’ailleurs toujours le mouvement eugéniste. Averell Harriman n’a pas seulement soutenu très tôt le dictateur fasciste italien Benito Mussolini ; lors d’un symposium tenu en 1932 au Muséum d’histoire naturelle de New York, lieu de réflexion sur l’eugénisme et autres dogmes similaires, la famille Harriman s’est mise aussi à faire l’éloge des nazis hitlériens pour leurs doctrines « d’hygiène raciale », doctrines virtuellement identiques à celles de l’« eugénisme » promu par les Harriman. « Des libéraux ? Des libéraux soutenant non seulement le fascisme, mais aussi les doctrines d’hygiène raciale d’Hitler ? » Pour résoudre ce paradoxe apparent, il suffit de nous référer à notre description sommaire du libéralisme britannique du XIXème siècle, donnée dans un chapitre précédent.

  • La documentation sur les antécédents fascistes et racistes des Harriman et sur le soutien apporté par le sénateur Moynihan à ce racisme harrimanien a été publiée par l’équipe de campagne sénatoriale new-yorkaise de Melvin Klenetsky, en 1982. Cf. Chaitkin, op. cit.

Bien que ces groupes familiaux se soient engagés dans des oligopoles aussi bien industriels que financiers, ils furent cependant, dans leur vision philosophique oligarchique, des malthusiens avoués (adeptes du « darwinisme social ») bien avant qu’ils ne lancent le « néo-malthusianisme » au cours de l’automne-hiver 1969-1970, avec leurs confédérés étrangers de même philosophie. Ils furent, aux États-Unis, la force qui orchestra la campagne de propagande en faveur d’une société postindustrielle. Par conséquent, nous ne devons pas nous bercer d’illusions et croire qu’en nous précipitant dans ces milieux avec la preuve que la destruction de l’infrastructure des États-Unis a été un désastre, nous les persuaderions de reconnaître l’erreur de leur démarche.

On a souvent essayé d’expliquer certains comportements politiques de cet « establishment libéral » en termes de « conspiration ». Il y a certes une grande part de conspiration dans la mise en œuvre de telles politiques. Les conspirations existent, mais la plupart des explications fournies quant au pourquoi et au comment deviennent vite absurdes, lorsque l’écrivain ou l’orateur tentent d’expliquer ce processus en termes de simple cupidité ou de quelque chose de cette nature.

  • Il existe des exceptions à cette règle générale. Le cas du livre The Tragedy and the Hope de Caroll Quigley est exemplaire d’un écrivain comprenant au moins la manière dont s’enchaînent réellement les événements. Il existe également quelques aveux sincères et détaillés, comme dans The Aquarian Conspiracy de Marilyn Ferguson ; à ce sujet, cf. The New Dark Ages Conspiracy de Carol White.

Les membres des « familles patriciennes » forment eux-mêmes une couche sociale fermée au sein de notre vie nationale. Ils envoient leur progéniture dans certaines écoles et universités privées, au sein desquelles le statut d’héritier de l’une de ces « familles », se distinguant des familles « plébéiennes » étudiant dans ces mêmes institutions, est implicitement enregistré, et dicte une ligne de conduite à son égard.

Les clubs, confréries, sociétés secrètes, etc., rassemblant la progéniture des « familles » s’imprègnent de cette même reconnaissance implicite du statut social. Ceci s’applique à un ensemble reconnu d’églises, dans le cadre de confessions religieuses elles aussi reconnues, ainsi qu’aux institutions financières, à une liste limitative de cabinets juridiques, etc. Nous pouvons distinguer assez facilement cette reconnaissance implicite par les pronoms « nous » et « eux », représentant les variantes oligarchiques de la conscience de classe. Tout ceci tient du sentiment que « nous » partageons une conception philosophique du monde différente de la « leur ».

