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Theodore Katsanevas : La solution pour la Grèce

18 décembre 2012

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Transcription

De plus en plus de mesures accablantes sont imposées à la Grèce, malgré l’échec évident des politiques d’austérité initialement engagées suite à la crise mondiale de 2008-2009. Le pays subit une dépression sans fin, qui entraîne toujours plus de dépression, provoque un chômage de masse, répand la pauvreté et tue tout espoir de développement. Une question simple se pose : n’avons-nous pas intégré la zone euro pour améliorer l’économie grecque ? Pourtant, c’est le contraire qui s’est passé. Durant toute la période d’après-guerre, pendant laquelle nous avons vécu avec notre monnaie, la drachme, jamais nous n’avons connu un tel désastre.

L’euro est en train de tuer les économies régionales, et pas seulement en Grèce

Notre entrée dans la zone euro en 2002, ajoutée à la mauvaise gestion des gouvernements des quinze dernières années – nous devons l’admettre – a mis notre économie en ruine. Et, aujourd’hui, les espoirs pour un avenir meilleur s’envolent. L’économie a été entraînée dans un vortex qui contracte de plus en plus la consommation intérieure, réduit les recettes fiscales et anéantit les possibilités de développement. Les produits importés depuis des économies compétitives qui vendent sur le marché mondial avec des monnaies faibles restent moins chers - voire beaucoup moins chers - que nos produits.

La focalisation de l’économie régionale grecque sur le tourisme et sur l’agriculture nécessite des processus de production intensifs. Le coût de la main d’œuvre ne peut pas être abaissé en-dessous d’un certain niveau dans le seul but de le porter à un niveau inférieur ou égal à ceux de nos compétiteurs. Une chambre dans un hôtel grec coûte environ deux fois plus cher qu’une chambre équivalente en Turquie, en Egypte, en Bulgarie, en Roumanie, en Hongrie, entre autres. Nos olives, oranges, citrons, pêches, cerises, qui tombent de nos arbres et pourrissent, sont remplacées par des importations à bas coût en provenance d’Argentine, du Maroc, d’Egypte, etc.
Est-ce que « l’économie est stupide » ? Non, bien sûr. Des hollandais « malins », entre autres, importent des biens agricoles de l’extérieur de la zone euro, leur donnent le label européen et les réexportent chez ces « Grecs stupides ». Les fertilisants fabriqués par les oligopoles du nord de l’Europe sont deux fois plus chers qu’en Grèce, ce qui a d’importantes conséquences sur les coûts de la production. L’importation d’armes depuis l’Occident représente un coût d’environ 90 milliards d’euros pour les dix dernières années, ce qui est à peu près équivalent à notre déficit original. La Turquie, qui est candidate pour entrer dans l’Union Européenne, continue de brandir des menaces directes contre l’intégrité territoriale de la Grèce et de Chypre, ce qui nous force à dépenser dans l’armement la plus grande proportion du PIB du monde, après les Etats-Unis. Par ailleurs, la Turquie nous bombarde avec 200 000 immigrants illégaux par an, tandis que nos jeunes partent, avec toutes les conséquences que cela implique pour notre existence économique et nationale.

Le costume de l’euro est taillé sur mesure pour l’Allemagne

Le costume de l’euro est taillé sur mesure pour les pays européens du Nord qui détiennent des oligopoles à capital intensif, basés sur les hautes technologies et sur l’innovation. Les coûts de leur production peuvent largement être compressés et les marges de profit sont très élevées. L’euro solide permet donc à l’Allemagne, ainsi qu’à nos autres partenaires du nord, d’accumuler de grandes quantités de devises et de spéculer sur les différentiels, également très importants.

