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Nouvelle présidence aux États-Unis : entre apaisement et reconstruction économique ?

19 novembre 2016

La victoire de Trump éloigne provisoirement le spectre de la guerre

Au-delà de l’hystérie et des scénarios d’horreur imaginés par tous ceux qui étaient convaincus qu’Hillary Clinton serait la prochaine Présidente des États-Unis, la majorité des médias, des deux côtés de l’Atlantique, n’ont pas vu les deux aspects les plus importants de la victoire de Donald Trump. D’abord, il s’agit d’un rejet absolu de la direction politique suivie depuis seize ans, sous George W. Bush et Barack Obama. Hillary Clinton bénéficiait du soutien total de la machine démocrate et d’Obama, mais aussi de la machine de Bush dans le Parti républicain.

Malgré le mantra des médias sur la prétendue popularité du locataire actuel de la Maison Blanche, la candidate démocrate a été battue dans des États clés où il a fait campagne pour elle dans les jours précédant le vote, dont le Michigan, la Pennsylvanie et la Caroline du Nord. La défaite de Mme Clinton est due à la colère des électeurs contre cet establishment qui a imposé tant de souffrance au peuple, avec des guerres sans fin, sa désastreuse réforme de la santé et l’essor d’une économie casino qui ne profite qu’à quelques-uns.

Deuxièmement, la victoire de Trump offre aux États-Unis l’occasion de mettre fin aux dangereuses provocations contre la Russie et la Chine qui ont poussé le monde sur la voie rapide d’une guerre mondiale. Dans une déclaration diffusée le 11 novembre, le Comité d’action politique de Lyndon LaRouche affirmait :

Cette élection fournit un court répit dans la course à la guerre contre la Russie, pourvu qu’on parvienne à empêcher Barack Obama de lancer une action insensée pendant les dernières semaines de son mandat.

Sur la fin de la campagne, Trump a soulevé ce thème, avertissant que l’appel de Clinton à une « zone d’interdiction aérienne » en Syrie mènerait à une guerre avec la Russie. Alors que Clinton avait traité le président Poutine de « Hitler » et promettait d’alourdir les sanctions contre la Russie, tout en augmentant le déploiement de l’OTAN à la frontière russe – deux mesures prises par Obama et soutenues par les néoconservateurs républicains – Trump a dit qu’il préférait un dialogue avec Poutine, ajoutant qu’il voit d’un bon œil son approche pour écraser Daech et qu’il serait prêt à collaborer avec lui sur ce point.

Pour l’heure, il n’est pas clair si le Président-élu respectera son engagement de mettre fin à la politique de changement de régime par des moyens militaires. Ce qui est clair, c’est qu’il subira les pressions des néoconservateurs dans le sens contraire. Toutefois, dans une interview avec le Wall Street Journal du 11 novembre, Trump a réaffirmé sa position, notant que son point de vue sur la Syrie est « à l’opposé de celui de beaucoup de gens ». Il estime que la priorité est de combattre Daech, et pas la Syrie, qui combat aussi Daech. S’il maintient cette ligne, cela pourrait effectivement signifier la fin de l’ère de guerre permanente ayant marqué les présidences Bush et Obama.

S’associer à la Nouvelle Route de la soie et au-delà au Pont terrestre mondial

Si Donald Trump a défendu des propositions intéressantes sur la politique de guerre et l’investissement dans l’infrastructure, l’homme politique et économiste américain Lyndon LaRouche estime qu’on aurait tort de compter sur le nouveau Président élu pour faire le nécessaire. Au contraire, nous devons compter sur nos propres forces pour faire passer le programme requis.

Nous avons besoin d’un nouveau système, a répété LaRouche, « pas celui de Trump, mais d’un système nouveau ». Le principal problème est que :

Nous n’avons pas de système international défini qui puisse assurer la paix. Il n’existe pas encore et nous devons le créer.

Pour LaRouche, le rôle stratégique joué par Vladimir Poutine et sa collaboration avec la Chine et les BRICS dans la mise en œuvre de la Nouvelle Route de la soie, constituent des éléments décisifs permettant non seulement d’éviter la guerre et de lutter contre le terrorisme, mais d’aller au-delà pour s’engager dans la réalisation des « objectifs communs de l’humanité ». Ce « nouveau paradigme » pour lequel se battent depuis longtemps LaRouche et sa femme Helga Zepp-LaRouche, exige une renaissance culturelle et scientifique.

Dans les jours à venir, le mouvement de LaRouche à Washington va interpeller le Congrès pour qu’il soutienne un programme permettant aux États-Unis de participer réellement à la création de ce nouveau paradigme, ce qui passe par l’adoption des « quatre principes cardinaux » définis par LaRouche. Alors que Trump a défendu le rétablissement du Glass-Steagall, le premier de ces quatre principes, et appelle à des investissements massifs dans l’infrastructure, le troisième des quatre, il ne pourra réussir que si le financement des projets se fait par le biais de la création d’une véritable banque des États-Unis, basée sur une politique de crédit de type hamiltonien. En tout état de cause, il faudra mener un rude combat contre les intérêts de Wall Street pour obtenir que le Congrès adopte ces trois premières lois.