Sur la période d’environ deux siècles pendant laquelle cet « establishment libéral » s’est développé à l’intérieur des États-Unis, les différents aspects des croyances généralement admises ont subi des changements qui relèvent, dans une certaine mesure, de changements de paradigmes. Toutefois, les paradigmes sous-jacents — les caractéristiques axiomatiques des croyances généralement admises — n’ont quant à eux pas changé. On peut voir les « manies » changer dans les mœurs, la morale et les orientations politiques concrètes. Ceci représente, par ces aspects, une sous-culture en évolution, une sous-culture oligarchique en évolution. C’est elle qui forme et transforme les critères de jugement personnel chez l’écrasante majorité de la progéniture des « familles », et cela sur des générations successives. C’est cette disposition d’esprit, ainsi déterminée, qui gouverne le comportement individuel et collectif de cette classe, principalement dans les domaines touchant à ce « tout » que constituent les politiques culturelle, sociale, économique, juridique et étrangère des États-Unis.

La conspiration n’est donc pas la source des changements de politique que cette classe sociale impose aux États-Unis. Il serait plus juste de dire que la conspiration est un moyen pour coordonner et mettre en œuvre ce qu’exige plus ou moins « instinctivement » la conception philosophique du monde dominant parmi la majorité des responsables de cette classe, à son stade actuel d’évolution. Cette conception s’exprime à travers ces patriciens, qui « conspirent » pour appliquer les mesures qu’elle « leur » dicte.

En fait, on voit apparaître relativement plus clairement la « conspiration » au niveau juste en dessous de cette classe elle-même. À l’image des familles oligarchiques européennes, par exemple, les familles de l’establishment libéral gardent un œil sur les « plébéiens » talentueux susceptibles de leur être utiles. À ce sujet, la ligne de conduite semble manifestement suivre un sentiment « instinctif », selon lequel les « plébéiens » talentueux doivent être soit cooptés, soit détruits. Bien que parmi les « plébéiens talentueux » l’on compte aussi des « vauriens utiles », nous ne prenons ici en considération que ceux parvenus aux échelons les plus élevés des secteurs privé et public, avec un « politicien utile » ou deux en sus.

Le genre de talent « plébéien » le plus apprécié est celui qui se trouve sélectionné très tôt, pendant ou juste après l’adolescence, parmi les effectifs d’écoles, d’universités ou d’autres institutions reconnues. Les jeunes recrues potentielles sont sélectionnées, les listes d’impétrants établies et les individus potentiellement talentueux qui ont survécu au processus de sélection sont « bichonnés » jusqu’à atteindre un certain niveau, estimé en fonction de leur utilité future. Le modèle de la cour féodale n’est jamais loin.

Dans ces conditions, il se trouve des individus assez influents dans la vie publique ou privée qui, à un niveau ou à un autre, sont redevables de leur existence aux « familles ». C’est dans la coordination du déploiement de ces individus « talentueux », que la conspiration apparaît le plus visiblement. Ces pauvres diables « talentueux » — ils ont, d’une certaine façon, vendu leur âme au diable — débitant plus ou moins fanatiquement des formules toutes faites n’ont, derrière leurs yeux vides, nulle autre volonté que celle imposée par leurs propriétaires : leur apparition est l’aspect visible de la conspiration. De manière générale, les familles préfèrent, elles, rester plus ou moins à l’arrière-plan. Il leur suffit, pour amorcer le processus, de convenir que « quelque chose doit être fait ».

Pour la plupart des membres d’une société, y compris les grands industriels, les dirigeants politiques, etc., le pouvoir de ces familles « emporte le respect ». Dans ces conditions, les familles sont devenues « très respectables ». « Personne ne doit attaquer de front les “familles”. Personne ne doit attaquer l’establishment de front. » Ainsi, les orientations politiques dictées par les familles deviennent habituellement celles qu’adopte la nation.

Revenons aux infrastructures

La destruction de l’infrastructure de l’économie américaine a-t-elle été planifiée ? Dans le sens de ce que nous venons de dire au sujet des « familles » ? Plus ou moins précisément, oui.

Si l’on désire déterminer la place de l’infrastructure au sein de tout le processus économique, il suffit de situer les questions présentement développées dans le contexte de notre hypothétique entreprise agro-industrielle intégrée. À part ce qui relève en elle exclusivement de l’activité des ménages, l’infrastructure est un investissement en capital dans le processus productif : gestion de l’eau, transports, production et distribution des ressources énergétiques, moyens de communication ainsi que l’infrastructure urbaine indispensable à la production et la distribution des biens physiques.