Lorsque l’on observe les effets de la zone euro sur plusieurs pays, on fait une trouvaille étonnante. Avant leur entrée dans l’euro entre 1999 et 2002, les pays GIPSI (Grèce, Italie, Portugal, Espagne, Irlande) suivent une courbe économique à la hausse, puis la tendance s’inverse quelques temps après. Il en est plus ou moins de même pour certains autres pays de la zone euro, en particulier pour Chypre, la Slovénie, la Slovaquie et la Belgique. Par contre, les pays qui sont restés hors de la zone euro, comme la Grande-Bretagne, le Danemark, la Suède, la République Tchèque, la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne et la Roumanie se sont maintenus dans une tendance à la croissance, avec un déclin partiel suite à la crise de 2009. Les pays hors de l’Union Européenne, comme la Norvège, la Serbie et la Turquie, résistent à la crise ; il en est de même pour la Russie, entre autres. L’Argentine, après avoir désolidarisé sa monnaie du dollar fort, se développe de façon exponentielle, sans mentionner l’impressionnante croissance économique de la Chine, grâce à son yuan souple.

Soyons réalistes. Nos partenaires insistent pour que la Grèce reste dans la zone euro, parce qu’ils redoutent l’effet domino d’un Grexit. Mais maintenir notre économie dans un état de paralysie économique ne laisse aucun espoir de reprise. Notre faible compétitivité, ainsi que l’effondrement actuel de notre production et de notre consommation intérieures, nous entraînent dans le cercle vicieux du défaut sur la dette et du besoin d’emprunter encore et encore. Sur le long terme, tout le monde y perd, même nos créanciers. Il est vrai qu’une sortie de l’euro serait au départ source de souffrances, pour un pays comme la Grèce. Aujourd’hui nous vivons des heures douloureuses, la différence est qu’il n’y a aucun espoir pour le lendemain.

Ce que nous faisons

Au point où nous en sommes, la solution la plus claire serait une banqueroute organisée en annulant 50% de la dette totale, avec une période de grâce de deux ans afin de préparer le payement des 50% restants, la période de payement étant rallongée. Et par-dessus tout, il faut sortir de l’euro, sans toutefois sortir de l’Union Européenne. La nouvelle drachme pourrait subir une dévaluation initiale de 50%. Elle suivra ensuite un taux raisonnable, liée à un panier de monnaie contenant l’euro, le dollar ainsi que les monnaies plus souples de nos pays compétiteurs. Une autre solution serait la création d’un second euro pour les pays européens périphériques.
Dans tous les cas, l’augmentation dramatique du chômage et des suicides, la fermeture des entreprises, les coupes brutales dans les salaires et les retraites, les licenciements des fonctionnaires à un âge – de 50-55 ans – où il leur est presque impossible de trouver un travail dans le secteur privé, le basculement de millions de gens dans la misère absolue, sont bien évidemment antiéconomiques et politiquement dangereux. Cela provoque un effondrement brutal de la demande intérieure, ainsi que des révoltes sociales violentes avec leurs conséquences sociales et économiques dramatiques.

Il ne fait aucun doute sur la nécessité urgente de couper les dépenses du gouvernement, de moderniser l’administration publique, la sécurité sociale et la santé publique, de combattre la corruption, l’impunité, la bureaucratie, et de réduire l’évasion fiscale. Concernant la politique de développement, il y a également un besoin urgent de soutenir les manufactures et l’industrie et de promouvoir les secteurs stratégiques de l’économie, comme les énergies alternatives, l’exploitation du pétrole, du gaz et des ressources minérales ; nous devons également promouvoir le tourisme de qualité et le tourisme marin, les cultures agricoles compétitives et/ou alternatives, l’aquaculture, l’industrie agroalimentaire, les fertilisants, le matériel pour la défense, la construction navale, l’industrie pharmaceutique, le transport, les services financiers, les nouvelles technologies, la recherche et l’innovation. Mais il faut pour cela que notre pays soit dirigé par un sens de justice, d’efficacité, de compétence et d’honnêteté, par la meilleure force politique et humaine, et non par la pire. Et c’est sur ce point que nos partenaires européens peuvent nous apporter des conseils précieux et de l’aide.

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