Ces intérêts ne sont pas prêts à accepter la séparation des banques et ne toléreront que des projets d’infrastructure relevant de financements public-privé, ce qui reviendrait à saboter toute véritable approche rooseveltienne de l’investissement public. Comme les électeurs l’ont montré le 8 novembre, et dans des sondages pré-électoraux faisant ressortir un soutien écrasant pour le démantèlement des grandes banques, ils sont prêts à soutenir le programme de LaRouche.

Ceci nous amène au quatrième principe, à savoir l’adoption d’une locomotive scientifique tirant le tout, incluant la recherche spatiale et l’énergie de fusion thermonucléaire. La poursuite d’un tel programme amènera inévitablement les États-Unis à se joindre à la perspective représentée par la Nouvelle Route de la soie et, au-delà, par le Pont terrestre mondial.

Des démocrates progressistes fixent leurs conditions à toute collaboration éventuelle avec Trump

Les promesses multiples de Donald Trump, celles de relancer l’économie réelle et d’améliorer les conditions de vie des plus dépourvus et des classes moyennes, font partie des revendications traditionnelles de l’aile progressiste du parti démocrate, qui a fini par soutenir Hillary Clinton pour des raisons pragmatiques.

Certains d’entre eux indiquent maintenant qu’ils sont prêts à travailler avec un président Trump, mais sous condition. Parmi eux, la sénatrice démocrate du Massachusetts Elizabeth Warren, qui est à l’origine de la proposition de loi pour un « Glass-Steagall du XXIe siècle » et redoutée par Wall Street. Dans un discours devant la centrale syndicale AFL-CIO le 10 novembre, c’est-à-dire à peine deux jours après l’élection, elle a déclaré :
Il y a des millions de gens qui n’ont pas voté pour Donald Trump à cause de la bigoterie et de la haine qui alimentaient ses réunions de campagne. En dépit de cela, par pure frustration et colère, ils ont voté pour lui tout en espérant qu’il apportera du changement. (…) Lorsque le Président Trump voudra s’attaquer à ces questions [emploi, salaire, infrastructures, etc.], lorsque son objectif consistera à accroître la sécurité économique des classes moyennes, alors comptez sur moi. Je mettrai de côté nos différences et je travaillerai avec lui pour atteindre cet objectif. Je me propose de travailler le plus durement possible et mobiliser le plus de gens possible dans cet effort.

Le vice-président du groupe des élus progressistes à la Chambre, Keith Ellison, a tenu des propos semblables dans un entretien avec USA Today :

Je pense que personne ne peut nier que Trump a tenté d’apparaître comme un populiste économique (…) Nous devons répondre aux besoins des gens qui ont vécu dans la stagnation.

Le sénateur Bernie Sanders a précisé qu’il travaillerait avec Trump, au cas par cas, s’il maintient ses promesses de créer des emplois, bâtir des infrastructures et hausser les salaires.

Par ailleurs, après leur défaite retentissante, plusieurs démocrates en appellent à un nettoyage au sommet du parti, c’est-à-dire au Democratic National Committee dont la corruption a été révélée par le site Wikileaks.

À noter également la déclaration de l’ancien gouverneur du Maryland, Martin O’Malley. Après avoir mis Glass-Steagall au cœur même de sa campagne pour l’investiture présidentielle démocrate, O’Malley envisage désormais de se présenter à la présidence du DNC afin « d’articuler une vision progressiste ambitieuse et de revenir à nos valeurs historiques », c’est-à-dire un parti s’appuyant sur le monde du travail et les minorités, loin de Wall Street. O’Malley devrait donc affronter dans la course Keith Ellison, un musulman, qui dispose du soutien de Warren et Sanders.

Triomphe électoral pour les partisans de la séparation bancaire

Plusieurs députés américains qui ont soutenu la séparation bancaire et l’adoption de la loi JASTA et/ou se sont mobilisés contre le bellicisme affiché par Obama, ont été réélus haut la main :

  • La démocrate Tulsi Gabbard d’Hawaii, une partisane inconditionnelle du Glass-Steagall et adversaire du bellicisme d’Obama, qui avait défié Hillary Clinton et le DNC en soutenant la candidature de Sanders, a été réélue avec 81 % des voix ;
  • Ted Lieu de Californie, qui n’a cessé de critiquer la politique de guerre permanente d’Obama, lui aussi un co-sponsor de Glass-Steagall, a emporté 66 % des voix ;
  • Une des premières à introduire le projet visant à rétablir le Glass-Steagall, la démocrate de l’Ohio Marcy Kaptur, a été choisie par 69 % des électeurs ;
  • Le député républicain Walter Jones, qui s’était associé au Comité d’action politique de Lyndon LaRouche (LPAC) pour réclamer la levée du secret défense des 28 pages du rapport d’enquête sur le 11 septembre et promoteur de la loi JASTA permettant de poursuivre l’Arabie saoudite pour son rôle dans ces attentats, a été réélu avec 67 % des voix.

L’ensemble de cette dynamique, de pair avec la campagne du LaRouchePAC très ciblée sur le sujet, indique que les projecteurs resteront braqués dans les semaines à venir sur les crimes de Wall Street et le besoin d’une approche à la Franklin Roosevelt. Le fait qu’Obama s’est vu contraint de suspendre les négociations sur l’accord de libre échange avec l’Asie (TPP), au lieu de tenter de le passer à la hussarde avant la fin de son mandat, est un autre signe prometteur.

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