Dans la mesure où les ménages fournissent la force de travail, l’ensemble du complexe industriel urbain moderne existe pour faciliter la production de biens physiques. Les ménages constituent le « marché du travail » indispensable au développement industriel, et la structure d’un centre urbain bien conçu se trouve inscrite dans la topologie des déplacements des membres de la force de travail vers les lieux de travail, ainsi que des déplacements des enfants et des jeunes vers les centres d’enseignement.

La recherche d’une conception adéquate pour bâtir des centres urbains sur Terre sera bien plus fructueuse si elle s’inscrit dans la perspective de développer des centres urbains sur la Lune et sur Mars au cours du siècle prochain. Ceci répond à un double objectif. L’aspect secondaire mais toutefois important de cette approche, c’est d’adopter un point de départ nous encourageant à effacer de nos esprits les préjugés qui découlent de la vie urbaine telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Au lieu de penser comment remédier à la conception d’un centre urbain existant, mieux vaut partir de zéro : quels devraient être les principes déterminant la conception d’un centre urbain industriel ? Le choix de ce point de départ nous amène, en grande partie, à considérer les implications des technologies qui caractériseront l’environnement des villes futures dans trente à cinquante ans ou même davantage. Ces technologies sont celles qui rendront possibles les vols interplanétaires habités. Ce sont les technologies qui nous permettront de construire des environnements terrestres simulés sur la Lune et sur Mars. Ce sont les technologies qui fourniront l’énergie, les outils et les éléments biologiques nécessaires à la vie et au travail dans de tels environnements terrestres simulés. Concevoir ces villes et réfléchir à ce qu’y devra être la vie, nous force à imaginer de la même manière comment la vie urbaine industrielle sur Terre sera organisée, dans des conditions technologiques forcément similaires.

On peut révolutionner les technologies, mais le principe de base du foyer familial ne peut être modifié sans entraîner la destruction de la société. Par conséquent, les changements de technologie devront être adaptés aux axiomes des fonctions internes du ménage et aux fonctions sociales des ménages ainsi que de leurs membres individuels, au sein de la communauté et de la société entières. De là, si une nouvelle ville est planifiée et que sa construction doive commencer aujourd’hui, et si cette planification intègre de façon appropriée l’impact des technologies mentionnées, cette ville sera fonctionnelle, à condition qu’elle soit convenablement entretenue, pendant cent ou deux cents ans, voire plus.

Les gens vivent dans une unité familiale et se déplacent d’un endroit à l’autre tout au long de la journée ; en même temps, ils ont besoin que des biens et des services soient acheminés dans l’unité familiale ou à proximité. L’espace physique minimum nécessaire aux unités familiales est ainsi défini, et il en va de même pour le reste. En ce qui concerne les ménages dont le niveau culturel correspond à celui d’un âge de fin d’études de 25 ans aujourd’hui, les paramètres de répartition spatiale optimale n’ont essentiellement pas été modifiés dans l’histoire de la civilisation et ils ne le seront pas dans les siècles à venir. Comme nous l’avons déjà dit, en prenant en compte l’impact des technologies citées pour les trente à cinquante années à venir, nous avons implicitement tous les paramètres dont les urbanistes et les architectes ont besoin pour concevoir une ville dans laquelle on pourra habiter pendant un millier d’années.

Sur Terre, comme sur la Lune ou sur Mars, au lieu de poser des structures sur des parcelles de terrain, comme c’est encore le cas aujourd’hui, la construction d’une ville devrait être entamée par la construction d’une fondation commune : on pourrait imaginer un simple « nid d’abeilles » comportant peut-être trois étages souterrains, au sein desquels circuleraient indéfiniment les gens, les marchandises et les services. Cette structure doit être extrêmement résistante afin de tenir des centaines d’années, tout en étant modulable afin de s’adapter aux changements des technologies de transports, sans que la fondation elle-même doive être modifiée. La ville serait construite sur cette fondation ; en son centre se trouveraient les établissements d’éducation et les centres culturels, avec à leurs côtés les bâtiments du gouvernement central et des administrations.

La forme de ces villes devrait probablement être circulaire (du moins, au sens fonctionnel de l’espace-temps physique des déplacements), avec les industries situées à leur périphérie. Leur taille devrait être limitée ; on devrait remédier à l’accroissement de la population par la création de nouvelles villes, toutes fonctionnellement interdépendantes et reliées par des voies de transports à grande vitesse (lévitation magnétique ?) et à grand débit. La ville devrait offrir un environnement complet pour la vie et les activités des ménages, et résister à l’épreuve du temps afin que, pendant plusieurs siècles, cette fonction ne puisse être bouleversée.

Le coût initial d’une telle ville par ménage pourra sembler, à première vue, très élevé. Dans la durée, la réalité est cependant tout autre si nous examinons ce coût par ménage en termes d’intensité capitalistique et si nous prenons en compte la part considérable que représentent les coûts d’entretien dans la gestion d’un ensemble urbain. Le but recherché est l’économie de travail, et elle est ici obtenue grâce à une ville résistant à l’épreuve du temps et maintenue à un coût social toujours plus bas.

En portant la composante ouvrière [nous entendons par « composante ouvrière » la part de la population impliquée dans la production et le transport de biens physiques, de manière directe ou indirecte, NdT] de la population active à environ 50%, et en lançant un « vecteur scientifique » pour dégager les bénéfices de l’économie de travail, de telles villes sont des projets réalisables dans le futur immédiat, et d’un intérêt bien supérieur aux tentatives de réparation des villes existantes, celles-ci étant fondamentalement chères à entretenir et mal conçues pour fonctionner correctement. Si une ville délabrée telle que New York devait être reconstruite, l’approche à suivre consisterait à quadriller la ville telle qu’elle est, et à reconstruire sur chaque case du damier une fondation du type que nous avons précisé, selon un plan général conforme au résultat à atteindre tel que nous l’avons défini ci-dessus.

Il faut toujours garder à l’esprit que le doublement du pourcentage de la composante ouvrière au sein de la force de travail, dans un contexte de progrès technologique rapide (économie de travail), signifie au minimum doubler la productivité moyenne de la force de travail totale, c’est-à-dire que l’on peut doubler, et même plus, ce que chaque membre de la force de travail dans son ensemble peut assumer. Ne pensez pas à ce que nous faisons, mais à ce que nous devrions être en train de faire, y compris à la facture de 3000 milliards de dollars que nous devrons, de toutes façons, régler dans les prochaines années pour remettre en état l’infrastructure, si nous ne voulons pas mourir sous un tas de décombres.

La fusion thermonucléaire controlée

L’eau, c’est la vie. L’eau douce est indispensable à la vie des plantes, des animaux et de l’humanité sur Terre. Les proportions par kilogramme de biomasse sont des paramètres bien connus. La distribution (et la redistribution) des ressources et voies d’eau existantes, dans le sous-sol comme en surface, fournit l’eau là où elle est le plus nécessaire. Cette distribution accroît le potentiel relatif par kilomètre carré de surface.

Cependant, nous ne devons pas seulement distribuer les ressources en eau douce ; nous devons aussi les fabriquer. La fusion thermonucléaire contrôlée permettra, entre autres, de produire de l’eau douce à très bas coût. La production et la distribution des ressources énergétiques revêtent la même importance ; elles aussi permettent d’accroître le potentiel relatif par kilomètre carré de surface.

Les transports et les communications produisent le même effet, proportionnellement au niveau de production de biens physiques par individu. Le développement de l’infrastructure industrielle urbaine apporte le potentiel relatif le plus élevé. Par conséquent, l’amélioration et l’entretien de l’infrastructure rendent possible l’accroissement du potentiel de densité démographique relative. C’est là que réside l’importance fonctionnelle générale de cette sous-catégorie des biens d’équipement, appelée infrastructure économique de base. De là découle la corrélation étroite entre taux d’amélioration de l’infrastructure et accroissements de productivité.


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